L’indépendance ou le pouvoir

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Le décès de Landry annonce-t-il la fin du Parti québécois ?

Plus d’un indépendantiste affichait un air sombre et abattu au lendemain de la lourde défaite infligée par les électeurs au Parti québécois le 1er octobre dernier. Bernard Landry n’était pas du nombre.


« Des fois, je suis enragé, mais jamais découragé », souligne-t-il dans un entretien diffusé sur les ondes de TVA jeudi soir.


Quelques jours avant son décès, M. Landry a partagé des moments forts de sa vie politique, qui était intrinsèquement liée à celle du mouvement indépendantiste québécois, au journaliste Paul Laroque. La maladie l’avait affaibli physiquement, mais n’était pas parvenue à lui ôter l’espoir de voir la nation québécoise choisir l’indépendance. Un « devoir » que lui impose l’Histoire, selon lui. « Ça n’a pas de bon sens qu’une nation comme le Québec soit traitée comme la simple province d’une autre nation. Surtout que notre nation, ce ne n’est pas n’importe quoi en termes économique, culturel, social », fait valoir le 28e premier ministre du Québec, assis devant une grande fenêtre donnant sur l’automne et un drapeau du Québec garni d’une bordure dorée. « Aller chercher l’indépendance, pour une nation, c’est un devoir, ce n’est pas juste un accident. Et puis, ça demande du courage », poursuit-il d’une voix claire au lendemain de la victoire électorale de la Coalition avenir Québec.



 Une chose aussi importante, tu ne peux pas la négliger et passer à autre chose: une nation qui peut être indépendante a le devoir de l’être. Autrement, ça ne peut que finir très mal sur le plan psychologique, sur le plan économique, sur le plan culturel… Alors, moi, je ne me décourage jamais.


— Bernard Landry



Le patriote de 81 ans n’avait pas renoncé à la « cause de [sa] vie », malgré l’érosion des votes exprimés en faveur du Parti québécois au fil des vingt dernières années ; de 43 % (76 députés élus) en 1998 à 17 % en 2018 (10 députés élus). « Le Parti québécois, c’est le parti d’un idéal. Et un idéal, c’est plus difficile à vendre que simplement le tracé de l’autoroute. Alors, René Lévesque a fondé ce parti pour nous faire aller à l’indépendance nationale. Et puis, c’est ça qui est la mission ; qui l’était, qui doit le rester. On n’arrêtera jamais le combat », promet M. Landry dans une entrevue ayant les allures de testament politique.


« Il n’était jamais déprimé »


La formule choisie par M. Landry n’est pas sans rappeler le « Que l’on continue, merci ! » griffonné sur un bout de papier par le chef du Bloc québécois Lucien Bouchard depuis son lit d’hôpital à l’automne 1994.


« Pour lui, l’avenir du Québec, ça passait par la souveraineté. Depuis qu’il était petit, depuis le biberon, qu’il pensait ça, Bernard. Il l’a rêvé. Puis, il n’a pas fait que rêver, il est entré dans l’action au maximum », rappelle M. Bouchard sur le plateau de LCN, après l’annonce du décès de M. Landry, mardi.


Il rend un vibrant hommage à M. Landry : un homme « extrêmement talentueux », « extrêmement cultivé », qui s’est avéré être « plus que [son] homme de confiance » lorsqu’il assumait les responsabilités de premier ministre du Québec, de 1996 à 2001.


« Vous savez, dans la carrière des souverainistes, il n’y a pas eu beaucoup de grands sommets, il y a eu beaucoup de difficultés, beaucoup d’échecs… En tout cas, beaucoup de périodes difficiles, beaucoup de traversées du désert. [Bernard Landry] n’était jamais déprimé », fait remarquer M. Bouchard, relatant à son auditoire des moments choisis où la vie de M. Landry et la sienne se sont croisées et mêlées.


Choix impossible ?


Après l’avoir remercié, l’animateur de l’émission spéciale, Pierre Bruneau, lui demande ses impressions sur le Bloc québécois. L’ex-premier ministre empoigne sa canne. Son visage se crispe. « Il y a assez de deuils comme ça. Je n’ai pas envie de parler de ça, de ce que c’est devenu que le Bloc », répond-il. Le chef d’antenne lui demande alors comment il entrevoit l’avenir du PQ. M. Bouchard se rassoit. « Ça, c’est une grande question. Ça, c’est le dilemme cornélien. Le Parti québécois se distingue des autres par le fait que — monsieur Lisée a changé ça, mais en principe — [c’est] une coalition de gens plutôt de gauche, de plutôt de droite, mais liés par la souveraineté. […] Autrement dit, si on enlève la souveraineté, il ne reste plus grand-chose. […] Par contre, la souveraineté, où est-ce que ça va mener le Parti québécois ? Ça ne semble pas l’amener au pouvoir. Un parti qui ne va pas au pouvoir, qu’est-ce que c’est ? » déclare-t-il, tout en ajoutant que les militants péquistes sont mûrs pour « de grandes réflexions ». « Ça va être difficile », précise-t-il. « On est toujours en ondes, là, je comprends ! Je pensais qu’on faisait un “débriefing” ensemble. »


Pierre Karl Péladeau lui a succédé sur le plateau de LCN. Il fait aussi allusion à l’« orientation que le chef [Jean-François Lisée] avait donnée » au PQ, soit de « chasser les libéraux » en 2018, puis de « réussir l’indépendance » en 2022. « Est-ce qu’on devait s’interroger ? Je pense que les résultats de l’élection sont là pour en témoigner », soutient M. Péladeau.


Il est « difficile » pour un parti politique « gêné » de sa principale proposition, l’indépendance du Québec, de « faire le plein de votes », fait valoir l’instigatrice du Mouvement Québec indépendant, Martine Ouellet, au Devoir. « C’est sûr qu’en tassant l’indépendance, ça devient quoi, la raison d’être du Parti québécois ? » s’interroge l’ex-députée de Vachon au téléphone. « Pourquoi voter pour le Parti vert s’il vous promet de ne rien faire en environnement pendant quatre ans ? » illustre-t-elle encore.


La présidente du PQ, Gabrielle Lemieux, soutient que « le Parti québécois n’a jamais renié ses convictions ». « [En vue du scrutin du 1er octobre dernier,] on a tenté des choses, on a essayé des stratégies qu’on croyait être les meilleures au moment où on les a choisies. Avec le recul, on n’est pas plus fous qu’un autre, on constate qu’elles n’ont pas fonctionné », dit-elle sans ambages au Devoir.


Les militants du PQ auront l’occasion de réfléchir ensemble aux causes de la défaite à l’occasion d’une conférence nationale des présidentes et des présidents (CNPP), le week-end prochain à Montréal.


> La suite sur Le Devoir.



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