Une proposition

La croix, un symbole québécois et universel

Le lys sur la croix

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Tribune libre

Un débat libérateur


La controverse récurrente sur la présence du crucifix à l’Assemblée nationale est symptomatique d’un malaise collectif qui dépasse largement l’adoption d’une politique de la laïcité.  Cette politique, qui est nécessaire, n’est qu’une facette du peuple québécois dans son mouvement d’affranchissement.  Or, c’est son identité entière qui cherche à s’enrouler sur le canal axial de la liberté collective.  


Il n’est pas étonnant que la crise des faux « accommodements raisonnables » qui perdure depuis plus d’une décennie se cristallise sur le maintien à l’Assemblée nationale du symbole catholique le plus notoire.  Cette crise entretenue par la doctrine de l’État canadien, le multiculturalisme — avec sa composante incendiaire, le multiconfessionnalisme — perdurera tant que le Québec, qui aspire à une laïcité à la française où l’État est nettement séparé des institutions religieuses, n’aura pas brisé le joug du régime canadien, qui s’inscrit dans la tradition anglo-saxonne d’une promotion étatique délirante des diverses religions.  


D’ailleurs, plus le multiculturalisme se montre agressif, plus des patriotes non pratiquants, voire incroyants, se portent à la défense du crucifix comme symbole de la résistance de la nation.  Lorsque l’existence même d’une nation est menacée, ses défenseurs s’inspirent d’archétypes agissant comme des clefs de voûte du destin collectif.  Notre mère patrie, la France, sous occupation nazie, en témoigne dans son sursaut libérateur.

 



La croix de Lorraine ou croix patriarcale à double traverse, le symbole de la Résistance, au sein de la bande blanche du drapeau tricolore de la France libre, 1940-1944.



Généralement au Québec, on s’oppose à la présence ostensible de symboles religieux dans les institutions de l’État depuis la Révolution tranquille.  Malgré cela, de nombreux citoyens — même des tenants de la laïcité — au grand dam des détracteurs, veulent conserver la présence du crucifix dans le lieu où se réunissent et délibèrent les élus du peuple.  Ces patriotes invoquent l’argument de la conservation du patrimoine culturel.  Précisément, on affirme que le crucifix ne saurait disparaître de l’Assemblée nationale, pas plus que la croix située sur le mont Royal ou intégrée dans le fleurdelisé.  La logique de ce fil symbolique est indubitable.  Cependant, s’agit-il vraiment d’objets comparables ?


Une perspective historique


Le patrimoine culturel, c’est la richesse des œuvres, matérielles ou immatérielles, transmise par les générations précédentes aux suivantes.  Ce crucifix et cette croix, sont-ils des œuvres remarquables par leur caractère historique et esthétique ?


Dans le Québec de la première moitié du 20e siècle, l’Église catholique régnait sur les esprits.  Une croix colossale fut érigée sur le mont Royal en 1924.  Le crucifix est apparu au Parlement québécois en 1936, à l’époque du premier ministre Maurice Duplessis ; il a fait adopter en 1948 notre drapeau national, le fleurdelisé orné d’une croix.  Certes, les trois objets offrent le même intérêt référentiel historique et culturel.  Mais il en va autrement sur le plan esthétique.  Par son style, le crucifix de l’Assemblée nationale ne se distingue pas d’un autre crucifix, comme celui que l’on affichait naguère à l’école, dans chaque salle de classe.


La croix du fleurdelisé et du mont Royal


Le drapeau à croix d’argent cantonnée de quatre fleurs de lys d’argent sur fond azur représente le déploiement de la Nation québécoise.  Le Christ ne figure pas sur la croix, d’autant que la barre horizontale est plus longue que la barre verticale.  Tout en ne niant pas l’origine religieuse de la croix, donc le passé chrétien du peuple québécois, on peut donc aussi interpréter la croix de manière plus universelle.


Quant à la croix du mont Royal, elle se différencie par sa taille (hauteur de 33 mètres).  Surtout, son illumination nocturne laisse une trace mémorielle indélébile dans la psyché des Montréalais, des Québécois et des étrangers de passage.  Cette croix correspond à d’autres emblèmes universellement connus, tels la tour Eiffel à Paris, la basilique Notre‑Dame de la Garde (surnommée la Bonne Mère) à Marseille, la pyramide de Khéops à Gizeh près du Caire ou la statue du Christ rédempteur à Rio de Janeiro.  De monument à vocation religieuse exclusive qu’elle fut initialement, la croix lumineuse est principalement devenue l’icône de la métropole québécoise.  Elle contribue au rayonnement perpétuel de Montréal.






L’universalité de la croix


Au sein de la civilisation chrétienne en particulier, la croix symbolise spontanément l’épreuve ou un tourment pénible.  Son héros mythique, Jésus-Christ, illustre paradoxalement la fragilité de la condition humaine, mais aussi l’aptitude à la libération.


À titre de symbole universel — et même dans sa version chrétienne —, la croix n’est donc pas réductible au dolorisme à titre d’instrument du supplice.  La croix latine est aussi un schéma du corps humain, principalement source de joie.


Exactement, les quatre branches de la croix indiquent un rayonnement à partir d’un centre, où s’unissent et s’abolissent les contraires.  Lieu de rencontre où tout meurt afin de renaître.  La résurrection lance un nouveau cycle de vie.




Jacques Cartier fait ériger une croix à Gaspé le 24 juillet 1534, portant un écusson à trois lys d’or, symbole royal, sous le croisillon et l’écriteau Vive le Roy de France sur le croisillon.  C’est le début de la fabuleuse épopée de la Nouvelle-France.

 



Victoire des troupes de Louis-Joseph de Montcalm et du Chevalier de Lévis à Carillon le 8 juillet 1758.  Les drapeaux de la plupart des régiments français sont ornés de la croix blanche de saint Michel ; celle des deux drapeaux à l’avant-plan est parsemée de lys d’or.

 



Ancêtre direct du fleurdelisé, le drapeau Carillon est conçu par l’abbé Elphège-Prime Filiatrault vers 1902.  Il reprend la croix blanche du drapeau régimentaire ; les quatre fleurs de lys blancs placées en coin pointent vers le centre.




Le 21 janvier 1948, le gouvernement de Maurice Duplessis choisit le fleurdelisé comme drapeau officiel du Québec par arrêté ministériel ; les quatre lys sont placés en position verticale.

 


Le défi à relever


Dans les années 1960, il fut facile pour l’intelligentsia de s’en prendre au pouvoir religieux d’une Église catholique déclinante.  Le vrai défi, refoulé dans l’inconscient collectif depuis la Révolution tranquille, consiste à mettre fin irrémédiablement au pouvoir de domination « canédiune » sur le Québec.


Jusqu’à nouvel ordre, le crucifix fait office de grain de sable qui enraie l’engrenage symbolique du parlementarisme monarchique.  Lorsque le temps de l’affranchissement ultime sera venu, les nombreux symboles de la Couronne britannique qui emprisonnent le crucifix seront retirés de l’Assemblée nationale.  À noter que le monarque de la Grande-Bretagne est aussi le chef de l’Église anglicane, précisément de celle d’Angleterre, ce qui confère un caractère simultanément politique et religieux à la Couronne.






Cela signifiera la fin de l’emprise du régime anglo-canadien et le début du règne du peuple québécois, entièrement souverain chez lui sur son territoire national.


Le lys croisé de l’Assemblée nationale


L’état d’esprit sera alors mûr pour remplacer le crucifix de l’Assemblée nationale par un nouveau symbole intégré.  Voici une proposition : la fleur de lys associée à la croix.  Quant au Christ, détachons « le martyr du crucifix », comme le réclame Victor Hugo, afin de mettre fin à la prostration.  Mais retenons la croix blanche ou lumineuse, qui est celle du rayonnement.  De la victoire sur la mort.  Un lys violet, couleur pascale, rappellerait la puissance de la résurrection.  Ce lys « croisé » représenterait le peuple québécois en perpétuelle émergence, qui vise son plein épanouissement, tel qu’illustré par le fleurdelisé qui flotte fièrement au sommet du Parlement.




Il conviendrait que ce lys croisé installé sur le mur bleu derrière le siège du président de l’Assemblée nationale soit de grande taille.



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Marc Labelle57 articles

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  Se voulant agent de transformation, Marc Labelle présente sur les valeurs et les enjeux fondamentaux du Québec des réflexions stratégiques, car une démarche critique efficace incite à l’action salutaire. Ses études supérieures en sciences des religions soutiennent son optique de penseur libre.





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