TERRES AGRICOLES

L’UPA furieuse de voir «l’argent des Québécois» investi dans Pangea

La Caisse de dépôt et le Fonds FTQ investissent dans Pangea, qui fait son beurre en achetant des terres agricoles

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Pangéa (Charles Sirois et al.) réivente les kolkhozes soviétiques






Deux des plus importants investisseurs institutionnels du Québec, la Caisse de dépôt et placement du Québec et le Fonds de solidarité FTQ, sont sur le point d’investir 20 millions de dollars dans la controversée entreprise Pangea, a appris Le Devoir. Furieuse, l’Union des producteurs agricoles (UPA) est abasourdie de voir que « l’argent des Québécois » va permettre d’appuyer un joueur qu’elle critique depuis des années.


 

Pangea, cette entreprise active dans le milieu agricole québécois depuis 2012, annoncera ce vendredi que la Caisse et le Fonds de solidarité investiront chacun 10 millions de dollars dans le cadre d’une ronde de financement de 50 millions. Les 30 millions restants proviendront de partenaires privés.


 

Grâce à cet investissement, la société compte notamment conclure deux nouveaux partenariats avec des agriculteurs : l’un à Montmagny, près de Québec, et l’autre à Saint-Rosaire, à proximité de Victoriaville. L’entreprise compte actuellement six projets au Québec, dont trois dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean et un dans le sud-est de l’Ontario.


 

Modèle critiqué


 

« C’est inacceptable que l’argent des Québécois serve à concurrencer les agriculteurs du Québec, s’insurge le président de l’UPA, Marcel Groleau. Le message que ça envoie, c’est qu’on se fout du modèle agricole familial. »


 

Les critiques de l’UPA concernent le modèle d’affaires de Pangea. Cette entreprise procède toujours de la même façon : elle achète des terres et s’associe à des agriculteurs locaux pour créer une société de production agricole.


 

Le producteur et Pangea demeurent propriétaires de leurs terres respectives, mais ils mettent leurs équipements et leurs efforts en commun pour assurer la production de grandes cultures céréalières sur l’ensemble des terres. Les bénéfices de l’exploitation agricole sont ensuite répartis entre le producteur (51 %) et Pangea (49 %).


 

L’entreprise fait valoir que ce modèle permet aux agriculteurs d’avoir accès à une plus grande superficie cultivable, tout en réduisant les risques liés à la production.


 

« Il y a beaucoup de modèles en agriculture, et je pense qu’on apporte un modèle qui croit vraiment aux entrepreneurs agricoles en région », affirme le directeur général de Pangea, Serge Fortin, qui a cofondé l’entreprise avec l’homme d’affaires Charles Sirois.


 

Visions opposées


 

L’UPA fait valoir depuis des années que l’arrivée de Pangea dans plusieurs régions a fait grimper la valeur des terres agricoles, qui deviennent par la suite hors de prix pour la relève.


 

Serge Fortin répond que Pangea n’est pas responsable de la hausse de la valeur des terres agricoles. Lorsque l’entreprise veut acheter une terre, elle offre un prix qui correspond à sa valeur marchande, elle ne fait pas de surenchère, et elle se retire si elle constate qu’un autre agriculteur a déposé une meilleure offre, jure-t-il.


 

« C’est un des plus beaux mensonges que j’aie jamais entendus, lance Marcel Groleau au sujet de ces pratiques de négociation. Peu importe ce que les autres producteurs mettent, Pangea arrive et elle achète. »


 

« Et de toute façon, l’entreprise peut dire ce qu’elle veut », ajoute-t-il, puisque les offres d’achat ne sont pas publiques.


 

L’UPA accuse par ailleurs Pangea de « tuer le tissu économique agricole » et de provoquer le passage d’une agriculture d’entrepreneurs à une agriculture de salariés.


 

Faux, réplique M. Fortin, qui insiste sur le rôle de partenaire du producteur et qui se défend d’acquérir des terres pour les revendre rapidement. « Mon intention n’est pas de vendre la terre, insiste-t-il. Là où je fais mon argent, c’est sur la profitabilité dans l’agriculture, dans mes opérations. »


 

M. Fortin répète que Pangea n’est pas une firme d’investissement, mais bien une société agricole « qui se finance différemment ». « On dit qui on est, on se définit. Après, les gens peuvent parler, mais si ce n’est pas nous, ce n’est pas nous. »


 

Un « outil » de plus


 

Face à ce débat enflammé, le premier vice-président Québec de la Caisse de dépôt, Christian Dubé, soutient que l’investissement qui sera confirmé vendredi ne vise qu’à offrir un outil supplémentaire aux agriculteurs qui cherchent à croître ou à assurer leur relève.


 

Il précise que, pour la Caisse, il ne s’agit que d’un investissement faisant partie d’un plan plus large visant le secteur agroalimentaire. « Ce qu’on cherche, ce sont de bonnes occasions, dit-il. Nous sommes ouverts à tous les partenaires. »


 

Du côté du Fonds de solidarité, le porte-parole Patrick McQuilken explique que les 10 millions constituent « un appui à la relève agricole ». « Pangea représente un modèle complémentaire qui répond à un besoin sur le terrain, précise-t-il. C’est un modèle alternatif, ce n’est pas imposé à qui que ce soit. »


 

Faire le choix


 

Bruno et Jean Ménard, tous deux dans le début de la trentaine, ont justement fait le choix Pangea. Ils feront partie de l’un des deux nouveaux projets que la société lancera sous peu, celui-là à Montmagny.


 

Avec leurs parents, ils sont propriétaires d’une ferme dont la superficie cultivable est d’environ 360 hectares. Grâce à Pangea, cette superficie passera bientôt à 485 hectares.


 

Les deux frères songeaient depuis un certain temps à prendre de l’expansion pour accroître leur production — et leurs revenus —, mais le prix des terres les freinait. Pour faire vivre leurs deux familles, ils ont même envisagé la possibilité de se trouver un emploi à temps partiel.


 
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