LE VOTE POUR LE PARTI QUÉBÉCOIS

L’expression d’un inconfort légitime

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«Voter PQ, c'est se donner un rapport de forces pour négocier d'égal à égal avec le Canada»

L'arrivée de Pierre Karl Péladeau afocalisé la campagne électorale autour de l’enjeu référendaire. À tel point que la question d’un siège québécois à la Banque du Canada a déjà été évoquée ! Ce dérapage, entretenu par certains, a nui aux troupes de Pauline Marois qui espèrent pouvoir recentrer le vaisseau amiral autour de thèmes électoraux plus payants comme la charte. Le PQ pourrait profiter de l’occasion pour infléchir sa pédagogie et revenir à la source du mécontentement. La menace référendaire alimentée par le Parti libéral du Québec, infondée à l’heure actuelle, nous permet de constater que plusieurs Québécois ont la mémoire courte.

Les épouvantails brandis aujourd’hui par les troupes fédéralistes ont des allures de déjà-vu : perte du passeport canadien et des pensions de vieillesse, problèmes liés aux frontières et à la dollarisation, etc. Le portrait d’un Québec souverain est glauque. Les défenseurs du fédéralisme ont le don d’instrumentaliser ces peurs ataviques. Et si on resituait le débat à la source du problème : l’épanouissement du Québec dans le Canada.

Quoi qu’on en dise, le nationalisme a été un ingrédient essentiel à la survie des Québécois. Ce nationalisme a freiné leur assimilation et a permis leur émancipation. Les Québécois de la Révolution tranquille ont voulu être traités d’« égal à égal », pour reprendre le slogan du parti de Daniel Johnson père. Cette dure recherche de l’égalité a mené à bien des confrontations avec l’autorité centrale. Le fameux « What does Quebec want » est demeuré une question dont on n’a jamais réellement voulu entendre la réponse.

L’échec des négociations constitutionnelles amorcées dans les années 1960 et 1970 a culminé avec la tenue d’un référendum en 1980 sur ce qui était, on l’oublie, un simple mandat de négocier. La défaite du camp du Oui a été interprétée, à l’encontre de ce que disait Trudeau, « comme une indication que tout va bien [que] tout peut rester comme avant ». Faisant fi de ses réclamations traditionnelles, le gouvernement Trudeau a isolé le Québec et rapatrié sans lui la Constitution, en y insérant une Charte des droits et libertés qui, en fin de compte, le noyait dans l’ensemble canadien.

Le premier ministre conservateur Brian Mulroney a voulu corriger cette erreur et réintégrer le Québec dans le giron constitutionnel avec l’accord du lac Meech. Ce fut une autre rebuffade du Canada à l’endroit du Québec. Robert Bourassa s’exprima ainsi au lendemain de l’échec de l’accord : « Quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse, le Québec est, aujourd’hui et pour toujours, une société distincte, libre et capable d’assumer son destin et son développement. » La suite de l’histoire est connue : la ferveur nationaliste a été contenue et détournée.

La victoire du Non au référendum de 1995 fut le théâtre d’une autre occasion manquée par les fédéraux de démontrer aux Québécois qu’ils tenaient à eux, au-delà d’un artificiel love-in payé à même les fonds publics, et qu’ils s’engageaient à répondre à leurs aspirations. Au contraire, le gouvernement libéral de Jean Chrétien crut plus utile de cadenasser la voie référendaire avec sa loi C-20 sur la clarté et de dilapider le Trésor public en faisant avaler des drapeaux canadiens aux Québécois (scandale des commandites).

Le méchant nationalisme québécois retrouvait ainsi sa tiédeur post-référendaire. Quant au gouvernement Harper, de peur de réveiller ce qu’il qualifiait de « vieilles chicanes », il prit une posture décentralisatrice et moins belliqueuse, mais s’en est tenu à l’adoption en Chambre d’une motion cosmétique reconnaissant la nation québécoise dans un Canada uni. Sous-entendu : pas question de rouvrir le débat constitutionnel.

Au moment où les Québécois réfléchissent à leur avenir politique, ils ont le devoir de se rappeler l’inaction du gouvernement fédéral devant leurs aspirations légitimes. Les défaites référendaires, plutôt que d’être interprétées comme des signaux d’un mal profond, ont incité le gouvernement fédéral à redoubler d’ardeur dans son Nation Building. Tous les moyens étaient bons pour faire rentrer le Québec dans les rangs.

Un vote pour le PQ n’est pas un vote pour un référendum, quoi qu’en disent nos traditionnels fabricants de peur. Se pourrait-il même qu’un vote pour le PQ soit la simple expression de l’inconfort réel de nombreux Québécois à vivre dans un pays qui nie leur spécificité ? Depuis tout ce temps, et après deux référendums, le gouvernement d’Ottawa et nos compatriotes hors Québec devraient pourtant avoir pris acte de ce persistant malaise. Mais non. Il revient donc aux électeurs québécois, y compris tous les fédéralistes réformistes fatigués, de se donner le rapport de force nécessaire pour enfin négocier d’égal à égal et, ultimement, faire en sorte que le Québec s’épanouisse, à l’intérieur ou à l’extérieur du Canada.


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