L'exemple européen

Québec 2007 - réalignement politique

Si à l'automne 2005, les Allemands avaient pu voter pour une Grande Coalition, ils l'auraient fait. En donnant aux deux grands partis un nombre de suffrages quasi égal (autour de 34 %) ils ont obtenu le résultat qu'ils souhaitaient. Si, le 26 mars, les Québécois avaient pu voter pour un gouvernement minoritaire, ils l'auraient probablement fait aussi.
En répartissant leurs suffrages presqu'également entre les trois grands partis, ils y sont arrivés. Ils estiment que tous les partis seront ainsi contraints à la collaboration. Il n'y aura pas à proprement parler de coalition gouvernementale, une pratique encore étrangère à nos moeurs politiques, mais nous aurons, dépendant des enjeux, des coalitions ad hoc.
Il reste à espérer que le Québec sera aussi bien servi par son gouvernement minoritaire que l'Allemagne par sa Grande Coalition. En effet, depuis 18 mois, tous les indices en Allemagne sont repassés au vert. Après des années de relative stagnation, la croissance a repris, l'investissement et la consommation sont en hausse, le chômage en baisse et les exportations sont le fer de lance de l'économie.
Des réformes audacieuses et nécessaires ont pu être mises en oeuvre parce qu'un large consensus a été trouvé entre socio-démocrates et chrétiens-démocrates. Les Québécois attendent la même chose de ceux qu'ils viennent d'élire à l'Assemblée nationale. Ils espèrent que le nouvel alignement permettra de relancer le développement économique et social du Québec.
Une grande majorité de Québécois espèrent aussi que la question nationale sera, au moins pour l'heure, reléguée au second plan. Toutes les forces en présence doivent, à ce chapitre, affiner ou réévaluer leur stratégie et, pour ce faire, elles ont besoin de temps. Elles ont besoin aussi de prendre en compte la réalité de ce qui se passe ailleurs. Là encore, l'expérience des Européens est utile.
Depuis 20 ans, en Europe, on a assisté au démantèlement de la Yougoslavie, et à l'accession à l'indépendance de toutes ses républiques, à la fin d'une fédération (la Tchécoslovaquie), à la création d'une nouvelle fédération (la Belgique), à la résurgence des nationalismes et à la création de régions plus ou moins autonomes (en Espagne, en Italie et au Royaume-Uni). Le futur statut de l'Écosse est, quant à lui, au coeur des élections qui auront lieu le 3 mai. Tout cela s'est produit dans des pays qui étaient déjà membres de l'Union Européenne ou aspirants à le devenir.
L'existence de l'Union Européenne, curieusement, est à la fois ce qui incite certains à s'affirmer davantage et ce qui leur permet de le faire. En effet, le processus d'intégration au sein de l'Union Européenne suscite chez certains États-membres la crainte de voir disparaître, à terme, leur identité propre. En même temps, l'Union européenne fournit à toutes les nations qui revendiquent l'indépendance ou une plus grande autonomie, une sorte de filet de sécurité, à la fois politique et financier. L'appartenance à l'Europe minimise les risques.
L'Union Européenne tiraillée
L'Union Européenne est elle-même tiraillée entre les courants souverainistes qui résistent à une intégration toujours plus poussée et qui voudraient conserver au niveau des États un maximum de pouvoirs, et les courants fédéralistes qui voudraient au contraire pousser encore plus loin l'intégration et créer à terme un véritable État fédéral européen. Les temps sont durs pour les fédéralistes européens.
Depuis fort longtemps, les leaders politiques dans les États-membres trouvent bien commode de blâmer Bruxelles pour tout ce qui ne va pas et à l'issue de chaque sommet européen, chacun s'emploie à démontrer combien il a su défendre ses intérêts nationaux. Personne ne se vante d'avoir accompli quoi que ce soit pour l'Europe. Faut-il s'étonner, après, de la désaffection des citoyens par rapport à la construction européenne?
L'analogie avec le Canada est frappante. Bien sûr, l'Union Européenne n'est pas une fédération et le Québec n'est pas un État souverain, mais comment ne pas reconnaître dans les dilemmes de l'Europe, nos propres dilemmes. Sans partenariat avec le reste du Canada et avec une ALENÀ qui n'offrira jamais une «couverture» comparable à celle de l'Union Européenne, les souverainistes d'ici nous proposent-ils une indépendance sans filet?
Les autonomistes, eux, sauront-ils nous expliquer non seulement ce que signifie «s'affirmer» mais aussi ce qu'implique le choix de « rester dans le Canada «? Quant aux fédéralistes, sont-ils prêts à défendre le fédéralisme pour ce qu'il est, c'est-à-dire une forme de gouvernement dont l'ambition est de faire vivre ensemble, à l'intérieur d'une structure politique complexe, des gens différents et déterminés à le rester?
Diplomate de carrière, l'auteure a été ambas-sadrice du Canada à l'UNESCO, aux Pays-Bas et en Allemagne. Elle vit maintenant à Montréal et siège au conseil d'administration du CERIUM (m.bernard-meunier@cerium.ca)

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Marie Bernard-Meunier18 articles

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Diplomate de carrière, l'auteure a été ambassadrice du Canada à l'UNESCO, aux Pays-Bas et en Allemagne. Elle vit maintenant à Montréal et siège au conseil d'administration du CERIUM.





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