L'avocat du frère André

Frère André (1845-1937)



Marc Thibodeau La Presse (Rome) - Pour que le frère André franchisse la marche suprême de la canonisation, le père Mario Lachapelle, biologiste de formation, a dû convaincre les autorités du Vatican qu'Alfred Bessette avait bel et bien fait des miracles. Jacalyn Duffin, elle, a certifié il y a quelques années que la guérison d'une patiente était un miracle attribué à la première sainte québécoise, Marguerite d'Youville. Portraits de scientifiques au service des saints.
Peu de temps avant sa mort, le frère André avait déclaré à ses proches que la sainteté «n'arrive pas comme un coup de fouet». Et ce n'est pas le père Mario Lachapelle qui le contredira.
Le religieux de 52 ans a passé les sept dernières années à Rome, dans les coulisses du Vatican, à plaider pour la canonisation du modeste fondateur de l'oratoire Saint-Joseph.
«Je suis très heureux que le frère André soit reconnu par l'Église. Je pense qu'il le mérite. Pour moi, c'est un signe de la présence de Dieu parmi son peuple», a-t-il dit cette semaine à La Presse lors d'un entretien téléphonique.
Nommé assistant général à Rome par la congrégation de Sainte-Croix en 2004, le père Lachapelle s'est fait demander du même coup par ses supérieurs d'agir à titre de «vice-postulateur» de la cause en canonisation du célèbre frère. Avec un avocat romain spécialisé en droit canon, il doit répondre à toutes les interrogations pouvant émerger du «procès» chapeauté par la congrégation pour les causes des saints.
Le «promoteur de la foi» - souvent désigné comme l'avocat du diable - lui a parfois posé de «drôles de questions», relate le père Lachapelle.
«Il y a eu des moments plus difficiles que d'autres», commente le religieux, qui a dû notamment défendre le rôle présumé du frère André dans la guérison d'un garçon de 10 ans, présentée à l'appui de la demande de canonisation.
«Il disait toujours que ce n'était pas lui qui guérissait, que c'était saint Joseph. Or, il a fallu démontrer que c'était bien l'intercession du frère André lui-même qui était demandée dans ce cas et non celle de saint Joseph, puisque c'est l'un des critères pour la canonisation», illustre-t-il.
A priori, rien ne destinait le père Lachapelle à se retrouver au coeur d'une démarche aussi singulière.
Biologiste de formation, l'homme n'a été ordonné prêtre qu'à la fin des années 90 après une carrière universitaire ponctuée de dizaines de publications dans des revues internationales.
«J'ai travaillé à l'Université de Montréal de 1989 à 1991, et mon bureau donnait sur l'oratoire Saint-Joseph. En regardant par la fenêtre, je me suis dit qu'il fallait que j'aille voir. Je suis tombé sur un livre qui parlait du fondateur de la congrégation de Sainte-Croix, et c'est comme ça que j'ai réentendu parler du frère André. Je me suis dit que c'était vraiment un homme extraordinaire», relate le religieux, qui a fait par la suite une maîtrise en théologie sur la spiritualité de l'ancien portier du collège Notre-Dame.
Sa formation scientifique semble à première vue peu compatible avec la recherche des «miracles» exigés par l'Église dans le processus de canonisation, mais le père Lachapelle n'y voit aucune contradiction.
Dans tous les domaines scientifiques, il existe nombre de phénomènes qui demeurent inexpliqués et qui laissent place à «un acte de foi», dit-il. «Je suis parfaitement à l'aise avec ça», note le père Lachapelle.
Il souligne que les chercheurs appelés à se pencher sur les guérisons présentés à l'appui des demandes de béatification et de canonisation se contentent de dire si elles sont «scientifiquement inexplicables». C'est le pape, ensuite, qui parle de «miracle».
Le père Lachapelle pense que «trois ou quatre» autres guérisons auraient pu être invoquées pour la canonisation du frère André avant qu'on retienne celle du jeune garçon, survenue en 1999.
Pour l'Église catholique, les miracles sont «un signe d'authenticité qui confirme que la personne est exceptionnelle», note le religieux, qui accorde bien plus d'importance au caractère «visionnaire» du frère André qu'à ces questions.
Le fondateur de l'oratoire Saint-Joseph travaillait avec les clercs alors que l'Église «avait tendance à être suffisante». Il avait un souci de tous les instants pour les démunis et les exclus et un «très grand respect pour tous ceux qui avaient des croyances différentes des siennes». «C'est quelque chose qui devrait exister un peu plus dans nos sociétés actuelles», dit le père Lachapelle.
Bien qu'il ne cache pas sa joie de voir le processus de canonisation aboutir alors qu'il est en poste à Rome, le religieux se garde bien de s'en attribuer le mérite: «Je suis entré dans le portrait en 2004 alors que la démarche avait été officiellement lancée en novembre 1940... Je ne vais pas m'attribuer le crédit du travail de tous ceux qui m'ont précédé. Disons plutôt que j'ai ajouté la cerise sur le gâteau...»


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