Nous recommençons à surcharger l’école québécoise comme dans les années 1970 et 1980.
Ce sujet sera sans doute absent des bilans politiques de l’année. C’est pourtant une question capitale soulevée par 2017, comme tout ce qui touche à l’école.
Je l’aborde en raison du retour, imposé par le ministre Proulx, de l’éducation à la sexualité (annoncé jeudi) et du cours d’éducation financière (plus tôt cette année).
Quel autre « retour vers le futur » nous prépare-t-on dans les prochaines années ? L’économie familiale ? Le « choix de carrière » ?
L’enfer
Tout cela procède bien sûr de bonnes intentions... dont l’enfer est pavé, comme on le sait.
Et l’enfer, c’est qu’à chaque crise sociale, voire à chaque fièvre médiatique, on a le réflexe de vouloir ajouter une autre tâche, voire un autre cours, à l’école.
Cette année, le tsunami de dénonciations d’inconduites, d’agressions et de harcèlement sexuels a évidemment propulsé à l’avant-scène cette demande déjà existante de revenir à une éducation à la sexualité obligatoire dans toutes les écoles.
Une telle initiative peut bien sûr avoir de bons effets. Mais permettez que je caricature : croit-on vraiment que les Harvey Weinstein, les Gilbert Rozon et compagnie se seraient abstenus de commettre leurs gestes répréhensibles s’ils avaient suivi des cours sur la sexualité au secondaire ?
Certains des intervenants dans ce débat donnaient l’impression de le croire !
Surdose
Après une épidémie de surdoses de drogues, dans les années 1990, un intervenant avait suggéré d’ajouter à l’école un cours sur les drogues.
Aujourd’hui, avec tous les reportages et les débats sur le phénomène de la cyberdépendance, gageons que certains prôneront l’ajout d’un cours pour lutter contre ce phénomène.
Répétons-le, il y a là beaucoup de bonnes intentions. On veut régler de réels problèmes sociaux. L’ennui, c’est que l’école n’a pas pour fonction de guérir la société. On prête à Victor Hugo la paternité de cette maxime : « Qui ouvre une école ferme une prison. » La formule est belle, mais elle est totalement utopique, voire erronée, quant à la nature de l’école.
Bien sûr, il n’est pas vain de discuter des problèmes sociaux à l’école. Elle a pour mission de « socialiser ».
Y apprendre des notions d’économie ou de sexologie n’est certainement pas inutile.
Sauf que sous ce réflexe de bouleverser impétueusement, au gré des crises sociales et médiatiques, le curriculum (l’ensemble des cours donnés à l’école), il y a un réel piège : créer une école « fourre-tout ».
Les États généraux
Or, au Québec, on a déjà donné ! C’est précisément dans l’espoir de se sortir de l’« école fourre-tout » des années 1970 et 1980 que le gouvernement Parizeau lançait, en 1995, des États généraux sur l’éducation.
Les conclusions de cet exercice en profondeur furent en grande partie détournées par un courant pédagogique qui concocta la fameuse réforme par compétences du début des années 2000, laquelle a posé plusieurs autres problèmes.
La vraie réforme en éducation serait d’en finir avec les réformes. En finir aussi avec le bouleversement continuel des curriculums qui dépassent les ajustements nécessaires.
Car avec ces réflexes (réformes et ajouts de cours), on peut en venir à oublier que la première mission de l’école est d’instruire : elle doit apprendre aux jeunes à lire, écrire, compter. Et transmettre une bonne culture générale et scientifique.