Les peuples n'en sont plus à rêver à un drapeau

L'indépendance sans projet de société est une abstraction

Ils rêvent de vérité, de justice, de solidarité, de démocratie et de paix

Tribune libre

Nous vivons dans un monde réel qui nous interpelle comme société. Parler d’indépendance sans l’inscrire dans un projet de société, c’est en faire une abstraction.

La grande majorité des pays de l’Amérique latine ont conquis leur indépendance dans la seconde moitié du 19e siècle sans l’inscrire dans un projet de société et ç’a donné des pays occupés et exploités, sans pouvoir sur leur propre destin.  Aujourd’hui, ils sont de nouveau à la reconquête de leur indépendance, mais cette fois avec un projet de société qui saura les protéger des intrus, des prédateurs et qui assurera un véritable pouvoir du peuple sur son destin. Ceux qui les ont dominés et continuent de les dominer ne lâcheront pas prise tant et aussi longtemps que les peuples ne les mettront pas à leur véritable place.

Il en fut de même pour plusieurs pays d’Afrique qui ont conquis leur indépendance dans la seconde moitié du vingtième siècle. Ils se sont donné un drapeau tout en continuant d’être des colonies entre les mains de leurs anciens colonisateurs. Aujourd’hui, ils doivent, eux aussi, reprendre la lutte pour conquérir, cette fois, leur véritable indépendance. Les guerres qui se succèdent en témoignent.

Il faut, je pense, tirer des leçons de l’histoire de ces indépendances non enracinées dans des projets de société. Il ne suffit pas de parler de gauche ou de droite, mais des responsabilités et des fonctions d’un véritable État indépendant et démocratique.

Que l’on soit de gauche ou de droite, force est de reconnaître la responsabilité première de l’État en ce qui a trait aux exigences du bien commun de la société. Il lui incombe d’en identifier les principaux éléments et d’assurer la gestion de l’ensemble des biens de la société pour répondre à ces priorités. Les individus, les groupes, les corporations, les entreprises, les églises, tout en participant à la réalisation de ce bien commun, ne sauraient se substituer à l’État et au peuple pour en décider la nature et la pertinence.

Il en va de même pour la démocratie. Que l’on soit de gauche ou de droite, la démocratie est essentiellement le pouvoir du peuple qui doit trouver sa véritable place dans l’État et être constamment en mesure de s’exprimer sur son devenir. Trop d’exemples d’usurpation de ce pouvoir du peuple à des fins autres qu’à celles de ses propres intérêts obligent la gauche comme la droite à protéger ce pouvoir de tous ces intrus qui cherchent à s’en emparer pour en faire un outil privilégié aux services premiers de leurs intérêts individuels et corporatifs.

La bonne conscience et les bonnes intentions tant de la gauche que de la droite devraient trouver leur expression dans la volonté d’inscrire le projet de société dans une constitution, à l’image du peuple, voulue et votée par lui. Une société démocratique est une société qui s’assume et elle ne saurait s’assumer sans qu’elle dise ce qu’elle est et ce qu’elle veut.

La gauche tout comme la droite ne peuvent se soustraire à ces trois références fondamentales qui donnent à un peuple une épine dorsale : un État responsable du bien commun de la société, une démocratie qui assure la pleine participation du peuple à l’exercice du pouvoir de l’État et une constitution qui en consacre toutes les prérogatives et le protège contre les usurpateurs et les prédateurs.

Le débat sur l’indépendance ne doit pas porter sur l’idéologie de la gauche ou de la droite, mais sur le rôle de l’État par rapport au bien commun et de la démocratie par rapport au peuple. L’indépendance au service d’un État responsable et d’une démocratie authentique devient un véritable projet pour lequel il vaut la peine de se battre.

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Oscar Fortin292 articles

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citoyen du Québec et du monde

Formation en Science Politique et en théologie. Expérience de travail en relations et coopération internationales ainsi que dans les milieux populaires. Actuellement retraité et sans cesse interpellé par tout ce qui peut rendre nos sociétés plus humaines.





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13 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    15 janvier 2013

    Le Parti qui vous a promis d'abolir le gouvernement fédéral sur notre territoire (soulever le joug) , vous a aussi annoncé 5 années de turbulence , ce Parti a aussi un projet de société(perfectible,peut-être!!!) mais loin en avance sur nos bozos à Ottawa , et loin en avance sur tous les prétendants plausibles à sa succession à Québec...C'est à croire que le peuple sera prêt avant ses grands penseurs...On devrait s'interroger sur le où-quand-comment le signal sera donné et surtout ,quelle sera pour chacun , sa contribution...

  • Archives de Vigile Répondre

    15 janvier 2013

    Excellente prise de position M. Fortin. J'apprécie que vous mettiez l'accent sur quelques questions fondamentales qui suffisent en gros pour cadrer un projet de société. Vous évitez le piège de l'indépendance à gauche ou de l'indépendance à droite, car c'est un piège, pour rassembler autour du bien commun et des valeurs démocratiques auxquelles peuvent adhérer le plus grand nombre. Quelques grands principes bien compris peuvent fournir mille illustrations du caractère illégitime et oligarchique du pouvoir actuel.
    À mon humble avis, les éléments trop identifiables à un programme de gouvernement particulier, qu'il soit de droite, de gauche ou du centre, ne peuvent que diviser inutilement à ce stade de notre combat. Je crois que l'important est de rassembler tout citoyen honnête autour des grandes valeurs patriotiques et universelles. C'est peut-être cet esprit, cette vision qui manque à toutes ces organisations vouées au «rassemblement», elles s'emmêlent trop facilement les pinceaux dans le jeu de la petite politique qui nous cache les grands enjeux, les seuls qui peuvent donner du souffle et de l'envergure à l'indépendance.
    GV

  • Archives de Vigile Répondre

    15 janvier 2013

    ...sauf en 1830-38
    «...la question de la république a été occultée des débats.»
    Vous voulez sans doute dire que la République a été vaincue militairement et exclue du débat public par la répression et la peur qui s'ensuivirent.
    GV

  • Archives de Vigile Répondre

    15 janvier 2013

    Monsieur Fortin,
    Je décode dans votre texte une pensée républicaine, ce qui me plait. En ce moment, l'idée de république n'est que rarement abordée. Ni le PQ, ni ON, ni QS n'en parlent. C'est pourtant un enjeu crucial: quel type d'État voulons nous et qui en dessinera la Constitution.
    J'estime que cette question devra être abordée lors du Congrès de Convergence nationale. Je compte y être. Une présentation sur l'idée de république pourrait être présentée. Quelques vigiliens intéressés pourraient pourraient concocter quelque chose qui puisse frapper l'imaginaire des indépendantiste. N'oublions pas qu'en dehors de la période 1830-1838, la question de la république a été occultée des débats. Me semble qu'il y a bien du boulot à faire là-dessus.
    Au plaisir

  • Archives de Vigile Répondre

    15 janvier 2013

    Monsieur Fortin,
    Je suis d'accord avec vos propos. Un projet de pays ne peut se faire sans un projet de société qui l'accompagne.
    Cependant, le Québécois n'est pas tout à fait comme le Sud-Américain, dans le sens que les Québécois sont plus nombreux à aimer la société capitaliste du chacun pour soi et du "au plus fort la poche".
    C'est sans doute dû au fait que les gens de l'Amérique latine ont une plus grande fierté identitaire que nos Québécois. De leur côté, les Québécois cherchent davantage à se forger une identité par leurs avoirs et leur statut social plutôt que par leurs racines françaises, leur langue et leur culture. C'est dommage.

  • Oscar Fortin Répondre

    15 janvier 2013

    @Pierre Cloutier : merci pour votre commentaire. Vous aurez constaté que je m’en suis tenu à des considérations fondamentales au sujet desquelles vous avez écrit à maintes reprises. Dans votre commentaire, vous avancez d’autres points plus pointus au sujet desquels je poursuis ma réflexion.   Je pense important que vous les portiez de nouveau à notre attention.
     
    Avec tout mon respect

  • Oscar Fortin Répondre

    15 janvier 2013

    @Le chavalier du Lys : vous dites que la droite ne reconnaît pas le rôle de l’État par rapport au bien commun. Si vous dites vrai, il y a un sérieux problème de démocratie. Comment une oligarchie, dont les objectifs premiers sont les intérêts corporatifs, peut-elle se substituer à des élus (es) pour décider ce qui est bon et pas bon pour le peuple ? Je pense que la question doit leur être posée directement. Comment concilier une telle approche avec la démocratie, ce pouvoir du peuple pour le peuple ? Ce n’est pas la gauche qui invente cette définition, c’est le dictionnaire et ceux qui reconnaissent aux mots leur signification.

    Les pays de l’Amérique latine auxquels vous faites référence ne font que rappeler que la démocratie c’est avant tout le pouvoir du peuple et que l’État se doit de répondre prioritairement aux intérêts du peuple. Si c’est ça la « gauche » et bien, soyons de la gauche ou changeons les mots pour parler de ce que la droite entend par démocratie, par bien commun, et par État souverain.

    Moi je dis que l’indépendance doit permettre à un peuple de prendre en main son destin. Les trois points signalés dans mon article en font partie.
    Quant à la question des couleurs, je m’en méfie du fait que ces dernières servent souvent de diversion et font perdre le fil des idées et des orientations.

    Avec tout mon respect et sans prétention

  • Oscar Fortin Répondre

    15 janvier 2013

    @M. Nantel : On ne peut être pour un Québec indépendant et souverain tout en maintenant la prédominance de certains groupes économiquement puissants sur la gouvernance de l’État et la détermination de ce qui est bon et pas bon pour le peuple. Ces gens n’accepteront jamais par eux-mêmes de remettre le pouvoir de l’État entre les mains du peuple. Or l’indépendance c’est celle du peuple et non de ceux qui le dominent.
     
    Je suis plus optimiste que vous quant à la capacité d’une majorité de la population de saisir et de souhaiter un type de société dans lequel ils auront un rôle réel à jouer et pour lequel l’État aura pour objectif premier de servir les intérêts du peuple avant ceux des individus et des corporations. L’indépendance pour l’indépendance qui retombe entre les mains de ceux qui dominent, ne m’intéresse pas.
     
    « Il sera en effet impossible d’aller chercher les 50% de voix nécessaires pour expulser le pouvoir fédéral de notre territoire si on continue de vouloir frapper un grand shelem en ¨une shotte¨ en allant trop dans les détails. »
     
    Je vous dirai que ceux qui sont contre un projet de société qui affirme les pouvoirs de l’État, qui revivifie la démocratie en lui donnant tout son sens et qui lui assure une constitution à l’image du peuple, ne seront jamais des indépendantistes et voteront toujours contre un tel projet. Ce qu’il faut c’est d’aller vers cette majorité silencieuse, souvent manipulée et laissée pour compte, et leur dire clairement vers quoi nous allons. Je préfère perdre sur un projet clair, que de gagner sur un projet qui ne change rien dans la vraie vie.
     
    Avec tout mon respect et sans prétention

  • Jean-Jacques Nantel Répondre

    15 janvier 2013

    Malheureusement, l'indépendance AVEC un projet de société a toutes les chances de ne jamais se faire.
    Si, en plus des immigrants (de plus en plus nombreux) qui se regroupent tous contre nous ou presque, les souverainistes antagonisent une autre partie de l'électorat en joignant un projet de société plus ou moins controversé au projet d'indépendance, alors notre peuple est assuré de toujours rester sous la tutelle d'un autre petit peuple.
    Il sera en effet impossible d'aller chercher les 50% de voix nécessaires pour expulser le pouvoir fédéral de notre territoire si on continue de vouloir frapper un grand shelem en ¨une shotte¨ en allant trop dans les détails.
    On fait le pays et, APRÈS seulement, on discutera entre nous de ce qu'on veut en faire. C'est comme ça que tous les pays du monde ont procédé avec pour résultat qu'eux sont indépendants et, nous, non...
    Jean-Jacques Nantel, ing.

  • Archives de Vigile Répondre

    15 janvier 2013

    "Que l’on soit de gauche ou de droite, force est de reconnaître la responsabilité première de l’État en ce qui a trait aux exigences du bien commun de la société. "
    Le problème avec cette déclaration, c'est que la droite ne considère pas que c'est le rôle de l'État d'assurer le bien commun. Ensuite, les pays qui ont fait leur véritable indépendance dans ceux que vous venez d'énumérer, l'ont presque tous faite à gauche, principalement en Amérique du Sud. Ce refus de mettre une couleur au projet de société, ne nous aidera pas à en définir un.

  • Archives de Vigile Répondre

    15 janvier 2013

    Vous avez parfaitement compris, M. Fortin et c'est ce que je répète constamment ici même sur Vigile dans une formule très simple :
    1 - indépendance de la patrie
    2 - démocratie exemplaire, c'est-à-dire une constitution écrite PAR et POUR les citoyens, à l'exclusion des politiciens professionnels et des partis politiques, le tirage au sort étant la voie idéale. Voir ici : http://etienne.chouard.free.fr/Europe/
    Comme l'Argent est le nerf de la guerre, j'ajoute 3 autres sous-éléments qui peuvent aussi se retrouver dans une constitution rédigée par les citoyens :
    1 - vérification citoyenne de la dette publique québécoise ;
    2 - réforme citoyenne en profondeur de la fiscalité, notamment pas l'abolition de l'impôt sur le revenu et son remplacement par une taxe unique, cachée et très basse, sur TOUTES les transactions économiques, particulièrement celles relatives à la spéculation qui constituent maintenant la très grande majorité des transactions en matière économique ;
    3 - souveraineté monétaire du peuple québécois, banque centrale du Québec et contrôle complet sur la création monétaire, le tout inscrit en lettres d'or dans la constitution citoyenne du Québec.
    Amen. ;-)))))
    Pierre Cloutier

  • Archives de Vigile Répondre

    15 janvier 2013

    Jusqu’à aujourd’hui au Québec, il n’y a pas eu de véritable débat sur l’indépendance. Nos deux référendums ont été trop manipulés par les partis politiques. Notre projet de société, que je cherche toujours, est comme dissous, marginal, porté par des groupes intellos souverainistes divisés entre eux. La population les regarde aller (nulle part) et se contente de remettre tout dans les mains d’élus de vieux partis politiques connus. Il paraît que : Mieux vaut le vieux connu que le nouveau à connaître! Merci M. Fortin de préciser les 3 piliers d’un projet de société : un État responsable du bien commun, une démocratie qui redonne le pouvoir au peuple et une constitution qui garantisse les droits et responsabilités de tous, protégeant ainsi la population de tout usurpateur ou prédateur tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Marius MORIN

  • Archives de Vigile Répondre

    15 janvier 2013

    Avec cette présente division des indépendantistes (on ne peut plus réel! ), merci.