Inutile de continuer

L'affaire Mulroney-Schreiber



Faut-il une commission d'enquête publique sur l'affaire Mulroney-Schreiber? Non. Il faut souhaiter que David Johnston, l'ancien chancelier de McGill qui doit conseiller le premier ministre Harper sur la marche à suivre, lui suggère instamment de mettre cette mauvaise idée au rancart.


Les politiciens ont autre chose à faire, et les contribuables, d'autres priorités, que de dépenser de 50 à 100 millions de dollars pour une opération inutile, qui ne fera qu'agiter de la boue.
Il est déjà établi qu'il n'y a pas eu malversation dans l'achat des Airbus. C'est là qu'aurait été le gros scandale. La GRC a enquêté, et n'a rien trouvé. Des journalistes torontois ont tout fait, depuis des années, pour déterrer un scandale «Airbus», et ils n'ont rien trouvé.
Même Schreiber a déclaré que l'ancien premier ministre n'avait rien à voir avec ces acquisitions décidées par le conseil d'Air Canada, sur la recommandation unanime d'un comité technique. Il est vrai qu'on ne peut se fier à Schreiber, mais dans ce cas-ci on le peut, car Schreiber, loin d'avoir intérêt à exonérer Mulroney, a tout intérêt à répandre des rumeurs de scandale puisque c'est ce qui lui permet d'échapper à l'extradition.
Il s'ensuit que le seul mystère à élucider est de savoir pourquoi, alors qu'il était encore député, M. Mulroney a accepté un paiement en espèces, puis deux autres une fois revenu à la vie privée. Mais à moins de prétendre entrer dans les cerveaux - ce serait une tactique digne du mccarthyisme -, la meilleure des commissions d'enquête sera toujours incapable de faire la lumière sur les motivations profondes des êtres humains.
La seule illégalité aurait été que M. Mulroney n'ait pas payé de l'impôt sur ces montants. Or, il l'a fait. Aurait-il eu, à un moment donné, l'intention de ne pas le faire? On ne le saura jamais. Et en définitive, cela importe peu sous l'angle de l'intérêt public. Certes, comme on dit, «cela regarde mal», mais les faits sont là, têtus.
Que M. Mulroney ait effectué ou non du bon travail pour Thyssen en échange de ces émoluments, qu'il ait gardé ou non des documents étayant ce travail, rien de cela n'a la moindre incidence sur l'intérêt public, car il s'agissait d'une transaction d'affaires privée.
Devant une commission d'enquête, M. Mulroney serait forcé de s'expliquer davantage qu'il ne l'a fait devant le comité parlementaire de l'éthique. Mais il aura beau répondre par le menu détail, en quoi est-il d'intérêt public de savoir où était son coffret de sécurité new-yorkais, ou comment il a dépensé l'argent qui s'y trouvait, ou quelle était la teneur de ses déclarations de revenus?
Bien sûr, cela satisferait la curiosité populaire, mais en quoi les activités financières d'un simple citoyen sont-elles d'intérêt public? À plus forte raison au sujet d'une histoire qui remonte à 14 ans, et qui n'a pas l'ombre d'une incidence sur la vie politique contemporaine?
Tout ce que l'on sait, c'est que M. Mulroney est en règle avec le fisc (et même s'il ne l'était pas, faut-il instituer des enquêtes publiques sur tous les citoyens qui ont des problèmes avec l'impôt?)
Il n'y a pas ici de comparaison avec le scandale des commandites, qui concernait un gouvernement en place. Mais l'on sait maintenant que M. Harper n'a rien eu à voir avec cette affaire-ci. Même les députés de l'opposition ne jouent plus sur cette corde-là. Raison de plus pour que M. Harper revienne sur sa décision impulsive d'instituer une commission d'enquête.
Certains disent qu'il faut rétablir la crédibilité de la fonction de premier ministre. Foutaise! Schreiber prétend qu'il a été question d'argent l'avant-veille de la démission de M. Mulroney comme premier ministre. Ce dernier dit le contraire. Encore ici, on ne saura jamais la vérité, mais entre la parole d'un Schreiber et celle d'un Mulroney, il n'y a pas à hésiter.
On dira que, ne serait-ce que pour l'exemple, Brian Mulroney devrait être puni. Mais de quoi au juste, si rien d'illégal ne peut être prouvé? De toute façon, convenons-en: M. Mulroney est désormais un homme à jamais humilié, et sa réputation est singulièrement ternie aux yeux d'une majorité de Canadiens. Pour un homme qui tenait tant à son image et qui était, non sans raison d'ailleurs, si fier de son bilan comme premier ministre, y a-t-il pire punition que celle-là?
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