L'erreur israélienne

Gaza: l'horreur de l'agression israélienne



Il y a beaucoup à dire sur l'immoralité de l'horrible riposte israélienne aux tirs de roquettes du Hamas, sur son caractère tout à fait disproportionné. Je veux me concentrer pour le moment sur l'énorme erreur stratégique du massacre de Gaza.
On peine à comprendre la raison de cette opération. Israël, dit-on, tenterait de désarmer le Hamas et faire en sorte qu'il ne puisse plus s'en prendre à la population israélienne. Or il semble bien qu'au contraire l'organisation palestinienne, avec l'appui du Hezbollah et de l'Iran, soit encore en mesure d'accabler Israël. Mais supposons que le Hamas soit tout à fait écrasé, mis hors d'état de nuire. Peut-on penser un seul instant que la population qui lui est fidèle, aussi durement frappée, deviendrait tout à coup docile et respectueuse de l'État voisin? Peut-on penser que tous ces Arabes de partout dans la région, dont plusieurs n'éprouvaient aucune sympathie envers le Hamas, profondément outrés par la violence de l'attaque israélienne, n'auraient pas envie de tout mettre en oeuvre pour venir en aide aux Gazaouis et les aider à se réarmer?
Les Israéliens n'ont rien appris de la faillite monumentale de la politique américaine dans la prétendue «guerre globale contre la terreur». Pour avoir voulu anéantir les ennemis terroristes sans se poser d'autres questions, sans chercher à comprendre la racine du mal, sans mettre en oeuvre les moyens diplomatiques appropriés, le gouvernement de George W. Bush a contribué à multiplier les adeptes de la terreur. Une coûteuse utilisation de la violence n'a fait que jeter de l'huile sur le feu. Les Américains se proposaient de renforcer leur hégémonie au Moyen-Orient. Ils s'y trouvent en plus mauvaise posture que jamais. Et pourtant, le président Bush lui-même n'a rien d'autre à dire aux Israéliens que de les encourager dans leur folle aventure.
Israël considère le Hamas comme un mouvement terroriste déterminé à détruire l'État hébreu. Si cela est vrai, pourquoi ne pas prendre acte de la faiblesse des moyens du Hamas et organiser une riposte proportionnée? Pourquoi surtout agir dans un sens qui ne peut que renforcer la légitimité du gouvernement de Gaza auprès de sa population et auprès des populations de tout le Moyen-Orient et de partout sur la planète?
Mais, dit-on, Israël n'avait guère le choix. Il ne pouvait tolérer l'agressivité du Hamas et se devait de riposter à grande échelle pour mettre fin à ses attaques. Pourtant, bien d'autres ripostes s'offraient à l'État hébreu. On aurait pu, par exemple, se contenter de détruire les sources d'alimentation de l'arsenal ennemi, les fameux tunnels à la frontière de l'Égypte. On aurait pu surtout recourir à des moyens diplomatiques, alléger le blocus de Gaza et entretenir l'antipathie envers le Hamas dans le reste de la Palestine et ailleurs dans la région, notamment auprès des Égyptiens. On aurait pu poursuivre les démarches auprès des Syriens pour en venir à une entente avec eux. Il semble bien qu'il était possible, avant le présent massacre, d'envisager le succès de pourparlers qui auraient conduit à un traité de paix avec la Syrie. Un tel traité aurait alimenté les espoirs. Il aurait contribué à neutraliser la Syrie et, en conséquence, le Hezbollah. Dans une telle atmosphère, les sentiments d'hostilité envers Israël se seraient sans doute quelque peu atténués. On aurait fait un pas dans la bonne direction et rendu plus difficile la politique iranienne de harcèlement par l'intermédiaire du Hamas.
Certes, les voies de la diplomatie sont pénibles, tortueuses, fort lentes et peu spectaculaires. Mais elles sont toujours plus positives que celles du recours à la force.
En tout cas, Israël nous fournit présentement une éloquente démonstration de la vanité de l'usage de la violence. Comme les États-Unis de Bush, qui ont perdu leur mise et bien davantage au cours des années récentes, Israël aussi, quelle que soit la légitimité de sa politique, est en voie de s'attirer plus que jamais la réprobation internationale sans renforcer en aucune façon sa sécurité. Tout le contraire de ce que l'on avait visé. Une erreur stratégique de grande envergure!
Espérons que le nouveau président américain trouvera les moyens de faire comprendre cela à son partenaire privilégié.
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Louis Balthazar, Professeur émérite de science politique, Université Laval, Président de l'[Observatoire sur les États-Unis Chaire Raoul-Dandurand UQAM->www.dandurand.uqam.ca]


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