On s'en fout du français; ce qu'on veut, c'est le pognon!

L'idée, c'est de gagner

¨Pour les anglophones : tout, tout, tout; pour la communauté anglophone : rien, rien, rien.¨

Chronique de Jean-Jacques Nantel

Rien n’est plus pathétique que de voir les Québécois s’agripper au français comme des naufragés à une ultime planche de salut. Cela est d’autant plus attristant que le français n’était même pas la langue de leurs ancêtres qui, pour la plupart, parlaient d’autres idiomes d’origine celtique, germanique ou romane. Si, malgré tout, nos ancêtres ont fini par adopter le français, ce fut parce qu’il leur fut imposé par l’administration royale française.
Au lieu de perdre leur temps à vouloir franciser le Québec par la base, les Québécois devraient plutôt chercher à s’enrichir en apprenant à parler correctement la langue de leurs patrons légitimes.
En lisant ces lignes, certains se diront sûrement qu’ils doivent se hâter de mettre leurs rejetons à l’anglais pour qu’ils puissent profiter des miettes que leurs futurs patrons voudront bien leur laisser. Ces lèche-bottes sont bien incapables de concevoir que leurs enfants pourraient un jour devenir eux-mêmes les maîtres du pays.
Tous ceux qui ont jadis choisi de ramper devant nos conquérants ont été systématiquement relégués à des postes subalternes. Pour obtenir quelques-uns des hochets du pouvoir, les plus heureux de ces francophones de service n’ont pas hésité à se donner corps et âmes à la cause de leurs supérieurs et à se retourner contre les intérêts de leurs propres enfants.
C’est tout simple : quand on est un patron, on impose ses lois, ses intérêts, ses valeurs, ses modes et, en fait, tout ce qu’on veut. Parce que cela va de soi, c’est presque par distraction qu’on impose en plus sa langue maternelle. C’est précisément ce que font les anglophones du reste du Canada de même que la quasi-totalité des autres peuples du monde. Pratiquement aucun n’a ressenti le besoin de se doter d’une quelconque loi 101.
La géopolitique du Québec
C’est parce que le fleuve Saint-Laurent est la principale voie d’accès naturelle de sens est-ouest du continent nord-américain que la Nouvelle-France a été créée par la France et envahie par l’Angleterre.
Comme seulement quelques milliers de colons français ont laissé des descendants en Nouvelle-France, il était inévitable que ces derniers deviennent un jour minoritaires sur le territoire d’un Canada grand comme un continent. Ce hasard géographique fit que les millions d’immigrants qui affluèrent à Montréal dans les siècles ayant suivi la Conquête passèrent vite leur chemin pour aller peupler les immenses terres vierges de l’Ouest canadien.
Jamais les Québécois, en dépit d’une natalité débridée, n’allaient pouvoir rattraper l’avantage démographique que prit alors le Canada anglais. De toute façon, l’axe économique nord-sud du continent prit si vite l’avantage sur l’axe est-ouest de colonisation et de peuplement que ce fut vers les États-Unis (et non vers l’ouest) que se dirigea la moitié de la population québécoise qui décida d’émigrer entre 1840 et 1930.
La vraie séparation des deux peuples date de cette époque. Pendant que nos ancêtres subissaient l’appel du sud, les Anglo-Québécois continuaient en effet à émigrer vers l’ouest et, notamment, vers Toronto où ils finirent par déménager l’essentiel de leurs centres de décision. En renforçant par soustraction le caractère français de Montréal, cet exode devait assurer notre prépondérance économique à long terme sur le Québec.
Aujourd’hui que les deux peuples ne reçoivent pratiquement plus de renforts de leurs mères-patries respectives, c’est à Montréal que se joue la partie politique qui a pour enjeu l’intégration des immigrants. Dans ce duel, la communauté anglophone est fortement désavantagée pour plusieurs raisons. D’abord, sa saignée démographique et économique au profit de l’Ouest se poursuit inexorablement. Elle vieillit et s’affaiblit. Ensuite, elle n’occupe plus que la partie ouest de l’île de Montréal. Enfin, les francophones forment l’élément stable et cohérent de la population; celui qui, à long terme, finira inévitablement par prévaloir.
Remarquons ici que, contrairement à ce qu’on ne cesse de nous répéter, le Québec n’est pas du tout noyé dans une mer anglophone. Dans les faits, nos voisins sont tous très loin. D’immenses territoires, dont le Maine, séparent nos centres de peuplement de ceux des Maritimes (qui sont situés le long de la côte atlantique). Des chaines de montagnes presque continues nous séparent de la Nouvelle-Angleterre. Enfin, il existe un vide démographique entre les basses terres du Saint-Laurent et la zone la plus densément peuplée de l’Ontario.
Au Québec même, seule la région de Montréal est vraiment multiculturelle. Partout ailleurs, le pays est occupé massivement par les francophones. Cette donnée de notre démographie est si permanente que notre dénatalité ne provoque pas une invasion d’immigrants dans les régions en voie de dépeuplement, mais leur fermeture pure et simple.
Si, de nos jours, les immigrants affluent en si grand nombre à Montréal, c’est certes parce qu’il existe un différentiel de richesse important entre leurs pays d’origine et le Canada. Mais c’est aussi et surtout parce que nos ennemis de toujours sont déterminés à noyer le Québec sous des flots d’étrangers inassimilables dans le but de l’affaiblir et de l’empêcher de se défendre.
Nous vivons à la fin d’un cycle
Cette stratégie, qui vise à déséquilibrer notre peuplement, a peu de chances de réussir pour plusieurs raisons. D’abord, le différentiel de richesse en faveur de l’Occident va vite disparaître par suite du développement économique ultrarapide de notre ancien tiers-monde. Ensuite, la dénatalité massive qu’on observe partout sur la planète va bientôt réduire drastiquement le nombre des candidats à l’immigration. Enfin, nos métropoles modernes sont devenues des sortes de trous noirs où tout tend à disparaître, y compris la population.
La croissance de notre civilisation industrielle est en effet orientée vers nos plus grandes villes. Au cours des derniers siècles, les pays industriels ont tous été équipés de denses réseaux de communication qui drainent vers les villes l’énergie, les matières premières, les produits semi-finis et les surplus démographiques produits dans les régions environnantes. Quand ces dernières ne peuvent plus fournir de nouveaux contingents de campagnards, le mouvement se nourrit d’immigrants étrangers qui viennent à leur tour s’entasser dans des métropoles surpeuplées pour y disparaître en quelques générations dans la stérilité et la dénatalité.
Comparer nos villes modernes à des trous noirs est d’autant plus adéquat qu’aux heures de pointe, nos réseaux de routes et de périphériques urbains donnent l’impression de former un vortex où se précipitent dans d’affolants tourbillons des millions de voitures qui cherchent toutes à accéder en même temps au centre de la fournaise.
Notons que le processus de vidage des campagnes prolifiques vers des villes plus ou moins stériles est le contraire absolu d’un mouvement naturel d’expansion, de colonisation et de peuplement. De nos jours, l’urbanisation massive de notre espèce produit une pollution telle qu’elle met désormais en danger la survie même de la planète.
Puisque la moitié de l’humanité est déjà urbanisée, il est clair que nous approchons du moment où nos villes vont se mettre à décliner. Ce nouveau phénomène ne sera qu’un des aspects de la crise multiforme qui s’apprête à nous tomber dessus. À l’évidence, un cycle se termine et une renaissance se prépare.
Comment s’en tirer le mieux possible
Quelle que soit l’ampleur de la crise à venir, le Québec francophone sera particulièrement bien placé pour y survivre étant donné que son territoire est naturellement isolé et périphérique. Parce qu’il est loin de tout, les secousses y seront tout simplement moins violentes qu’ailleurs.
Autre chance unique, notre peuple possède d’immenses réserves de richesse inutilisées. Sans même augmenter son PIB, il pourra en effet accroître son bien-être collectif en éliminant les sangsues qui, depuis la conquête de 1760, n’ont pas cessé de l’appauvrir artificiellement.
La suppression du gouvernement fédéral, de sa Cour suprême, de ses représentants royaux et de tous les députés, sénateurs et fonctionnaires inutiles qui vivent de nos taxes fédérales représentera déjà une économie substantielle.
Sur le front intérieur, tout le réseau mis en place par nos conquérants pour nous assimiler à nos propres frais pourra aussi être mis au service des francophones : deux des trois universités anglaises de Montréal, les deux tiers des 18 hôpitaux anglophones, etc. Quant aux mairies du West Island et aux commissions scolaires anglaises, nos dirigeants devraient en confier l’administration aux institutions francophones de même type.
De la même façon, tous les programmes développés par notre minorité pour former dans ses institutions des étudiants étrangers devraient être remplacés par une industrie francophone équivalente.
Pour encore accroître la puissance et, donc, la richesse des francophones, il faudrait aussi se servir de leur langue comme d’une arme pour encourager le départ graduel vers les autres trous noirs du continent de tous les francophobes du West Island.
Il va sans dire qu’un tel retour à la normale devrait se faire de manière parfaitement civilisée, c’est-à-dire en continuant à donner des services en anglais aux membres de notre minorité. À l’instar de Trudeau (qui, lui, parlait des francophones), le gouvernement québécois devrait se donner pour règle : ¨Pour les anglophones : tout, tout, tout; pour la communauté anglophone : rien, rien, rien.¨
Il nous faut une révolution culturelle
Évidemment, pour que nos politiciens acceptent de ne plus jouer aux imbéciles avec l’avenir et le bien-être de nos enfants, il faudrait qu’ils vivent une véritable révolution culturelle.
Alors que presque partout sur la planète, l’idée que l’État doive subventionner des écoles et des hôpitaux séparés pour une minorité nationale est considérée comme extraordinairement généreuse, nos leaders ne continuent-ils pas à qualifier d’extrémistes et de radicaux ceux qui demandent qu’on restreigne l’accès aux cégeps et aux universités de langue anglaise aux seuls anglophones du Québec?
Tant que nos chefs considéreront comme raciste l’idée de refuser un suicide national par immigration massive, notre peuple sera en danger. Par bonheur, les temps plus durs qui s’en viennent pourraient ramener tout ce beau monde à la réalité et les amener à se donner des politiques plus rationnelles.
Ainsi, il serait normal qu’un Québec souverain exige un délai de sept ans avant de naturaliser ses immigrants. (Les puissants États-Unis en exigent cinq). Quant aux faux réfugiés qui, comme chacun sait, viennent chez nous pour profiter indûment de nos services sociaux, le gouvernement devrait les installer dans la région de Gatineau pendant la période nécessaire à l’étude de leurs cas. Il est vrai qu’en agissant ainsi, le Québec courrait le risque de les voir s’enfuir vers Ottawa et l’Ontario tout proches…
Même dans le domaine linguistique, un profond changement de mentalité serait salutaire. Puisqu’au Québec, l’anglais a toujours servi à nous appauvrir alors qu’à l’étranger, il a toujours servi à nous enrichir, un Québec souverain devrait imposer lourdement la langue française sur tout son territoire tout en veillant à enseigner un anglais de qualité à ses enfants. C’est exactement ce que font tous les États qui ont à cœur de maximiser la richesse de leurs ressortissants.
Quand, après dix ou vingt ans d’indépendance, le français aura enfin pris toute la place qui lui revient au Québec, on pourrait même songer à se débarrasser d’une loi 101 devenue inutile.
Au Québec, on ne se bat pas vraiment pour le français, mais pour le pouvoir et l’argent. Quand on aura gagné, on imposera notre langue, tout simplement.
***
Jean-Jacques Nantel, ing.
Avril 2012


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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    30 avril 2012

    Des patrons légitimes? C’est la logique du maître et de l’esclave. Mimer le patron, c’est en cautionner la bêtise. Plutôt que d’acquérir une identité propre, on adopte celle de l’autre, du prédateur. Triste conscience…
    Il faut cesser – à travers internet – d’exacerber la haine et opposer entre elles les langues et par le fait même les peuples...
    Ceux qui achètent de la culture finissent toujours par la revendre faute de savoir qu’en faire... C’est normal, l’art est inutile et ceux qui veulent le monnayer ne font que le pervertir…
    Parler l’anglais « utile » et « international », c’est jouer le jeu de la « Révolte des masses »…

  • Jean Laporte Répondre

    30 avril 2012

    ...De toute façon, l’axe économique nord-sud du continent prit si vite l’avantage sur l’axe est-ouest de colonisation et de peuplement que ce fut vers les États-Unis (et non vers l’ouest) que se dirigea la moitié de la population québécoise qui décida d’émigrer entre 1840 et 1930....
    Je suis plutôt de l'avis que la pendaison de Louis Riel ainsi que l'interdiction de l'enseignement du français dans l'Ouest et l'Ontario furent des raisons majeures pour décourager les fils et filles de cultivateurs de s’installer vers l'ouest tandis que les Américains offraient aux Québécois leurs écoles et paroisses françaises.

  • Archives de Vigile Répondre

    29 avril 2012

    Monsieur Nantel,
    En nous suggérant de nous focaliser sur la lutte pour le pouvoir et l'argent au lieu de la survie du français, vous avez pondu un article est très provocateur.
    J'ai d'abord été rebutée par votre introduction, mais une seconde lecture de votre texte m'a amenée à comprendre le bien-fondé de votre argumentation.
    Je crois même que vous mettez de l'avant un argument susceptible de convaincre de nombreux récalcitrants à l'idée d'indépendance (tous ceux que n'émeut pas l'attachement à la langue et à la culture), à savoir que l'objectif ultime des Québécois doit être de tenir en leurs mains propres tous les aspects de leur destinée et de s'enrichir le plus possible (en maîtrisant l'anglais, bien sûr, et d'autres langues, ajouterais-je).
    Autrement dit, votre message est très pragmatique : cessons de pleurnicher sur le sort de notre langue; devenons des « patrons légitimes » et celle-ci s'imposera de surcroît.
    À souligner dans l'argumentaire en faveur de l'indépendance.