En établissant un lien de cause à effet entre le multiculturalisme et le terrorisme islamique, le premier ministre David Cameron a provoqué un ouragan politique au Royaume-Uni. Dans le discours prononcé à Munich, dans le cadre d'une conférence consacrée, c'est à noter, à la sécurité, le chef du gouvernement de Sa Majesté a martelé que le multiculturalisme était une machine produisant les divisions entre groupes ethniques et communautés religieuses, que le monde d'aujourd'hui voulait «moins de tolérance passive» et davantage de «libéralisme musclé», et qu'à l'avenir les «organisations extrémistes non violentes» ne seraient plus subventionnées.
Ainsi, après le débat sur l'identité nationale lancé par Nicolas Sarkozy en 2009 et l'exposé décliné ensuite par Angela Merkel, selon lequel il fallait «exiger davantage des immigrants» parce que le «multi-kulti avait totalement échoué», voilà que Cameron fustige à son tour ce principe en l'attaquant presque exclusivement sous l'angle de l'islamisme. Quoi d'autre? Il s'est fait le chantre d'un nationalisme qui ne dit pas son nom en invitant tous ses homologues européens «à se réveiller pour voir ce qui se passe dans nos [leurs] pays». Bon.
Avant de poursuivre, peut-être faut-il retracer, schématiquement il est vrai, l'évolution du multiculturalisme. Lors de son avènement dans les années 50, il consistait à faire la promotion du vivre et laisser vivre. On pensait qu'en permettant à l'immigrant de préserver des pans significatifs de sa culture, il développerait de facto un mécanisme d'intégration. Puis, dans les années 80, le «multi» s'est mué en un duo fait de tolérance et d'égalité des droits avant de se transformer en promotion positive des identités religieuses et ethniques.
Parallèlement à l'évolution qui fut la sienne au cours des trente dernières années, qu'a-t-on constaté? L'essor de la mondialisation des marchés et son contingent de déréglementations, les compressions budgétaires dans les ministères de l'Éducation, l'abandon par les politiques, les élus, de pouvoirs au profit de non-élus, des fonctionnaires de Bruxelles, qui s'est traduit par un sentiment de dépossession, etc.
Or, comme chacun le sait, les moteurs de l'intégration des générations antérieures d'immigrants s'appelaient l'école et le syndicat. La première a vu ses crédits diminuer au fil des ans, alors que le taux de syndicalisation n'a pas cessé de baisser depuis 1980. À ces faits du passé s'ajoute un fait du présent. Quelque chose qui relève du jamais vu, de l'inédit. De quoi s'agit-il? Les nouvelles technologies.
Si le débat sur la question n'était pas quasi monopolisé par les politicologues, les historiens et parfois les philosophes, si l'on s'attardait quelque peu aux travaux effectués par les sociologues versés en communications, l'on apprendrait que la nostalgie pour un passé glorieux (sic) qui se cache derrière la sortie de Cameron et autres n'est plus possible. Parce que toute la quincaillerie informatique produit un éclatement identitaire, une atomisation des comportements. Autrement dit, elle renvoie l'adhésion du plus grand nombre à un socle commun de valeurs et cultures au statut de mission impossible.
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