L’affaire Julie Miville-Dechêne

Sa crédibilité perdue elle doit partir

Tribune libre

La sortie publique de Mme Julie Miville-Dechêne soulève bien des questions. Examinons les raisons alléguées par l’intéressée, et les conséquences de cette sortie pour elle et le Conseil qu’elle a l’honneur de présider. Pour les fins de cette analyse, nous allons utiliser les faits allégués par JMD elle-même, sans lui prêter des intentions politiques, voire machiavéliques.
JMD prétend qu’elle et le Conseil auraient souhaité faire des études d’impact avant de donner un avis sur la question de la Charte des valeurs. Il y a deux ou trois ans, le Conseil avait pourtant donné un avis favorable à la proposition du ministre Bernard Drainville. Même si je ne suis pas d’accord avec tous les éléments de la proposition Drainville, je ne reviendrai pas là-dessus, je serai le dernier à blâmer le ministre d’avoir supposé que l’avis du Conseil était sérieux et fondé sur une démarche rigoureuse. Il n’avait pas non plus à vérifier la méthodologie qui avait mené à cet avis, les documents et études consultés par ses auteures, bref, il avait confiance au sérieux de cet organisme et de sa présidente.
Mais voilà que de l’aveu même de sa présidente, l’avis fut donné sans études d’impact, dans une espèce de vide. Quoiqu’on puisse penser de la Commission Bouchard-Taylor, elle avait réalisé des études d’impact avant de livrer ses conclusions. Alors que du côté du Conseil du statut de la femme, si on n’était pas dans une État laïc, on pourrait croire que l’avis fut donné sous le coup de l’inspiration divine.
Repentante, JMD aurait souhaité voir le Conseil refaire ses devoirs avant de donner son avis et faire occuper certains des postes vacants par des femmes plus favorables à d’autres points de vue que ceux qu’on retrouve dans la proposition Drainville. Il y a certes eu un bras-de-fer (ou de crêpage de chignon si vous êtes féministe) entre elle et la ministre responsable. La ministre a respecté le vieux proverbe qui veut que le pape ne nomme pas de cardinaux protestants. Et JMD a décidé d’étaler ses divergences de vue sur la place publique, un geste peu banal.
JMD occupe le poste de présidente d’un organisme public, et vient blâmer le gouvernement de choix qui respectent l’orientation du Conseil. Et elle n’a jamais offert sa démission au gouvernement. Personne ne force JMD à occuper ce poste. Si elle n’est pas d’accord avec le gouvernement sur des orientations fondamentales, elle peut et doit démissionner. Par contre, après une sortie publique comme elle vient de faire, si elle reste, elle nous dit que finalement, ces nominations ne sont pas si graves, et qu’en tant que présidente, elle peut vivre avec ça sans problème. Pourquoi faire cette sortie alors?
Même si Mme Maltais s’est voulue rassurante quant à la compétence des nouvelles venues au Conseil, personne ne va avoir confiance à l’avis donné par le CSF sur cette question, il pourra consacrer son temps et son énergie à étudier autre chose.
Mais ça ne s’arrête pas là. JMD nous affirme que l’opinion donnée par le CSF sur un sujet aussi sensible manquait de rigueur au point de devoir le reprendre. Qu’en sera-t-il des avis subséquents du CSF sur d’autres sujets ? Pourquoi des gens aussi peu compétents dans un dossier aussi important deviennent-ils compétents dans tous les autres ? Et qu’en est-il de ceux donnés depuis celui portant sur la laïcité? En agissant comme elle l’a fait, la présidente du Conseil a non seulement discrédité et décrédibilisé son organisme pour le dossier de la Charte des valeurs, mais pour tous les autres. Les organismes publics sont comme des professionnels, ils vivent grâce à la confiance qu’a la population en leurs avis et recommandations. Et c’est la présidente de l’organisme elle-même qui tire au fusil dans sa barque.
Malheureusement, JMD ne peut plus occuper les fonctions de présidente du CSF, et Mme Marois a peut-être été un peu vite en affaire quand elle lui a réitéré sa confiance. Elle devrait plutôt exiger sa démission, et y nommer quelqu’un d’autre. Et se passer du précieux avis du CSF sur la question de la Charte des valeurs, nous le connaissons tous de toute façon. La crédibilité du CSF va être longue à rebâtir, mais la survie de l’organisme est à ce prix.
Et pour conclure, abordons l’une des questions qui restent à régler, les nominations politiques. Le processus de nomination politique à des organismes indépendants contient en lui-même le risque de nomination partisane. Nous l’avons vécu assez longtemps avec Charest pour se demander comment éliminer les risques associées aux nominations partisanes ? En septembre 2010, Robert Barberis-Gervais avait rapporté sur ce site que Charest avait fait 6400 de ces nominations, et il lui restait encore deux ans à sévir, il a continué jusqu’à la dernière minute de son mandat de premier ministre!
Le cas de JMD illustre bien un écueil de ces nominations, l’incompétence des membres du club des tizamis. Tous les politiciens vont vous dire que leurs copains sont d’une compétence transcendantale. Regardez la gestion de dossier de JMD, et tirez vos propres conclusions. Et quand c’est Charest qui nomme des tizamis, on est en droit de douter non seulement de leur compétence, mais peut-être aussi un peu de leur intégrité. Même si personne, moi le dernier, n’irait jusqu’à croire que c’est finalement par partisannerie que JMD a fait sa sortie.


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1 commentaire

  • Marcel Haché Répondre

    24 septembre 2013

    Avant de faire sa sortie, JMD savait ce qu’elle allait faire. Elle savait très bien que ce qu’elle s’apprêtait à faire était grave : les non-élus en général qui sont au service de l’État de quelque façon ne sont jamais-jamais-jamais au dessus de lui ni des élus.
    Si JMD est assez incompétente pour ne pas démissionner, le bureau du premier ministre devrait voir à exiger sa démission pour incompétence. Autrement, toute la générosité de la première ministre pourrait apparaître comme de la faiblesse.
    Out ! Pis pas de promotion en guise d'accommodement.... Le P.L.Q. et Christine St-Pierre l’attendent à bras ouverts.