L’aveu candide de François Legault

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En 1993, Bourassa avait invoqué l'avis de l'ONU pour justifier de ne pas renouveler une disposition de la loi 101


L’adoption du projet de loi 21 sur la laïcité de l’État se fera à la mi-juin. Plus on s’en approche, plus le premier ministre François Legault donne l’impression d’être surtout pressé d’en finir. En entrevue avec notre Bureau parlementaire, il ne s’en cache même plus.


« Je ne suis pas venu en politique pour faire adopter un projet de loi sur la laïcité, lance-t-il. Mais son adoption nous permettra de discuter d’éducation, de culture, de santé, d’économie, de sujets qui préoccupent davantage les Québécois. » Qui « préoccupent davantage » les Québécois. L’aveu est candide et révélateur.


Une chose est claire : contrairement à Pauline Marois avec sa charte des valeurs, M. Legault, avec raison, n’y voit pas un enjeu central de sa mission politique. De fait, on le sent plutôt agacé par le sujet. Peut-être commence-t-il aussi à réaliser que la page qu’il veut tant tourner avec le PDL 21 ne le sera pas vraiment.


Tigre de papier


Malgré son recours aux clauses dérogatoires des chartes canadienne et québécoise des droits, des avocats se préparent en effet à contester la loi. Leur arme : invoquer certains articles de la Charte canadienne des droits non soumis à la clause dérogatoire.


Même le Conseil des droits de l’homme (CDH) de l’ONU s’en mêle. Dans une lettre envoyée au gouvernement canadien, quelques « experts » se disent « préoccupés » par le PDL 21 quant aux risques posés à la protection des minorités religieuses.


Or, que ses objections soient fondées ou non, le CDH de l’ONU est un tigre de papier. Il ne détient aucun pouvoir de contrainte auprès des États. Ses avis sont royalement ignorés par ceux-ci. Y compris au Canada. Idem pour les avis du Comité des droits de l’homme de l’ONU – à ne pas confondre avec le Conseil (!). Du moins, sauf exception. En voici une de taille.


Exception


Résumé : en 1988, en réponse à un jugement de la Cour suprême invalidant une section de la loi 101, le gouvernement libéral de Robert Bourassa invoque la clause dérogatoire de la charte canadienne des droits. Il le fait pour protéger des tribunaux un nouvel amendement à cette loi rétablissant l’affichage commercial en français seulement. S’est ensuivie une longue saga politique et constitutionnelle.


Un Anglo-Québécois dépose une plainte au Comité des droits de l’homme de l’ONU. En avril 1993, ce dernier déclare que l’amendement en question de la loi 101 contrevient au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Coup de théâtre : au lieu de jeter l’avis à la poubelle, Robert Bourassa choisit de s’en servir pour justifier le non-renouvellement de la clause dérogatoire, laquelle n’est valide que pour cinq ans à la fois.


La raison était purement politique. En 1988, le recours à la clause dérogatoire lui avait coûté très cher politiquement, face au Canada anglais, et jusque dans son propre parti. Il s’est donc servi de l’avis du CDH de l’ONU pour s’acheter la paix. Cette exception ne risque pas de se reproduire de sitôt.