La diversité policière

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La prochaine campagne électorale se fera sur l'identité nationale

Comme si la prochaine campagne électorale ne s’annonçait pas suffisamment mouvementée, le conseiller de l’arrondissement de Snowdon, Marvin Rotrand, semble vouloir y ajouter du piquant.


Depuis l’adoption de la Loi sur la neutralité de l’État et les accommodements religieux dans les organismes publics, les protagonistes du débat sur le port de signes religieux semblaient avoir décidé de suspendre temporairement les hostilités.


La vision multiculturaliste du gouvernement Couillard l’a passablement desservi auprès de l’électorat francophone, Jean-François Lisée a dû mettre la pédale douce sur les questions identitaires pour ne pas mécontenter son caucus et François Legault croit manifestement que la meilleure façon de préserver son avance dans les sondages est de faire le moins de vagues possible.


En réclamant que le turban et le hidjab fassent désormais partie du code vestimentaire du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), M. Rotrand risque toutefois de mettre prématurément fin à la trêve.


Sans grande surprise, la mairesse Valérie Plante s’est dite « très, très ouverte » à sa proposition. Dans son esprit, sa mise en oeuvre contribuerait à la valorisation de la diversité culturelle que préconise le programme de Projet Montréal.


Il est vrai que le port du turban ou du hidjab ne semble avoir posé aucun problème de sécurité dans les villes où il a été autorisé, que ce soit à Toronto, Vancouver, Calgary, Edmonton ou New York, pas plus qu’à la Gendarmerie royale du Canada.


Si la question de la sécurité a parfois été soulevée, cette considération est relativement secondaire. La question est surtout de savoir dans quelle mesure le caractère laïque de l’État doit se refléter dans l’apparence de ceux qui l’incarnent.


Quand M. Rotrand s’était adressé une première fois au SPVM, en 2016, on lui avait répondu qu’il n’existait « ni une politique précise en lien avec le port d’un hidjab, ni un modèle approuvé », mais que la direction était prête à évaluer une éventuelle demande. Elle se disait également ouverte au port du turban, tant que la sécurité de son personnel n’était pas compromise. Les choses en étaient cependant restées là.




 


Dans son rapport de 2008, la commission Bouchard-Taylor recommandait d’interdire le port de signes religieux dans le cas des agents de l’État qui détiennent un pouvoir de « sanction » ou de « coercition », comme les juges, les procureurs de la Couronne, les policiers et les gardiens de prison.


Selon elle, cette position représentait « le meilleur équilibre pour la société québécoise d’aujourd’hui » et correspondait au voeu de la population. Cette recommandation ne s’est toutefois jamais traduite dans une loi.


En février 2017, un des deux commissaires, Charles Taylor, s’est ravisé. Contrairement à son collègue Gérard Bouchard, il en est arrivé à la conclusion qu’une telle interdiction aurait pour effet « d’exclure les immigrants de certaines zones ».


Leur rapport avait d’ailleurs reconnu qu’il faudrait prendre en considération l’hypothèse qu’une force policière puisse plus facilement gagner la confiance d’une population diversifiée si elle présentait elle-même une image diversifiée et inclusive.


La volte-face de M. Taylor avait eu pour effet de conforter le premier ministre Couillard dans son refus de légiférer en cette matière : « Je suis opposé, nous sommes opposés et nous nous opposerons à toute discrimination vestimentaire. Aucune profession ne devrait empêcher ou bloquer quelqu’un pour une raison vestimentaire, que ce soit une croix, une kippa ou d’autres signes. »




 


Dans l’état actuel des choses, le SPVM peut faire comme bon lui semble et la mairesse Plante n’a manifestement pas l’intention de lui dicter une ligne de conduite.


La porte-parole péquiste en matière de laïcité, Agnès Maltais, a cependant conseillé au SPVM d’attendre l’élection du 1er octobre prochain avant de s’engager dans cette voie, puisque le prochain gouvernement fixera des « balises nationales » qu’il devra respecter au même titre que tous les services de police du Québec.


Mme Maltais a raison : il n’appartient pas à un corps de police, si important soit-il, de dicter les règles qui doivent encadrer la laïcité de l’État. À en croire les sondages, la probabilité que le prochain gouvernement soit formé par le PQ semble plutôt faible, mais la CAQ est sur la même longueur d’onde sur cette question.


À l’Assemblée nationale, l’aile parlementaire de Québec solidaire s’est aussi ralliée à la position du rapport Bouchard-Taylor, mais son programme autorise le port de signes religieux pour tous les agents de l’État, « pourvu qu’ils ne servent pas d’instrument de prosélytisme et que le fait de les porter ne constitue pas en soi une rupture avec leur devoir de réserve ».


> La suite sur Le Devoir.



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