QUÉBEC

La conciliation pétrole-climat

Le Parti québécois soutient qu’il n’y a pas de contradiction à miser sur le pétrole tout en voulant réduire les GES

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«À date, nous ne faisons qu’aller voir»

Québec — Pour les groupes écologistes et Québec solidaire, Pauline Marois est en flagrante contradiction en misant sur l’or noir de l’île d’Anticosti tout en poursuivant l’objectif de diminuer la consommation de pétrole au Québec et, de là, les émissions de gaz à effet de serre (GES). Mais cette contradiction n’est qu’apparente, soutient-on dans l’entourage de la première ministre. Et c’est nul autre que le député écologiste Daniel Breton qui fut chargé d’expliquer ce paradoxe.
Daniel Breton n’est pas sortable. C’est du moins ce que semblent penser les stratèges péquistes. Ce n’est pas en chair et en os, devant un auditoire ou encore en conférence presse, que le député écologiste de Sainte-Marie–Saint-Jacques a expliqué sa position sur le pétrole de l’île d’Anticosti. Une position qui est rigoureusement celle de Pauline Marois et du Parti québécois. C’est dans une vidéo, diffusée sur le site du PQ, que Daniel Breton a exposé, de façon fort pédagogique, d’ailleurs, les raisons pour lesquelles cette exploration pétrolière pouvait se concilier avec la lutte contre les changements climatiques.

« À date, nous ne faisons qu’aller voir », affirme Daniel Breton. Et s’il y a du pétrole, ce sera au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) de déterminer si l’exploitation de cette ressource est souhaitable sur les plans écologique, énergétique et social, un BAPE dont « la crédibilité est retrouvée », dit-il, grâce aux nominations que le Conseil des ministres a entérinées quand il était ministre du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs. Il reviendra toutefois au gouvernement de trancher.

Daniel Breton fait valoir qu’alors que le gouvernement Marois engage 115 millions pour acquérir l’équivalent de 50 % des permis d’exploration d’Anticosti, il dépensera bien davantage dans des initiatives vertes : 600 millions en efficacité énergétique, une somme que le secteur privé doublera, un milliard pour la « mobilité durable », 516 millions pour l’électrification des transports et 200 millions pour un plan de diversification économique à la suite de la fermeture de la centrale nucléaire Gentilly-2.

Indépendance énergétique

En ces matières, on ne peut taxer le PQ d’opportunisme électoral. L’idée de réduire de façon importante la consommation de pétrole au Québec — un objectif autant écologique qu’économique puisque l’importation de pétrole pour une somme de 14 milliards équivaut au déficit commercial québécois — a germé au Bloc québécois au début des années 2000 pour se transformer, sous l’égide de Pauline Marois, en un projet d’indépendance énergétique. En 2009, le PQ avait réclamé la tenue d’une commission parlementaire itinérante sur l’indépendance énergétique, une proposition que le gouvernement Charest avait rejetée. L’objectif est inscrit dans le programme péquiste issu du congrès d’avril 2011 et figure dans la plateforme électorale du PQ de 2012. Le parti a promis également de réduire de 25 % les émissions de GES d’ici 2020 par rapport à 1990, un objectif qui dépasse l’engagement d’une baisse de 20 % formulé par le gouvernement libéral.

S’il veut parvenir à l’indépendance énergétique, le Québec ne peut écarter l’exploitation de ses ressources pétrolières s’il en possède, soutient-on au gouvernement. Aucun pays au monde, même les plus vertueux sur le plan environnemental, comme la Norvège, n’a refusé d’exploiter son pétrole. « On veut casser cetteidée qu’on ne peut pas réduire notre consommation de pétrole et en produire en même temps », avance-t-on.

Le rapport de la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec, que Le Devoir a dévoilé, rappelle que le pétrole se négocie sur le marché international, au prix international. « La Commission note avec étonnement que la très grande majorité des intervenants — favorables ou non à l’exploitation des hydrocarbures — estiment que le Québec serait destiné au marché local seulement. L’exportation n’est jamais évoquée comme étant un potentiel à considérer », peut-on lire. Pour les commissaires, l’exploitation du pétrole « n’est pas fondamentalement différente de l’extraction du fer, de l’or ou des diamants ». La Commission préconise un modèle de développement à la norvégienne où l’État détiendrait un intérêt majoritaire.

Trop risqué pour Couillard

Le chef libéral, Philippe Couillard, après avoir lu un rapport technique de la firme albertaine des consultants Sproule, a décidé que l’investissement dans le pétrole de l’île d’Anticosti était trop risqué. Il faut dire que c’est le gouvernement Charest qui a liquidé Hydro-Québec Gaz et Pétrole en cédant au secteur privé les permis d’Anticosti. On peut y voir une certaine suite dans les idées.

Si, au PQ, on ne s’est pas étonné de la condamnation de Québec solidaire, on s’est montré surpris de la prise de position du chef libéral. Agréablement, s’entend. « Couillard trouve le moyen d’être contre. Il nous fait un cadeau », se réjouit-on.

Force est de constater que Philippe Couillard n’a pas peur d’aller à l’encontre de l’opinion publique. Du moins si on se fie à un sondage CROP commandé par la Fédération des chambres de commerce du Québec et rendu public la semaine dernière. Ainsi, 71 % des répondants se disent favorables à l’exploration pétrolière au Québec alors que seulement 20 % y sont défavorables. En outre, 66 % se disent pour l’exploitation de la ressource, contre 22 % qui s’y opposent.

Mais l’enjeu du pétrole, même si le PQ y voit un élément porteur de son programme, est moins pressant que celui de l’électricité. C’est un des constats, d’ailleurs, que fait la Commission sur les enjeux énergétiques. Les Québécois paieront à compter de 2016 1,2 milliard par an pour les inutiles surplus qu’Hydro-Québec Distribution doit supporter. Ces surplus s’ajoutent à ceux que doit écouler Hydro-Québec Production à faible prix aux États-Unis, une situation prévue pour les 15 prochaines années.

La Commission recommande même au gouvernement d’envisager de stopper la construction du complexe de la Romaine. Or Hydro-Québec a déjà consacré 3 milliards au projet, soit près de la moitié de l’investissement. Le p.-d.g. de la société d’État, Thierry Vandal, tient toujours à ce « projet solide » dont il faut juger de la valeur, selon lui, « sur un horizon de plus de 100 ans ».

Plutôt que l’exploitation encore incertaine des gisements de pétrole, c’est donc l’utilisation des surplus d’électricité qui comptera le plus pour le Québec au cours des prochaines années. De quoi plaire aux écologistes et donner raison à Daniel Breton.


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