L'insupportable miroir

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L'adage selon lequel on a les gouvernements que l'on mérite est plutôt déprimant. L'image qu'ils nous renvoient peut même devenir carrément insupportable.
Les mirages du Plan Nord ne suffisent manifestement pas à faire oublier que le gouvernement Charest a largement contribué à nous faire passer pour les ripoux de la fédération. Le Canada anglais ne demandait peut-être qu'à le croire, mais que doit-on penser d'un État où même l'octroi de nouvelles places garderies fait l'objet d'un trafic?
L'usure du pouvoir ne saurait expliquer à lui seul que le taux d'insatisfaction enregistré par les sondages se maintienne à un niveau record depuis si longtemps. Après neuf ans de pouvoir péquiste, Bernard Landry s'était lancé en campagne avec un taux de satisfaction avoisinant les 50 %. Le gouvernement Charest a pris de telles libertés avec l'éthique publique que sa seule présence donne mauvaise conscience.
Le désir de changement n'a pourtant pas empêché le reflux de la vague apparemment irrésistible qui portait François Legault. Il est vrai que la CAQ a déçu en apparaissant comme un simple clone de l'ADQ, mais il y a plus.
Tout le monde convient que nos systèmes de santé et d'éducation sont éminemment perfectibles, même si les solutions proposées par la CAQ ne font pas l'unanimité. La conception unidimensionnelle de l'État qui semble animer M. Legault demeure néanmoins un peu gênante. Tout est-il simplement affaire de gestion?
Pierre Elliott Trudeau était un piètre gestionnaire, mais l'envergure du personnage et son idéal de «société juste» avaient quelque chose de séduisant, qui suscitait une certaine fierté chez une majorité de Québécois, malgré son refus obstiné de reconnaître la «société distincte».
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La façon remarquable dont Pauline Marois a traversé la crise interne au PQ a manifestement impressionné la population, alors que M. Legault ne s'est pas particulièrement distingué par la qualité de son leadership.
Sans minimiser sa contribution personnelle à la remontée du PQ dans les sondages, qui lui permet maintenant d'envisager la formation d'un gouvernement majoritaire, il se trouve que Mme Marois est également à la tête d'un parti qui défend toujours un idéal qui va au-delà de la gestion à la petite semaine.
Même ceux qui demeurent sincèrement attachés au Canada ou qui craignent simplement les conséquences de la souveraineté peuvent difficilement nier une certaine noblesse au projet souverainiste. On peut légitimement s'y opposer, voire le démoniser, mais la quête de l'indépendance n'a certainement rien de gênant ou de honteux pour une collectivité.
D'ailleurs, un idéal peut très bien susciter l'admiration sans que l'on y adhère. Ainsi, la popularité d'Amir Khadir déborde très largement les rangs de Québec solidaire (QS). Quand il fait la leçon à Henri-Paul Rousseau ou à Lucien Bouchard, il défend à sa façon un appétit de justice que partagent une majorité de Québécois.
Le problème est que QS fait maintenant face à une nouvelle concurrence sur son propre terrain. Le récent sondage Léger Marketing-Le Devoir, dont les résultats ont été publiés samedi, mesurait pour la première fois l'appui donné au nouveau parti dirigé par Jean-Martin Aussant, Option nationale. Contrairement à ce que l'on aurait pu croire, ce n'est pas le PQ, mais plutôt QS qui a pâti des 2 % d'intentions de vote dont Option nationale est créditée.
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C'est au niveau fédéral que le miroir a l'effet le plus répulsif. Les Québécois n'arrivent plus à se reconnaître dans l'image que leur renvoie le gouvernement Harper. Le cri d'alarme lancé par l'ancien collaborateur de Brian Mulroney, Peter White, avant la sortie spectaculaire de Justin Trudeau, apparaît pleinement justifié.
«Nous observons la lente séparation de facto du Québec du reste du pays, émotivement, spirituellement et intellectuellement», écrivait-il dans une lettre ouverte publiée dans le magazine Maclean's en janvier dernier.
Qu'il s'agisse de l'abolition du registre des armes à feu, de l'exploitation des sables bitumineux, de l'utilisation des symboles monarchiques ou encore de l'augmentation des dépenses militaires, le sentiment d'aliénation des Québécois devant les initiatives fédérales va en grandissant, a constaté Léger Marketing dans un autre sondage, effectué celui-là pour le compte de QMI.
Pauline Marois ne s'engagera certainement pas à tenir un référendum sur la souveraineté au cours d'un premier mandat, mais un gouvernement péquiste majoritaire pourrait bien se retrouver dans une meilleure position pour réunir les «conditions gagnantes» que jamais depuis le référendum de 1995.
Que 45 % des personnes interrogées par Léger Marketing disent clairement souhaiter que le Québec «devienne un pays souverain» constitue un appui nettement plus solide que celui dont disposait le gouvernement Parizeau quand il a pris le pouvoir.
Près de la moitié croient maintenant que le Québec se porterait mieux (28 %) ou aussi bien (21 %) sans le Canada, alors que 43 % estiment qu'il se porterait moins bien. Bien des choses peuvent changer au Québec d'ici aux prochaines élections, mais il serait étonnant que ce soit le cas de Stephen Harper.


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