Une étude publiée récemment par une institution universitaire, HEC-Montréal, attaque de front, sur la base d’un à priori idéologique, les choix démocratiques que les Québécois ont faits au cours des dernières décennies (Dépenses publiques au Québec : comparaisons et tendances, par Jonathan Desrosiers et Robert Gagné, HEC-Montréal, avril 2013). Cette étude prétendument sérieuse n’est qu’un prétexte pour ressasser l’idée qu'en matière de finances publiques les Québécois, qualifiés de dépensiers, sont incompétents et irresponsables ce qui les condamne à une performance économique médiocre.
Le texte analyse une grande quantité de données sur les dépenses des administrations publiques au Canada de 1981 à 2009 pour illustrer une réalité déjà connue, soit que le Québec dépense proportionnellement davantage que les autres provinces canadiennes en services publics. Cependant, cette analyse est minée par de graves erreurs méthodologiques qui faussent les résultats.
Les comparaisons interprovinciales de dépenses publiques exigent une grande prudence dans le choix et dans l'interprétation des données. D’abord, les auteurs ne tiennent pas compte des dépenses fiscales, soit des crédits d'impôt aux utilisateurs de services publics, qui ne sont pas comptabilisées comme dépenses publiques et que toutes les provinces n'utilisent pas avec la même intensité.
Les auteurs omettent aussi de mentionner que le Québec s’est retiré avec compensation de certains programmes fédéraux et qu’il a mis en place des régimes d’assurance et de retraites québécois, ce qui accroît ses dépenses sans ajouter de pression sur l’équilibre budgétaire puisqu’en principe il encaisse les revenus associés à ces dépenses. De plus, les auteurs reconnaissent que le partage des juridictions entre les municipalités et les administrations provinciales n’est pas uniforme dans l’ensemble des provinces canadiennes, mais ils maintiennent les résultats de leurs comparaisons non valides et en reprennent même un des éléments dans la conclusion.
En outre, les auteurs mettent en évidence les informations qui semblent soutenir leur thèse tandis qu’ils ignorent les constatations qui la contredisent. Par exemple, ils concluent leur analyse de tendances avec des informations d’Importance secondaire, sans mentionner que, de 1981 à 2009, les dépenses publiques par habitant ont augmenté moins rapidement au Québec (40%) qu’en Ontario (56%) et qu’en moyenne au Canada (48%) et que le ratio des dépenses publiques sur le PIB a légèrement diminué au Québec alors qu’il augmentait légèrement en Ontario et dans le reste du Canada.
En guise d’introduction à cette analyse de données comptables on tente astucieusement d'établir que les dépenses publiques élevées sont toujours néfastes à l'économie. Pourtant il ne s'agit pas là d'une loi généralement acceptée par les économistes universitaires et les pays scandinaves en sont un contrexemple éloquent. Ce qui est généralement admis c'est qu'un déficit budgétaire qui subsiste pendant une longue période génère des problèmes économiques.
Pour sa part, le Québec a fait des choix de société et il les assume par une taxation responsable. Depuis une quinzaine d'années le Québec respecte l'équilibre entre ses revenus courants et ses dépenses courantes, sauf pour l'épisode récent et tout à fait acceptable d'un déficit lié à la crise économique. Il est vrai que les Québécois ont élu et réélu un gouvernement libéral qui promettait des baisses d’impôts mais il promettait aussi que l’équilibre budgétaire serait maintenu grâce à la réingénierie de l’État et sans réduction des services publics.
On affirme aussi en introduction que la situation économique du Québec est préoccupante et on insinue que c’est à cause de la place et du rôle de l’État dans l’économie. Il n’est pas évident que la situation du Québec soit plus préoccupante aujourd’hui que celle de l’Ontario et du reste du Canada. Il faut d’abord rappeler qu’au cours de la période étudiée, soit de 1981 à 2009, le PIB par habitant a augmenté aussi rapidement au Québec qu’en Ontario et qu’en moyenne au Canada. Une telle performance n’aurait pas été possible si le rôle de l’État québécois avait été néfaste à l’économie.
Il est vrai cependant que le PIB par habitant se maintient à un niveau inférieur à celui de l’Ontario et du Canada, d’environ 11,5% et 15,2% respectivement en 2009. Toutefois, des écarts de même ampleur sont observés entre les pays développés et même entre les États américains, et on peut proposer nombres d’explications de ces écarts autres que le rôle excessif de l’État dans l’économie.
Dans le contexte où cette notion d’un Québec faible économiquement a été assimilée par la grande majorité des québécois, et malgré que le PIB par habitant soit une mesure bien partielle du bien-être d’une société, cette réflexion m’a ramené à l’idée qu’il faudrait utiliser la relative faiblesse de l’économie du Québec pour démontrer que la fédération canadienne ne nous réussit pas économiquement.
Plusieurs textes sur Vigile rapportent des exemples de biais dans la répartition provinciale des dépenses fédérales structurantes au cours des décennies, et d’autres désavantages du fédéralisme canadien pour le Québec, tandis que d’autres textes démontrent l’insignifiance de la péréquation. Je propose seulement de maintenir vigoureusement cette ligne d’attaque, de ne pas hésiter à l’utiliser pour expliquer le niveau de vie plus faible au Québec et de réaffirmer que le Québec s’en tirerait mieux comme pays indépendant.
L'argument économique: la fédération canadienne ne nous réussit pas
Nous n'en avons pas pour notre argent à Ottawa
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