La doctrine Trump se dessine petit à petit et c’est parfaitement cohérent

C8f4a0719daee662f251da97a26b4822

Un pragmatique avant tout

C’est peu dire que l’élection de Donald Trump a été une énorme surprise, mais ce qui est encore plus déroutant, c’est que, quelques semaines après sa victoire, personne n’était vraiment capable d’expliquer les tenants et les aboutissants de son programme. Allez comprendre comment, alors que, tout au long de sa campagne, le candidat Trump s’était contenté d’égrener un ensemble incohérent de mesures spectaculaires d’inspiration éminemment populiste, dès le lendemain de son élection, Wall Street lui faisait une haie d’honneur à sa façon, traduction « j’achète la Bourse et j’achète le dollar ». Et allez comprendre comment un candidat élu avec les voix des déshérités de la mondialisation, les sans-dents de l’Amérique profonde, puisse, une fois élu, s’entourer d’un nombre impressionnant de milliardaires.

 

La vérité est que Donald Trump a fait un diagnostic de la situation politique et économique des États-Unis que personne n’avait osé faire auparavant, un diagnostic non pas de théoricien mais d’observateur pragmatique du terrain dont, certes, on ne saura que plus tard s’il était le bon ou pas, mais qui tient parfaitement la route. Pour Trump, les causes de la crise économique sont structurelles. Au diable, donc, les théories monétaristes ou keynésiennes, si Mme Janet Yellen souhaite que les taux d’intérêt remontent, qu’elle le fasse – peu lui chaut. Pour autant, hors de question, chez lui, d’embrasser les thèses d’un Thomas Piketty sur les inégalités patrimoniales inhérentes au capitalisme et qui, irrémédiablement, conduiraient à la panne totale de croissance. Dans le droit fil de son expérience d’entrepreneur, il croit toujours aux vertus d’un capitalisme pur et dur (pour ne pas dire brutal), les grands patrons peuvent être rassurés et l’Obamacare ne survivra pas à son inventeur.

Alors, quoi ? En fait, Donald Trump met tout sur le dos du libre-échange et des délocalisations, avec comme tête de Turc la Chine. Selon lui, tous les stigmates de la crise remontent à une seule et même source : la concurrence des pays en voie de développement qui a dévasté le tissu industriel américain. Vu d’Europe, et notamment avec le regard d’un militant souverainiste, ce diagnostic peut sembler banal, mais aux États-Unis, affirmé avec une telle franchise, c’est inédit, comme il est inédit d’affirmer que le libre-échange est non seulement la cause, mais la seule et unique cause de la crise.

 

Une fois que l’on a compris ce que Donald Trump a vraiment en tête pour son pays, tout devient cohérent, et même sa vision de la politique étrangère – et là, nous touchons au deuxième volet de sa doctrine, une véritable révolution. Pour Trump, en effet, la politique étrangère ne doit pas avoir pour but de propager les valeurs de la démocratie urbi et orbi, mais de servir uniquement les intérêts des États-Unis, et par intérêts, il faut comprendre les intérêts économiques stricto sensu. Le rapprochement avec la Russie – confié non pas à un politique mais à un industriel, c’est tout dire – et le refroidissement des relations avec Pékin sont parfaitement cohérents avec une politique de recentrage économique sur le sol américain. Face à la Chine, qui a beaucoup à perdre sur le plan économique, les États-Unis doivent se préparer à une confrontation diplomatique serrée. A contrario, la Russie, loin d’être un concurrent industriel, offre toutes les synergies qui fondent un partenariat fécond pour l’avenir.


Si la cohérence de Donald Trump est un mystère pour nos politologues, c’est tout bêtement parce qu’il n’est ni un économiste ni un politique mais un entrepreneur et qu’il entend gouverner comme un entrepreneur. L’avenir nous dira si l’establishment le laissera faire et si sa doctrine très originale est la bonne.



Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé