Mathieu Bock-Coté fait une erreur de réalisme

L'erreur de grandeur du Parti Québécois

Critique de «Battre les libéraux»

Tribune libre

Sous le titre «Battre les libéraux» publié dans le JDEM d’aujourd’hui par Mathieu Bock-Coté, lequel je porte en haute estime, il fait l’erreur que plusieurs font dans leur raisonnement pour choisir la stratégie gagnante à la prochaine élection. L’erreur de Mathieu Bock-Coté consiste à prendre le Parti Québécois comme un véhicule ordinaire électoral.

Évidemment, nous réfléchissons maintenant sur le réalisme des engagements de 2018 par les candidats. Les résultats électoraux de 2018 ne pourront pas assurer que l’opinion émise dans ce texte est toujours vraie ou forment une généralité des sociétés occidentales. Il n’en demeure pas moins que cette réflexion peut servir de guide pour le choix du prochain chef du Parti Québécois.

J’écrivais dans mes notes, puisque la réflexion que je vous partage n’est pas née d’hier, mais me tracasse depuis quelques années, à savoir qu’ « on ne fait pas un pays avec une élection ordinaire, mais extraordinairement autrement ».
Or, le temps passe. Et, quand je fais l’analyse des élections passées depuis 40 ans, mais aussi sa pertinence intellectuelle, je n’en démarre pas de sa justesse.
Je résume ici une partie de la question:

1- Pertinence intellectuelle

Le choix démocratique de biens immatériels ou de biens civiques change le rapport politique et économique en ne faisant pas appel aux lois du marché, mais au sens moral, éthique et aux valeurs humanitaires comme l’exprime très bien Michael Sandel, professeur de sciences politiques à Harvard. Bâtir un pays est du même domaine.

L’attirance et la prise de décision individuelle et aussi commune ne se limitent pas à la prospérité économique, mais d’une façon plus neutre et universelle a d’autres niveaux de considérations. Il faut donc éviter les discours vides et s’ouvrir, en discuter directement de ces enjeux tout en s’adressant au sens morale et éthique de la clientèle. Il n’y a pas de prix à la liberté de choisir moralement.

Dit autrement, le PQ a un projet plus grand que nature, que lui-même dis-je. Il transcende les moyens électoraux du système habituel, réclame des moyens extraordinaires telle une consultation populaire et engage la personne entière dans un processus mental différent. En d’autres termes, il porte plus grand que lui.

Il n’est pas question de choisir entre une promesse de 100 000 emplois, de relève des finances ou le choix de la gratuité d’éducation, ou de service de santé, mais d’un projet qui change la donne tant au niveau individuel qu’au niveau international. Il revêt une nouvelle identité.

Il est aussi question possiblement de se serrer la ceinture, de faire un acte de foi majeur qui peut entraîner des pertes économiques, des agressions potentielles et des revendications de toutes natures et même un morcellement de territoire.

Ce n’est plus l’argent, mais la foi en ce que nous sommes et la confiance en nos capacités à bâtir notre pays, source de paix et de ressourcement qui intervient dans le choix. Il est porteur d’un ballon qui le rend le parti le plus important de l’histoire du Québec comme pas un ne l’a fait depuis deux siècles.

Alors quand un parti a choisi ce pari, il en garde le sceau, la marque et la misère.

C’est donc que le parti ne peut se décoller de la peau et doit agir en conséquence. Il a une responsabilité plus grande que soi, remplie de dignité. Pas pour tous. Et il n’y a qu’un chemin démocratique, le référendum. Ne pas en faire c’est comme refuser d’être ce que nous sommes avant tout. La démocratie, les élections ne servent en conséquence qu’à cela.

2- Les élections/référendums 1968-2014.

Mis à part l’élection de 1982 qui suivait un référendum, objet de négocier les promesses fédérales qui n’ont jamais été tenues, aucune élection n’a été gagnée en faisant la promesse d’être un bon gouvernement et de ne pas tenir de référendum.

Seule, l’élection du PQ sous Lucien Bouchard en 2003 a été un coup de dé du jeu de prendre plus de comtés avec moins de votes que les libéraux. Mais, le seul qui aurait pu faire l’indépendance les yeux fermés est Robert Bourassa le 26 janvier 1991 avec 72% des intentions de votes en faveur la souveraineté (IQOP/ Le Soleil).

Le vol d’un nez du référendum en 1995 par l’argent et le vote ethnique découle pourtant d’une élection qui disait ce que le PQ a de tatouer sur son âme. Il est donc de notoriété connue et reconnue, de raison comme d’émotion, qu’il existe que pour faire ce que doit, par la population du Québec, celle du Canada, et de partout aux Nations Unies.

Un simple partisan comme moi n’y peut rien. Mais les analystes, les journalistes, les candidats et les militants doivent prendre conscience de l’importance de donner toute la dimension du projet du PQ.

Sous les considérations de réalisme et de raisonnablilité, j’y vois dans plusieurs propos une erreur de grandeur du PQ, une sorte de mésestime du nom et du signifiant que porte ce parti. Pourtant, il est plus grand que nature par ce qu’il porte, ce qu’il véhicule et l’habit qui fait moine.

C’est sûr, c’est sûr ! Personne ne veut entendre qu’il y aura des élections comme elle ne veut rien attendre des référendums ou des consultations populaires. Les sondages disent que les gens s’en passent, la démocratie, non.

Il apparaît donc en finalité, que passer son tour pour faire une gouverne n’est pas un bon tour. Hésiter, pas mieux.

3- Élection en 2018

J’en conclus en terminant, qu’en 2018, plusieurs électeurs seraient tentés de choisir un autre parti que le Parti Québécois si le PQ ne fait pas ce qu’il doit. Pas de référendum, il ne devient pas un parti ordinaire, mais donnera une vision négative ou mercantile de lui-même. Il s’auto-exclut.

Le sens moral n’est pas négociable et la fierté n’a pas de prix pour les partis plus grands que nature. Il n’y a pas d’autres chemins que le respect de l’éthique et la morale populaire. Il y va du réalisme sur les choses en commun qui importent.


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8 commentaires

  • François A. Lachapelle Répondre

    15 juillet 2016

    @ François Ricard
    Vous avez cinq ans d'avance sur moi pour l'adhésion au projet du Pays du Québec. On fait donc partie de l'avant-garde et non de l'arrière-garde.
    Ceci étant dit, mon député JFL est une belle voiture rutilante dans la salle de montre. Il est aussi un miroir aux alouettes.
    Vous écrivez, je cite: « J-F Lisée nous dit que, pour une bonne fois, nous allons ... » JFL est un beau parleur: " il nous dit ... nous allons ".
    On juge un arbre à son fruit. Que pouvez-vous répondre à la question posée: « Monsieur Lisée lui-même a eu le pouvoir : qu’en a-t-il fait ? »
    Méfions-nous des beaux parleurs. Pierre Elliot-Trudeau a été un beau parleur quelques semaines avant le référendum de 1980.
    Comment pensez-vous gouverner vers le Pays du Québec avec toutes les tentacules du parlementarisme britannique, le lieutenant-gouverneur, le serment à la Reine, la démocratie de façade alors que les politiciens font des promesses à pleine gueule qui n'ont aucune valeur.
    Tout cet échafaudage n'a rien donné depuis des lunes. Il faut déconstruire maintenant cette cage à homards. Il faut remplacer les "nous allons" par des " nous faisons ".
    Dans le dossier de la langue, dossier majeur, j'ai écrit à JFL qu'il devait s'inspirer des actions de Camille Laurin dont son discours devant le Canadian Club de Montréal le 2 mai 1977. En lieu et place, il a composé le discours de Lucien Bouchard du Centaur du 12 mars 1996, un discours de colonisé.

  • Marcel Haché Répondre

    15 juillet 2016

    Un référendum n’est pas un sondage. Un sondage est sans conséquence pour l’État d’une nation. Ce n’est pas le cas du référendum.
    Présenter le référendum comme un super sondage démocratique auprès de la nation est abusif : il y a de la conséquence à en tenir un. Et c’est justement en préconisant la tenue d’un référendum qu’on dispense les élus et tout le Gouvernement d’une nation de s’engager dans la voie de la Souveraineté et de la Liberté.
    À quoi bon tant se battre, et se débattre, nous diront (et nous ont dit à voix basse dans le passé) tous les carriéristes de l’Indépendance, à quoi bon bavasser d’indépendance de midi jusqu’ à minuit si le référendum suffit à lui seul pour décider de qui est essentiel ? Cette position débilitante à l’égard du référendum est contraire à ce que doit être un « gouvernement responsable ». Les carriéristes (élus et non élus) sont d’habiles irresponsables.
    Quand un gouvernement s’en remet à la seule vertu du référendum, tout démocratique qu’en soit l’exercice, ce gouvernement accepte dans la réalité de diviser la nation qu’il est censé devoir rassembler.
    Contrairement à ce que croient les tenants de la grande Union des indépendantistes, ce ne sont pas les partis politiques qui ont divisé la nation québécoise, c’est le référendum. ( le Brexit est exemplaire de ce qu’il peut provoquer de division). Le Québec n’est jamais encore revenu du référendum de 1980. Et il n’y avait pas moins de partis politiques avant ce maudit référendum qu’il y en eu après.
    La division s’est installée en 1980. Nous sommes encore divisés, c’est-à-dire la nation est divisée. Proposer encore la tenue d’un référendum ne peut que maintenir cette maudite division. L’électorat ressent cela et cherche à retrouver son unité. Si les péquistes ne le ressentent pas…la nation cherchera ailleurs à faire son unité…Au-delà de sa personne, qu’est-ce qu’il y a de si difficile à comprendre dans l’intuition de Jean-François Lisée ?

  • François Ricard Répondre

    14 juillet 2016

    @François A Lachapelle
    Permettez à un "colonisé" de rétorquer à votre charge.
    Je fus de l'Alliance laurentienne. je suis du PQ depuis 1968. Et je suis aussi de l'ON et de QS. Je suis un colonisé qui veut l'indépendance. Depuis plus de soixante années.
    Mais jamais, durant ces soixante années, n'a-t-on vu de véritables gestes posés pour nous y mener. Nos élus, possiblement de bonne foi et très enthousiastes lors de leur première élection, perdent vite leur feu d'initié pour devenir des carriéristes frileux qui ne cherchent qu'à se faire ré-élire. Ils ne parlent d'indépendance qu'aux initiés. Et quand ils en parlent, c'est en terme de "référendum", sachant fort bien que cette démarche ne les contraint en rien de concret.
    J-F Lisée nous dit que, pour une bonne fois, nous allons nous donner un plan d'attaque, nous allons poser des gestes manisfestes d'affirmation, nous allons prouver à la population que non seulement nous sommes capables de gérer une province mais que nous y gagnerions tous à gérer notre pays bien à nous.
    Et les membres doivent devenir les chiens de garde de cette nouvelle approche. Et non les élus. Et s'il y a un élu qui ne veut respecter la ligne décidée par les membres, il pourra se trouver un autre parti.
    Tout cela parce que je crois que baser une approche sur le seul référendum nous mène tout droit à la catastrophe. C'est comme le général qui ne jurerait que par une seule tactique. Le référendum est la ligne Maginot de plusieurs indépendantistes. On y met rous ses écus pour rien.
    C'est une guerre qui nous confronte. Une guerre dont nous avons toujours nié l'existence. Une guerre qui comportera nombre de batailles. Une guerre qui demande des interventions diverses sur plusieurs fronts. Une guerre planifiée.
    Un plan de batailles qui nous permettra d'amasser des victoires qui feront la fierté de notre peuple. Fierté qui pourra se manifester brillamment lors d'un référendum qui viendra clore tout le processus.

  • François A. Lachapelle Répondre

    14 juillet 2016

    "Prendre le pouvoir" politique au Québec est la 1ère étape à franchir que décline Jean-François Lisée (JFL) en vue de la préparation du peuple pour le prochain référendum.
    "Prendre le pouvoir" n'est pas si magique que cela. Pauline Marois en a fait une malheureuse démonstration et lorsque je nomme Pauline Marois, je nomme toute son équipe gouvernementale, tous ses conseillers(ÈRES) et l'establishment du PQ.
    Monsieur Lisée lui-même a eu le pouvoir: qu'en a-t-il fait ? Ses réalisations présentent un actif "zéro", et pire, il a compté dans ses buts à l'occasion de la Charte des valeurs et dans le dossier des changeurs bilingues de la Société de transport de Montréal. Avant son élection, égal à lui-même, il est le bonasse et le colonisé (excusez les mots) qui a composé le discours de Lucien Bouchard prononcé devant la communauté anglophone du Québec au Centaur en mars 1996.
    J'aime bien le présent appel de Michel Blondin au sens moral et à la fierté du peuple du Québec à la fin de son texte. Une personnalité fière a une voix ... forte dans certaines circonstances. Pourquoi faire croire aux Québécois de la part des forces fédéralistes que les Québécois ne veulent pas de référendum ? JFL acquiesce à cette stratégie en "colonisé".
    Pourquoi les Québécois ne voudraient pas prendre la parole sur leur destin politique ? Notre démocratie actuelle est tellement évanessante. Comprenons-nous bien: nous sommes une minorité en Amérique et nous nous accommodons d'un régime parlementaire britannique de type majoritaire.
    Anecdote: pourquoi se faire élire député(e) du Québec et être assermenté(e) en fidélité à la Reine d'Angleterre ? Ici, c'est une honte totale, la soumission du colonisé sous nos yeux après chaque élection même sans prise du pouvoir. Qui et quand refusera-t-on cette soumission ?
    Il y a ici une grande méprise. Nous devons nous départir des vêtements trop grands de l'empire britannique et revêtir fièrement nos vêtements propres confectionnés en "étoffe du pays".
    Je me souviens très bien de l'interlocution d'un client anglophone à mon endroit dans une épicerie où je travaillais sur la rue Saint-Denis jadis: " don't bark so loud ! "
    Pourtant, aux HEC, on enseigne qu'il faut prendre la parole pour défendre son point avec brillance devant ses collègues. Voter à un référendum, c'est prendre la parole avec fierté à moins que les Québécois soient en panne de fierté ce qui est possible.

  • Michel Blondin Répondre

    14 juillet 2016

    Avis - Deux corrections (date).
    1- Précisons que le gouvernement de René Lévesque a été réélu le 13 avril 1981 (et non 1982) avec 49,3% des votes valides (80 candidats élus) contre 46,1% pour le PLQ et 4% pour l'UN.
    2- Le gouvernement du Parti Québécois de Lucien Bouchard a été élu le 30 novembre 1988 (et non 2003) avec 42,9% des votes valides alors que le PLQ avait 43,6%, soit avec moins de 27 618 votes valides d'électeurs que les libéraux.
    Notes:
    A- L'écart de vote en faveur du PLQ a quand même faire élire un gouvernement majoritaire du PQ avec 76 députés du PQ contre 48 pour le PLQ. Une aberration démocratique que la présence de trois partis majeurs ne peut répéter que très difficilement.
    (L'ADQ avait 11,8% et les autres avaient 1,8% des votes valides).
    B- Notons aussi que le coefficient de corrélation entre le PQ et les non-francophones est de plus de-0,956 et celui entre le PLQ et les non-francophones de 0,936. Le niveau de confiance de 99%.
    Ces coefficients de corrélations de 1988 sont comparables d'élection en élection depuis 40 ans. Ces relations montrent donc un lien fort révélateur et incontournable dont on ne peut nier les conséquences.

  • Archives de Vigile Répondre

    14 juillet 2016


    "L’Indépendance est un trésor, ce n’est pas un bouclier. Si vous vous en servez comme d’un bouclier, ne soyez pas surpris de vous retrouver avec un bouclier tout cabossé."
    Marcel Haché
    "Jamais aucun talent, aucune supériorité ne m'amènera à consentir au pouvoir qui peut d'un mot me priver de mon indépendance, de mes foyers, de mes amis ; si je ne dis pas de ma fortune et de mon honneur, c'est que la fortune ne me paraît pas valoir la peine qu'on la défende ; quant à l'honneur, il échappe à la tyrannie : c'est l'âme des martyrs ; les liens l'entourent et ne l'enchaînent pas ; il perce la voûte des prisons et emporte avec soi tout l'homme."
    Mémoires d'Outre Tombe
    [ Chateaubriand

  • Marcel Haché Répondre

    14 juillet 2016

    @ Michel Blondin
    L’Indépendance est un trésor, ce n’est pas un bouclier. Si vous vous en servez comme d’un bouclier, ne soyez pas surpris de vous retrouver avec un bouclier tout cabossé.
    Un parti politique, c’est fait pour prendre le Pouvoir, quand bien même il s’agirait d’un pouvoir provincial. C’est d’ailleurs le seul pouvoir qui Nous reste… Une Cause a besoin d’un mouvement, lui capable de nourrir un parti.
    Il y a mieux à faire que d’impatienter l’électorat. Mieux à faire que d’impatienter la Nation. S’il fallait que le référendum soit la mesure de l’indépendantisme, notre Cause serait perdue.

  • François Ricard Répondre

    14 juillet 2016

    Le PQ est selon moi un parti bien ordinaire. Comme le PLQ. Un peu plus démocratique que la CAQ. Mais moins démocratique que QS. Un parti bien ordinaire.
    L'indépendance, elle, est une question autrement plus importante. Plus importante que le PQ. Plus importante que tous les partis. Et l'indépendance ne saurait être le seul apanage du PQ. Et nous avons mille lieues à parcourir avant de l'atteindre. Et comme le dit le proverbe chinois, un trajet de mille lieues commence par un premier pas.
    Je crois que Lisée a raison. Il faut prendre le pouvoir, planifier les gestes que nous poserons, faire les pas nécessaires vers l'objectif afin d'amener la population à ce grand changement qu'est l'indépendance. Les premiers pas sont toujours les plus difficiles, ceux que l'on hésite le plus à poser. Le changement, ça se prépare.