La crise financière - La guerre

Crise mondiale — crise financière


C'est une guerre, et non une bataille circonscrite dans le temps court de l'histoire. Une guerre où il n'y a ni généraux, ni soldats, ni missiles, mais qui n'en est pas moins très violente. Les protagonistes? Les gouvernements européens d'un côté, les établissements financiers de Londres et New York de l'autre. Les premiers ayant désormais la certitude que les seconds veulent noyer l'euro ici et maintenant, ils se font menaçants.
Rien ne symbolise mieux l'humeur maussade et bagarreuse des gouvernements européens que l'avertissement envoyé ces jours-ci par Jean-Claude Juncker, président de l'Eurogroupe qui rassemble les 16 ministres des Finances des pays partageant l'euro. Aux Goldman Sachs et fonds spéculatifs de ce monde, Juncker a signifié que, s'ils ne mettaient pas un frein à leurs attaques répétées, les membres de l'Eurogroupe auraient recours «aux instruments de torture que nous avons dans notre cave».
Cette intervention, Juncker l'a faite après que le premier ministre grec, George Papandréou, eut construit un plan d'austérité avalisé par ses partenaires. Et alors? Les spéculateurs ont poursuivi leur offensive en faisant le pari que la Grèce va faire faillite et que l'euro va dévisser. Si tel était le cas, assurent un nombre important d'économistes européens, la Grèce ainsi que ses voisins seraient confrontés à un choc déflationniste aux portées si catastrophiques que cela ébranlerait plus d'un État.
En greffant de nouveaux obstacles à l'horizon printanier aux écueils auxquels on sait Athènes d'ores et déjà confronté, en spéculant sur l'avenir sans aucune considération pour les mesures arrêtées par Papandréou, les acteurs de la finance situés à Londres et New York ont gommé en fait le chapelet d'hésitations qui embrumaient jusqu'à présent les gestes à faire. Bref, Juncker, Merkel et Sarkozy conviennent clairement aujourd'hui d'actions qui étaient encore écartées il y a une dizaine de jours.
Ainsi, ces chefs d'État songent sérieusement à modifier la charte de la Banque centrale européenne (BCE) afin de favoriser la création d'une agence de notation publique afin de concurrencer les agences privées, les Moody's, Fitch et Standard & Poor's. Plus important, grâce au magazine Der Spiegel, on sait aujourd'hui que, derrière les portes closes, de hauts fonctionnaires des ministères allemand et français de la Finance ainsi que l'économiste en chef de la BCE s'attellent en secret depuis une bonne quinzaine à élaborer un plan de secours en cas de faillite de la Grèce. Le plan serait si avancé, dit-on, qu'ils pourraient accorder 35 milliards de dollars à ce pays en moins de 48 heures.
Fait très important à noter, ceux qui planchent sur ce plan disent à ceux qui affirment qu'une aide à la Grèce reviendrait à violer la charte de la BCE que l'intégrité de la zone euro, et donc sa défense, a la priorité sur toute autre considération. Autre argument? Berlin a ordonné l'ouverture d'une enquête après que les autorités de surveillance de l'univers financier eurent communiqué des évidences selon lesquelles les attaques simultanées ont été planifiées par les mêmes agitateurs qui étaient opposés à la création de l'euro il y a une dizaine d'années. Aux États-Unis, le ministère de la Justice a lui aussi ouvert une enquête en avançant que des poids lourds de Wall Street ont conspiré contre la Grèce, et donc indirectement contre l'euro.
Aujourd'hui, on a beaucoup trop oublié que la création de la monnaie unique a été favorisée et accélérée par un fait historique d'une extrême importance davantage que par de stricts calculs économiques. De quel fait s'agit-il? La chute du mur de Berlin en 1989. Dans les mois qui avaient suivi, le chancelier allemand de l'époque, Helmut Kohl, et le président français, François Mitterrand, avaient passé un accord: ce dernier apportait son soutien à la réunification de l'Allemagne à condition que celle-ci apporte son soutien à la création de la monnaie commune. Autrement dit, qu'elle abandonne le mark.
Mitterrand ainsi d'ailleurs que ses voisins, dont le Britannique, l'Italien, le Belge et le Néerlandais, craignaient comme la peste qu'une Allemagne réunifiée ayant à sa disposition une monnaie forte soit tôt ou tard encline à jouer du coude. Et ce faisant, que le vieux désir impérial soit aiguisé. Sachant cela, il faut s'attendre à ce qu'au cours des prochains mois, les Européens s'appliquent à réformer aux forceps la BCE afin de lui donner des outils lui permettant de corriger ceux qui la vouent aux gémonies.


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