On peut lire : « Juan Manuel Santos gagne par une majorité "écrasante" », on oublie de dire que plus de 60% de la population, soit l'écrasante majorité a refusé ou a été empêchée d'aller voter. (On parle même de près de 70 % d'abstention [1]
Comment peut-on qualifier une démocratie où les gens ne votent pas ?
Et pourquoi donc les Colombiennes et Colombiens ne vont pas voter ?
Comme on le savait dès le départ, Juan Manuel Santos a été "élu".
Il aurait fallu pratiquement un miracle pour contrer cette machine au pouvoir.
Ce résultat est douteusement démocratique, il est le reflet de l'autoritarisme capitaliste qui terrifie la population colombienne depuis de longues décennies.
La Colombie est l'un des pays les plus violent qui soit.
En particulier pour les syndicalistes et les journalistes.
Le 13 août 1999, Jaime Garzón est assassiné. L'assassinat de ce communicateur et humoriste représente pour plusieurs l'assassinat de la liberté d'expression en Colombie.
Le populaire Jaime Garcón était intervenu dans les rapprochements de paix de 1999, en étant médiateur entre le gouvernement et les FARC lors de la libération de prisonniers séquestrés par la guérilla. Il est assassiné la même année.
Depuis des années, le pouvoir en place évite de faire la Paix. Cette guerre interne sert à justifier la présence indue de l'armée US (sept bases, des millions investis chaque année) et le contrôle militaire de la population.
Jaime Garcón a été assassiné par une organisation d'extrême droite (probablement par les AUC "Auto-defensas Unidas de Colombia") alors qu'il se dirigeait vers les studios de "Radionet" pour y enregistrer son programme du matin.
Je vous invite à lire Claudia Julieta Duque, journaliste d'investigation, oeuvrant à Bogotá, 13 août 2009.
« La mort de Jaime Garzón et l'assassinat de la liberté d'expression en
L'automne dernier, Mme Duque a reçu des menaces sérieuses.
« Grave menace pour la sécurité de Claudia Julieta Duque, représentante en Colombie de Radio Nizkor et Equipo Nizkor »
(Nizkor est un groupe qui lutte pour les droits humains et l'impunité en Amérique latine et de par le monde)
En mars dernier :
Colombie, Courrier International.
« Un journaliste assassiné en terre paramilitaire »
[5]
Clodomiro Castilla dénonçait depuis des décennies les liens entre les groupes armés et la classe politique de la région de Córdoba, où le président Uribe possède une propriété. Il a été abattu le 19 mars 2010.
« Assassinat d'un journaliste dans une région sous influence paramilitaire : "Pourquoi Clodomiro Castilla ne bénéficiait pas d'une protection ?" »
Reporter sans frontières
Versé dans la dénonciation des liens entre les autorités du département de Córdoba et les groupes paramilitaires, Clodomiro Castilla Ospina, assassiné le 19 mars 2010, était un journaliste particulièrement exposé dans l'une des régions les plus dangereuses du continent pour la profession. [6]
http://fr.rsf.org/colombie-assassin...
Le 11 avril 2010
« Assassinat du directeur d'une radio communautaire indigène »
Reporter sans frontières
"Motif passionnel". Les autorités chargées de l'enquête sur l'assassinat, le 11 avril 2010, de Mauricio Medina Moreno, ont avancé ce mobile presque immédiatement après la découverte du corps, lardé de vingt-cinq coups de couteau à son domicile. La victime dirigeait CRIT 98.0 FM Estéreo, une station de radio communautaire indigène d'Ortega, dans le département de Tolima. Les enquêteurs ont exclu la piste d'un groupe armé en activité dans cette région.
… L'invocation d'un "motif passionnel" sert trop souvent d'argument pour écarter la piste professionnelle, voire enterrer une affaire. Ce procédé s'est déjà vérifié dans d'autres affaires d'assassinats de journalistes en Colombie. " [7]
" En tant que dirigeant d'une radio communautaire, type de média souvent dans la ligne de mire des autorités - en particulier en zone de conflit -, la victime courait des risques en raison de ses activités. Leader local reconnu, Mauricio Medina Moreno défendait en langue native la condition sociale et la culture de son peuple. Il occupait d'importantes fonctions au sein du Conseil régional indigène de Tolima (CRIT), dont son média était le relais. Il militait également pour la protection de l'environnement ce qui peut attirer des inimitiés et des représailles. "
On peut étaler des pages et des pages sur la violence politique qui prévaut en Colombie. C'est cette violence qui terrorise les gens au point de leur enlever leur droit de vote. Plus de 60% d'abstention, voilà le réel résultat des élections.
Concernant Juan Manuel Santos, il aurait fallu un miracle pour qu'il ne soit pas "élu".
En effet, M. Santos et sa puissante famille contrôlent le pays depuis des années.
Comme je le soulignais dans mon article du 28 mai dernier
« Élection présidentielle en Colombie » [8]
Il aurait été surprenant que Juan Manuel Santos ne devienne pas le futur président colombien.
Je disais :
Juan-Manuel Santos, un néolibéral, militariste, belliqueux ayant à cœur ses intérêts et ceux de ses amis de Washington.
La famille Santos dont le patriarche, Eduardo, fut le 20e président de la Colombie de 1938 à 1942 possède une des plus grandes fortunes colombiennes. Il possède la quasi-totalité du monde médiatique colombien. Cette famille détient "El Tiempo" le plus grand quotidien de diffusion nationale ainsi que de multiples publications…
La famille Santos occupe donc une place prédominante dans le champ du pouvoir politique, économique et médiatique en Colombie. Les oncles de Juan-Manuel occupent les plus hauts postes de la Casa Editorial El Tiempo. Au gouvernement le vice-président est Francisco Santos, cousin du rédacteur en chef d'El Tiempo, Enrique Santos et aussi cousin de Juan-Manuel. Alfredo Santos est directeur de la revue politique la Semana. [9]
En Colombie, à chaque campagne électorale, on a l'habitude de dire qu'El Tiempo ne perd jamais ses élections. Il a toujours sa part de ministres et d'ambassadeurs. Ces puissants du monde médiatique sont une sorte de permanence institutionnelle qui regroupe les "élites" oligarchiques utiles pour servir les intérêts des quelques riches familles possédant le Pays. Ils ne sont d'aucun parti. Ils sont "gouvernementalistes", c'est-à-dire toujours "près" du gouvernement.
Il serait surprenant que Juan-Manuel Santos ne devienne pas le futur Président colombien. La puissance de persuasion médiatique est connue et efficace. De plus, la culture colombienne de l'achat du vote devrait aider à convaincre ceux sur qui l'emprise médiatique a moins d'effet.[10]
Ceux qui parlent de "démocratie" en Colombie oublient beaucoup de facettes importantes du pays.
On compare souvent la Colombie et le Venezuela du "despote" (sic) Chávez (comme l'appelle Radio-Canada dans son dossier "approfondi" (sic) (Chávez libérateur ou "despote" ? [11] http://www.radio-canada.ca/nouvelle... ).
Comparons les journalistes assassinés
de 1992 à 2010, il y a eu 43 journalistes assassinés en Colombie
Vous avez la liste sur le site du Comité de la protection des journalistes (CPJ) [12]
contre cinq seulement (mais cinq tout de même de trop) au Venezuela du despote (sic) Hugo Chávez.
Vous avez les noms ici : [13]
Certaines personnes par ferveur idéologique tentent de modifier la réalité par de la désinformation subtile. Il faut constamment référer aux statistiques et aux événements. Les faits, l'Histoire et la marche politique des pays et de leurs dirigeants doivent être étudiés avec sérieux avant de tirer des conclusions. La Colombie vit dans la violence politique et la population est terrorisée au point d'abandonner ses droits démocratiques. La guérilla des FARC n'est pas l'unique source de violence. Les liens prouvés entre les dirigeants, les narcos-trafiquants et paramilitaires sont connus et peu diffusés par la presse "officielle".
***
Serge Charbonneau
Québec
1] [Présidentielle en Colombie : une très forte abstention
2] [La mort de Jaime Garzón et l'assassinat de la liberté d'expression en Colombie
3] [Grave menace pour la sécurité de Claudia Julieta Duque, représentante en Colombie de Radio Nizkor et Equipo Nizkor
4] [Le groupe Nizkor
5] [Un journaliste assassiné en terre paramilitaire
6] [Assassinat d'un journaliste dans une région sous influence paramilitaire
7] [Assassinat du directeur d'une radio communautaire indigène
8] [Élection présidentielle en Colombie
9] [La Colombie aujourd'hui vue par la presse colombienne
10] [En Colombie, les candidats ont tendance à acheter les électeurs
11] Dossier Radio-Canada : [Chávez, Libérateur ou "despote" ?
12] [43 journalistes assassinés en Colombie depuis 1992
13] [5 journalistes assassinés au Venezuela depuis 1992
Auteur : Serge Charbonneau
La démocratie colombienne
Pourquoi donc la population colombienne ne va pas voter ?
Tribune libre 2010
Serge Charbonneau214 articles
Artisan de l’information depuis 1978. Voyageur reporter retraité pour raisons de santé et financière.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé