QUÉBEC

L’inéluctable pragmatisme de Philippe Couillard

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De la pure idéologie conservatrice

Au printemps dernier, l’heure était aux coupes aveugles que l’on appelle paramétriques, mesures superficielles qui ne sont pas toutefois sans causer leur lot d’embêtements. Cet automne, le gouvernement Couillard ira beaucoup plus loin, avec les premières mesures de sa réforme promise de l’État québécois. Turbulences à venir.

Cette réforme de l’État québécois, il ne faut pas qu’elle apparaisse comme étant idéologique. C’est le mot d’ordre au gouvernement. Elle est présentée comme nécessaire, inéluctable, essentielle, inévitable. Il faut que la population en soit convaincue.

Tu n’arraches pas une dent à quelqu’un qui ne sait pas qu’il a mal aux dents, illustre-t-on. Les réformes, ça se prépare, les problématiques, ça s’explique. Il faut donc préparer les esprits.

Dans son discours d’ouverture de la session au printemps, Philippe Couillard avait mis la table. Aujourd’hui, le premier ministre estime qu’une grande partie de « l’effort de pédagogie » a été faite. En votant pour le Parti libéral ou pour la Coalition avenir Québec, les électeurs ont opté pour « le changement profond dans les façons de faire » de l’État. Cette majorité de Québécois appuie toujours la démarche du gouvernement, juge-t-il.

Pour le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, le progrès est considérable. « C’est un immense progrès : il n’y a plus personne qui remet en question le fait que le déficit du Québec a un caractère structurel », a-t-il affirmé, la semaine dernière, en lançant un site Internet afin de recueillir les suggestions des citoyens pour assainir les finances publiques.

Cet économiste qui, avant de se présenter en politique, signait des chroniques pour dénoncer le modèle québécois parle maintenant de « préserver la pérennité des services publics auxquels les Québécois tiennent beaucoup et avec raison ». Certes, c’était au sortir d’une rencontre, jeudi, avec les chefs syndicaux du Front commun des employés de l’État, rencontre qui, somme toute, s’est bien déroulée : le président de la FTQ, Daniel Boyer, a souligné que préserver les services publics, c’était un « grand objectif » que les centrales syndicales et le gouvernement partageaient. Philippe Couillard veut éviter les affrontements, autant que faire se peut, et son ministre suit la consigne.

Des critiques

Jusqu’ici, le gouvernement Couillard a essuyé certaines critiques liées aux compressions commandées par son premier budget. En éducation, notamment, les coupes apparaissent discutables. Cesser d’acheter des livres n’était pas l’initiative du siècle, comme l’a appris à ses dépens le ministre Yves Bolduc. Supprimer ou réduire l’aide aux devoirs est également difficile à justifier. Se passer de l’expertise de scientifiques en matière de protection de la faune — Le Devoir révélait qu’une cinquantaine de postes étaient abolis au ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs — peut être taxé d’économie à courte vue.

C’est justement ce type de compressions que Philippe Couillard veut éviter : des coupes à l’aveuglette, paramétriques, effectuées budget après budget. « Il faut arrêter d’écraser les dépenses », avance-t-on dans l’entourage de Martin Coiteux.

Cette révision des programmes se fera en deux temps, a-t-on indiqué : une première étape dès l’automne, notamment au moment de la mise à jour économique et financière que présentera le ministre des Finances, Carlos Leitão. En outre, le premier ministre a prévenu que des projets de loi seraient présentés dès la session d’automne pour effectuer des « changements importants ».

Cet automne

Nul besoin d’attendre les recommandations de la Commission de révision permanente des programmes ou encore celles de la Commission d’examen sur la fiscalité québécoise. Philippe Couillard a promis pour cet automne « une nouvelle phase d’accélération de l’action du gouvernement ». Cet empressement est dû en partie à l’état des finances publiques : l’économie est poussive et les revenus entrent moins vite que prévu dans les coffres de l’État. Le ministre des Finances a évoqué le chiffre de 200 millions de moins en quelques mois. Chose certaine, Carlos Leitão a rendez-vous avec les agences de notation de crédit fin novembre ou début décembre pour la publication de sa mise à jour économique et financière. Au gouvernement, on se croise les doigts : on espère que les talents de prévisionniste du ministre qu’il manifestait dans le secteur privé s’avèrent dans ses nouvelles fonctions.

C’est à ce moment que Carlos Leitão annoncera une révision qui se voudra majeure des crédits d’impôt destinés aux entreprises, révision qui doit entrer en vigueur dès le 1er janvier 2015. Les crédits d’impôt visant certains secteurs — multimédia, production de films — risquent d’écoper, tout comme ceux pour la recherche-développement, qui bénéficient notamment aux industries aéronautique, pharmaceutique et optique. « Si ça marchait, on le saurait », répète Philippe Couillard.

Mais les changements les plus importants seront contenus dans le prochain budget. C’est à ce moment-là que le grand coup sera donné. On cherchera à réduire davantage la taille de l’administration des réseaux de la santé et de l’éducation.

On veut mettre fin aux chevauchements dans les activités des ministères : en santé, en éducation, en environnement, en relations internationales. On lorgne du côté des tarifs : la modulation des tarifs de garde en fonction du revenu des parents est envisagée. Les tarifs d’électricité font partie de la donne.

Le premier ministre ne s’en est pas caché : il veut réduire la taille de l’État. Mais récemment, il ajoutait : « un peu ». Il s’agit « d’élaguer le plus possible ce qui entoure les missions essentielles de l’État ». Au moment où Stephen Harper se plaint que les médias québécois sont gauchistes, Philippe Couillard, lui, ne veut pas apparaître idéologique. Le seul pragmatisme comme programme politique.


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