L'avilissement de l'Assemblée nationale

Affaire Michaud 2000-2011



Les dévots de l'avilissement de l'Assemblée nationale du Québec qui m'ont pris pour cible le 14 décembre 2000 en prennent pour leur rhume. Monsieur Paul Bégin, ancien ministre de la Justice, a amené cette semaine 51 députés du Parti québécois, soit 77 % des votants, à exprimer leurs regrets d'avoir voté sous contrainte une motion inique et sans précédent en quatre siècles d'histoire du parlementarisme.
Initiative heureuse, qui remet en question la fonction, le rôle et les limites des élus de la souveraineté populaire. Un parlement n'est ni une maternelle, ni un enclos de moutons, ni une machine enregistreuse de l'humeur des chefs de parti. La discipline est parfois nécessaire, mais ne devrait pas être nécessaire tout le temps. Il faut laisser les députés respirer, leur donner un espace de liberté, sans quoi le guignol dont j'ai été l'objet risque de se répéter et, pis encore, compromettre l'une des plus grandes conquêtes du Siècle des lumières, la liberté d'expression.
Déchéance d'un parti
Monsieur Bégin, grâce à sa persistance, sa ténacité, son sens de la justice et ses talents de plaideur, a réussi l'impossible: convaincre 51 députés du PQ de prendre le chemin de Canossa et de reconnaître leur erreur, voilà un autre précédent, celui-là honorable et digne de passer à l'Histoire.
Le fait que pas un seul des députés libéraux de l'époque qui ont participé à mon «exécution parlementaire» (Gaston Deschênes. L'Affaire Michaud. Chronique d'une exécution parlementaire, Septentrion) n'ait exprimé le moindre regret en dit long sur la déchéance d'un parti qui fut jadis honorable. Son chef actuel, ancien ministre conservateur au Parlement du Canada, parrain de la motion scélérate, et son inénarrable ministre de la Justice ne voient rien de répréhensible à traîner un citoyen dans la boue pour des propos imaginaires et inventés. Je suis fier d'avoir été député libéral sous Jean Lesage, tout comme sous René Lévesque. Les temps ont changé. Dommage qu'il n'existe plus un seul juste dans le Parti libéral d'aujourd'hui!
Mme Marois, en revanche, tout en reconnaissant que les députés du Parti québécois n'avaient pas été «équitables» à mon endroit, notamment le fait de me condamner sans m'entendre, a demandé au président de l'Assemblée nationale de revoir les règlements sous cet aspect spécifique. C'est une avancée, mais il faudra bien un jour se poser la question fondamentale: l'Assemblée nationale a-t-elle compétence pour se transformer en bourreau et exécuter un citoyen avant que le processus judiciaire l'ait reconnu coupable? Et encore! Je n'ai jamais eu de réponse à cette question, sauf des démêlés judiciaires qui m'ont rappelé la grande vérité de M. de La Fontaine: selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir (Les Animaux malades de la peste).
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Yves Michaud - Ancien député à l'Assemblée nationale du Québec


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