La danse du crucifix

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De «feu de paille identitaire» à «incendie rageur»






La danse sociale des symboles religieux a recommencé, cette fois à Québec. On avance, on recule, on avance et on tape du pied trois fois : cha-cha-cha.




Pourquoi, ô grands et petits dieux, y compris vous, les idoles laïques, la direction de l’hôpital Saint-Sacrement a-t-elle enlevé un crucifix indubitablement patrimonial, puisqu’accroché en 1927 par les fondatrices de l’institution, parce qu’une personne, une seule, a porté plainte?




Manque de jugement




C’était écrit dans le ciel que cette décision allait susciter un tollé. Pire: que l’anonymat du plaignant encouragerait des trolls à répandre la rumeur que c’était l’œuvre d’un musulman via les réseaux sociaux.




Le risque qu’un pieux musulman, ou un juif orthodoxe, ou un sikh enturbanné demande qu’on retire un crucifix de l’entrée d’un hôpital de Québec est quasi nul.




En général, les authentiques croyants — pas les faux prophètes porteurs de programmes politiques secrets — s’accommodent bien, par solidarité spirituelle, de l’expression de traditions autres que les leurs.




Par contre, certains militants pro-laïcité refusent tout compromis.




En 2015, un patient s’était plaint aux autorités de la présence d’un crucifix dans sa chambre à l’hôpital de Granby. Dans un espace privé, je comprends. Mais pas dans l’entrée d’un hôpital qui porte un nom aussi catholique que Saint-Sacrement.




L’hôpital refuserait de reculer, même si la ministre de la Justice a précisé qu’aucune loi n’exige le retrait de signes religieux des institutions publiques au Québec.




En citant l’arrêt de la Cour suprême au sujet de la prière au conseil municipal à Saguenay, la direction affiche son incompréhension de la neutralité de l’État dans le contexte législatif actuel. Ou affiche-t-elle son propre militantisme?




Dans un conseil de ville, tout comme à l’Assemblée nationale, les élus discutent des affaires de l’État, prennent des décisions qui touchent l’ensemble des citoyens. Pas à l’hôpital.




Prier pour prier




Je parie que plus de gens — et pas que des croyants — prient dans les hôpitaux que dans les églises. Pour la guérison d’un être cher, pour survivre à une intervention délicate, pour remercier le Ciel d’une naissance heureuse. Pour apaiser une souffrance.




Moi qui ne suis pas catholique, je n’oublierai jamais la visite à mon chevet d’une sœur en habit religieux, une bénévole, la veille d’une opération pour un cancer féminin. J’ai pleuré dans ses bras mon deuil de ne plus jamais pouvoir donner la vie.




Personne n’avait perçu ma détresse, sauf cette femme consacrée à Dieu qui n’avait jamais eu d’enfants.




J’espère que les chasseurs de crucifix ne se plaignent pas aussi de la présence de religieuses dans nos hôpitaux, s’il en reste. J’imagine leur indignation: la mienne portait le voile.




Par contre, une décision administrative isolée, si insultante soit-elle pour plusieurs, ne peut justifier de mettre le Québec sens dessus dessous. La direction doit reculer. Ou être remplacée. Et les règles enfin clarifiées pour tous.




Il ne reste plus qu’à espérer que cette tempête dans un verre d’eau bénite servira de leçon à d’autres fonctionnaires sans génie ni jugement, qui ne savent pas qu’un feu de paille identitaire va rapidement devenir un incendie rageur au Québec.



 




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