L'idéologie du Monde

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Une idéologie en mauvais termes avec la réalité

Depuis plus de cinq ans, Le Monde nous annonce la chute imminente de ce qu’il appelle « le régime de Damas », assimilé à une seule personne : Bachar al-Assad, « dictateur sanguinaire », « fils de dictateur », « nouvel Hitler », « nouveau Staline », etc… seul responsable (il va sans dire !) des 300 000 victimes d’une guerre civile qu’il aurait inventée lui-même pour conserver le pouvoir ! Depuis plus de cinq ans, le quotidien essaie de nous vendre la fiction d’une rébellion, sinon d’une « révolution » armée et constituée de « groupes modérés », laïcs, voire démocratiques. Depuis plus de cinq ans, l’ensemble de la rédaction du Monde (avec l’aide des Bernard-Henri Lévy, Jean-Pierre Filiu, Basma Kodmani et autres diseurs de bonne aventure) est mobilisé par la production idéologique du « politiquement correct » concernant la Syrie, sa guerre civilo-régionale et ses acteurs internationaux.
Patatrac, la reconquête en cours d’Alep (la deuxième ville du pays) par l’armée gouvernementale met brutalement par terre cette belle fable. En effet, les groupes jihadistes qui mènent la contre-offensive sont des terroristes d’Al-Qaïda et de Dae’ch. Dans une singulière volte-face, Le Monde du 10 août dernier nous apprend un peu tard que « l’insurrection a, désormais un nouveau visage », le visage hideux de groupes terroristes salafo-jihadistes !
Citation : « c’est un scénario que prédisent des observateurs depuis des mois : le siège des quartiers rebelles de la ville d’Alep, mené par le régime de Bachar al-Assad et l’échec des négociations politiques à Genève allaient bénéficier aux groupes les plus radicaux, et en particulier, au Front Al-Nosra. Dans l’immédiat, la nouvelle offensive menée depuis la fin juillet par les forces qui combattent le régime pour « briser le siège d’Alep » semble leur donner raison. Le groupe jihadiste, qui s’est rebaptisé fin juillet Front Fatah Al-Cham, a joué un rôle clef dans la percée réalisée au sud de la ville, samedi 6 août. Il est un pilier de la coalition Jaïch Al-Fatah, déployée sur ce front ». Des observateurs… Quels observateurs ? Les journalistes du Monde en font-ils partie ?
Sans préciser que cette nébuleuse – structurée durant l’été et l’automne 2012 – est financée par l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie, le quotidien nous prévient : « sa participation déterminante aux combats pourrait avoir d’importantes répercussions pour l’insurrection syrienne », mais nous rassure aussitôt, parce que cette évolution « s’accompagne d’une tentative de normalisation : quelques jours avant l’assaut, le groupe (Front Fatah Al-Cham) affirmait avoir pris ses distances avec Al-Qaïda ». Ouf, on l’a échappé belle ! D’autant que le chef de la « Coalition syrienne » Anas Al-Abdé (sous la coupe des Frères musulmans et de l’Arabie saoudite) ouvre son cœur aux lecteurs du Monde : « la bonne nouvelle est que les groupes qui se battent contre Bachar al-Assad à Alep n’ont pas de liens avec les organisations terroristes comme Al-Qaïda et l’Etat islamique, a estimé M. Abdé, en tentant de minimiser le poids des hommes du Front Fatah Al-Cham qui représentent peut-être 10% des forces combattantes » (SIC). Le Monde a-t-il cherché à vérifier, sinon à contredire ces dires ? Que nenni !
Les connaisseurs de la région savent à quoi s’en tenir à propos de la campagne de communication de Nosra annonçant la rupture de ses liens avec Al-Qaïda. « D’abord, cette opération de com. s’est faite à la demande du Pentagone afin que celui-ci puisse légitimer ses livraisons d’armes à Nosra devant le Congrès », précise un officier des renseignements extérieurs français, « quant au fond, cette tentative de normalisation c’est un peu Frankenstein qui proclame vouloir devenir l’ami des hommes ou Michael Corleone qui déclare à la commission parlementaire anti-mafia qu’il est un honnête chef d’entreprise… »
Cependant, le quotidien poursuit : « au cours des semaines précédant l’offensive, les factions rebelles implantées dans l’est d’Alep, dont les artères ont été mutilées par les bombardements à répétition du régime, avaient appelé à la rescousse, sans enthousiasme, la coalition Jaïch Al-Fatah. Conscients du caractère radical de cette alliance, des militants affirmaient cependant qu’il n’y avait pas d’autres options disponibles pour éviter la chute du bastion insurgé ». Les bombardements américains sont des « frappes », ceux du « régime syriens » sont des « bombardements » qui mutilent… Par ailleurs, des « militants » affirmaient… Des militants de qui et de quoi ? Des militants de la Société de protection des animaux ??? On ne le saura sans doute jamais… Que de sources sérieuses pour un journal qui prétend toujours faire référence !
La chute est encore plus savoureuse puisqu’elle nous avertit (en guise de scoop) que le « nouveau visage de l’insurrection » entend imposer la Charia en Syrie et y établir… un « émirat islamique ». Bigre, nous voilà prévenu ! Mais on se demande aussitôt ce que sont devenus les autres « scoops » du Monde, notamment celui concernant l’attaque chimique de la Ghouta du 21 août 2013. Démenties par trois rapports des Nations unies, les « informations exclusives » du Monde semblent être passées à la trappe, abandonnées à la critique rongeuse des souris comme celles accusant dernièrement le groupe Lafarge d’avoir financé les hordes de Dae’ch.
Dans cette dernière affaire, selon les informations de prochetmoyen-orient.ch, le quotidien se serait fait enfler de bout en bout par les concurrents du cimentier français. En effet, la reconquête d’Alep par l’armée gouvernementale annonce non seulement la fin de la rébellion syrienne mais aussi le début de la reconstruction du pays qui nécessitera nombre de sacs de ciment. Par conséquent, tout est bon pour salir les concurrents et prendre leur place, une guerre économique sans merci fait déjà rage. Même au cœur d’une guerre civilo-régionale de grande ampleur, les affaires restent les affaires pour gagner la guerre économique sans fin…
Dans L’Idéologie allemande (1845), Karl Marx nous rappelle au réel : « la production des idées, des représentations et de la conscience, est d’abord directement et intimement mêlée à l’activité matérielle et au commerce matériel des hommes: elle est le langage de la vie réelle ». Les journalistes du Monde, qui couvrent la guerre civilo-internationale de Syrie depuis le début, semblent plus inspirés par Alice au pays des merveilles que par les bons auteurs. Hubert Beuve-Méry, Jacques Fauvet, André Fontaine, André Laurens réveillez-vous, ils sont devenus fous !
Richard Labévière

15 août 2016


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