Crise économique mondiale :

La crise qui ne veut pas finir

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La crise, une poisse qui colle longtemps

La situation de l’emploi continue de se détériorer dans plusieurs coins du monde. Le phénomène risque non seulement de plomber nos économies pour de longues années, mais aussi de marquer durablement toute une génération de jeunes travailleurs.
La timide amélioration de l’économie mondiale n’est pas suffisante pour renverser la situation sur le marché de l’emploi, constatait l’autre jour le directeur général de l’Organisation internationale du Travail (OIT), Guy Ryder. « Les tendances vont dans la mauvaise direction. »
Le nombre de chômeurs dans le monde est reparti à la hausse l’année dernière, il augmentera encore cette année au point de battre le record absolu de 199 millions établi en 2009, et continuera d’augmenter au moins jusqu’en 2017, a prévenu son organisation dans son portrait annuel dévoilé il y a une dizaine de jours. « Les régions qui ont réussi à prévenir une nouvelle hausse du chômage ont souvent enregistré une dégradation de la qualité des emplois, avec l’augmentation de l’emploi vulnérable et du nombre de travailleurs vivant sous ou tout près du seuil de pauvreté. » Les rares nouveaux emplois disponibles requièrent souvent des compétences que les chômeurs ne possèdent pas, ou ne possèdent plus.
La crise est particulièrement aiguë chez les jeunes, dont le taux de chômage frôle les 13 % dans le monde, dépasse 16 % aux États-Unis, frappe en moyenne le quart des jeunes travailleurs en Europe et atteint les proportions stratosphériques de 57 % en Espagne et de 58 % en Grèce. Plus du tiers (35 %) des jeunes chômeurs dans les pays développés sont sans emploi depuis au moins six mois, comparativement à 28,5 % avant la crise.
Devant cette situation, de plus en plus de jeunes quittent le marché du travail et « ne sont ni au travail, ni au chômage, ni à l’école, ni en formation ». Ce dernier phénomène serait particulièrement sévère en Europe avec près de 13 % des jeunes travailleurs concernés.
Le Canada n’est pas à l’abri de ces inquiétantes tendances en dépit de sa situation économique plus enviable. Le taux de chômage des travailleurs de 24 ans et moins est le double de la moyenne (14,1 % contre 7,2 %) et leur taux de participation au marché du travail reculait encore le mois dernier. Environ un tiers des diplômés collégiaux ou universitaires de 25 à 29 ans occuperaient des emplois peu qualifiés.

Au secours de la génération perdue
Il est vrai que les experts nous avaient prévenus dès le départ que les récessions provoquées par des crises financières étaient de celles dont on met le plus de temps à se remettre. D’autres experts et des gouvernements admettent également aujourd’hui qu’ils y sont allés un peu fort avec les plans d’austérité qui ont été appliqués dans certains pays, notamment ceux aux prises avec une crise de leur dette souveraine. L’OIT constate aussi que « les indécisions » et « les incohérences politiques » de nombreux gouvernements, ainsi que leur « approche au coup par coup » des problèmes financiers, particulièrement en Europe, ont fait naître « des doutes » et « des incertitudes » qui ont renforcé la tendance des entreprises à remettre à plus tard leurs projets d’investissement ou d’embauche.
On en conclut qu’il est plus que temps, « surtout dans les pays développés », de se donner des « plans stratégiques plus cohérents et plus prévisibles ». De faire plus attention, aussi, à l’impact de ces politiques sur l’emploi et, pourquoi pas, d’adopter des mesures de stimulations à court terme. On rappelle également l’importance d’avoir des politiques de formation et de recyclage pour réduire les problèmes d’inadéquation entre l’offre et la demande. On presse enfin les gouvernements de redoubler d’effort pour contrer le chômage des jeunes afin de faire reculer le spectre d’une « génération perdue ».
On sait, en effet, que plus on reste longtemps au chômage, et plus on risque d’en garder des séquelles en matière de revenus, de compétences professionnelles, d’intérêt aux yeux des employeurs, d’estime de soi et de motivation. Selon une recherche britannique, citée la semaine dernière dans une étude de la Banque TD, un jeune travailleur qui a connu de 7 à 12 mois de chômage accusera encore une « pénalité salariale » de 11 % à 33 ans et de 7,6 % à 42 ans. Cette perte de revenu s’élèvera respectivement à 15 % et 10,5 % s’il est resté sans emploi plus de 12 mois.
Selon la TD, l’impact économique à court et à plus long terme du chômage des jeunes pourrait s’élever sur 18 ans à l’équivalent d’au moins 6 % du produit intérieur brut en Grèce, de 8,5 % en Espagne et de 15 % en Irlande. Qualifié de minimal, ce prix serait beaucoup moins élevé au Canada et aux États-Unis, où il est évalué à 1,3 % du PIB, soit environ 23 milliards au Canada.
Et il y a le coût humain. Demandez à ceux qui sont sortis de l’école au début des années 80, alors que le Québec amorçait sa pire crise de l’emploi, de vous raconter leur parcours professionnel. Vous verrez que leur histoire n’est souvent pas celle de ceux qui ont eu la chance de commencer un peu avant, ou un peu après. Plusieurs vous parleront de nombreuses années, voire de toute une carrière, faites de toutes sortes d’emplois sous-qualifiés, de contrats temporaires, et autre travail autonome.


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