L'insoutenable rigueur

Crise de l'euro


Richard Dupaul La Presse (Montréal) Malgré des coupes budgétaires sévères, les finances de certains pays européens se dégradent toujours.
Jeudi dernier, l'annonce d'un plan de 158 milliards d'euros pour sauver la Grèce a permis à l'Europe d'éviter une crise majeure dans l'immédiat. L'entente est historique. Mais les Européens ne sont pas au bout de leurs peines.
Les finances des éclopés du Vieux Continent, dont la Grèce et même un «non-euro» comme la Grande-Bretagne, continuent entre-temps de se détériorer, et ce, malgré des compressions budgétaires draconiennes.
Plus d'un an après l'adoption d'une première série de mesures d'austérité, la Grèce peine à rétablir, voire à limiter ses déséquilibres. Son lourd déficit budgétaire s'est encore aggravé au premier semestre 2011, a-t-on appris ces derniers jours. Il a bondi de 28% sur un an, à 12,8 milliards d'euros, soit deux milliards de plus que prévu.
Certes, l'accord de jeudi va réduire de quelques dizaines de millions les frais de financement du pays (l'obligation grecque de deux ans commandait un rendement de 40% jeudi matin, avant de tomber à 28% vendredi). Mais le problème est plus profond, car la flambée du déficit grec découle surtout d'un manque à gagner de 3,1 milliards dans les recettes de l'État.
La Grèce, qui doit réduire sa dette colossale de 345 milliards d'euros, semble donc prisonnière d'un cercle vicieux.
En taillant dans ses dépenses, sous la pression de ses partenaires européens, l'État a déprimé la croissance. Et les recettes fiscales pâtissent, ayant chuté de 8,3% au premier semestre.
Rien de surprenant, dira l'institut Nielsen. Au terme d'une vaste enquête, dont les résultats étaient dévoilés mercredi, la firme de sondage en déduit que les Grecs sont «les consommateurs les plus pessimistes du monde» !
Pas moins de 91% des Grecs disent avoir changé leurs habitudes de consommation en raison de la crise. Et un tiers affirment ne pouvoir subvenir qu'à leurs besoins primaires (alimentation et loyer). Le divertissement? Oubliez ça, ces dépenses ont chuté de 80% en un an, estime Nielsen.
D'autres données sont plus révélatrices encore: la production industrielle grecque a chuté de 11% depuis an et la construction, de près de 40%. Dans contexte, le chômage dépasse les 16% contre 8% avant la crise.
Or, rien de substantiel n'a été prévu dans le nouveau plan d'aide pour stimuler la croissance en Grèce.
»Oh! Dear!»
Au nord du continent, les nouvelles sont à peine plus encourageantes.
Alors que l'affaire des écoutes électroniques de News Corporation monopolise l'attention, le gouvernement britannique annonçait que ses finances ont dérapé pour un troisième mois d'affilée en juin, et ce en dépit des coupes budgétaires brutales annoncées à l'automne.
Le déficit public de la Grande-Bretagne s'est creusé à 11,8 milliards de livres (18 milliardsCAN), le mois dernier, contre 11,4 milliards un an plus tôt.
C'est une déception pour les experts, qui tablaient sur une embellie. Londres devra donc réaliser l'impossible: réduire de deux milliards de livres par mois son déficit pour atteindre son objectif en 2011. Ou il faudrait une croissance économique beaucoup plus forte.
Rien à faire, tranche d'emblée Scotia Capital dans une note financière, «l'objectif ne sera pas atteint».
Rappelons qu'au nom de la «rigueur budgétaire», le gouvernement britannique a décrété des compressions de 132 milliards CAN sur quatre ans, en plus de hausses d'impôt de 48 milliards. Ces mesures commencent à peine à faire sentir leurs effets.
Long processus
Les ennuis financiers de l'Europe étaient néanmoins prévisibles dans la mesure où, depuis la crise financière 2008-09, la plupart des pays «riches» - incluant les États-Unis - ont commencé un long et douloureux exercice pour réduire leurs dettes. Les coupes budgétaires seront nombreuses. Et sous l'effet d'un remède de cheval, le patient ira donc plus mal avant d'aller mieux.
Dans une étude datant de 2010, le McKinsey Global Institute nous avait avertis: il faudra six ou sept ans pour que les pays riches réduisent sensiblement - soit du quart - le niveau relatif de leur endettement (privé et public). Dans une récente entrevue au magazine The Economist, un expert de McKinsey indique que la purge ne fait que commencer.
Il y a au moins une bonne nouvelle: les pays qui étaient en bonne santé financière avant la crise, dont l'Allemagne et le Canada, vont mieux résister à cette pénible «cure», selon McKinsey.
Entre-temps, les investisseurs de la planète fuient l'Europe. Ils ont nettement réduit la voilure sur le Vieux Continent, selon un dernier sondage mensuel Merrill Lynch auprès de 265 professionnels.
Ceux-ci sont maintenant 22% à «sous-pondérer» la zone euro, un sommet en plus d'un an. En juin, 15% avaient commencé à éviter la région, alors qu'ils étaient plutôt «neutres» en mai. Reste à savoir si tout ce beau monde a retrouvé la confiance depuis jeudi...


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