Incendies en Minganie: des pompiers de la SOPFEU révoltés

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Une autre preuve que les PPP ne profitent qu'au secteur privé

Lisez ce message reçu samedi matin par courrier électronique: «Bonjour M. Lavoie, nous sommes 21 pompiers en direction de la Côte-Nord, pas pour Havre-Saint-Pierre, mais Manic 5, et oui il y a du bois à protéger pour les compagnies forestières. Nous sommes aussi enragés que la population de la Minganie. Nous voulons être entendus et dirigés par le gouvernement, pas par la SOPFEU, qui est à la solde de l'industrie forestière.
Vous savez où ils étaient ces pompiers, pendant que les feux de forêt isolaient Natashquan et encerclaient la baie Johan-Beetz? On les a envoyés dans la région du lac Mistassini pour protéger la machinerie des forestières et une forêt coupée à blanc ou réduite à des arbres sans grande valeur, selon les pompiers qui sont allés sur les lieux. «On a dépensé 8 millions $ en 11 jours dans ce secteur. C'est scandaleux», a révélé l'un d'entre eux. «Pendant ce temps-là, on entendait parler des feux en Minganie, mais on ne pouvait pas y aller.»
Les pompiers de la SOPFEU font valoir qu'ils ne relèvent plus du gouvernement depuis une quinzaine d'années. Lors de la privatisation, les forestières assumaient la moitié des coûts de l'organisme, mais Québec prend la totalité des coûts depuis la dernière crise forestière. Malgré tout, c'est l'industrie, selon eux, qui établit les priorités d'intervention lorsqu'il y a des incendies. Avec le résultat qu'on a vu en Minganie. Selon eux, le gouvernement doit reprendre le contrôle de l'organisme.
Les pompiers ne sont pas les seuls à manifester leur colère. Je vous cite des extraits de courriels reçus depuis samedi. Celui de Maxime Richard, de la Baie-Johan-Beetz, est particulièrement éloquent: «C'est tout notre territoire qui part en fumée. Des souvenirs et un mode de vie. La chasse, la pêche, chalets, cueillette de fruits sauvages, bûchage, ski-doo, VTT et j'en passe... On ne verra probablement plus notre territoire comme il était avant. Ça va prendre des dizaines d'années avant que ça revienne. Pour ma part, une des plus belles rivières du Québec - rivière Washishou et sa pourvoirie - a été brûlée. Un paradis de pêche aux saumons a été brûlé. Ça représente des pertes d'emplois - pratiquement la seule économie - pour Baie-Johan-Beetz.
C'est un miracle qu'il n'y ait pas eu de pertes de vie. Si le feu avait passé dans la nuit, j'aurais fort probablement perdu des êtres chers.
Les élus municipaux (maire, directeur général et conseiller) ont été laissés à eux-mêmes pour prendre la décision d'évacuer le village alors qu'ils n'avaient pas d'information et aucune connaissance en matière de feu de forêt. Personne n'était sur place, seulement deux voitures de police sont arrivées tard en soirée.
Il y a eu grosse lacune du côté de la SOPFEU et de la sécurité civile. Le feu avait été déclaré depuis plus d'une semaine. Un feu de 1 km2 qui aurait été facile a éteindre. Mais non, on préfère gérer des crises au Québec. Notre territoire a brûlé à cause de technocrates et de décisions administratives stupides. Il va falloir que ça change. On va l'avoir sur le coeur longtemps, il est trop tard...»
Vous croyez qu'il «charrie», M. Richard? Voyez le message de Marie-Soleil Vigneault, la directrice générale de Tourisme-Côte-Nord-Duplessis:
«Merci Monsieur Lavoie pour votre article sur nos feux de forêts. Je crois que ça résume bien la pensée de la population. Le drame, il est là, les communautés de la Minganie vivent beaucoup du tourisme et ces feux laissent une grande cicatrice sur les gens, sur le territoire et sur une industrie déjà fragile qu'est le tourisme, domaine dans lequel je mets toute ma passion et mes énergies depuis 20 ans.»
En passant, vous voulez savoir comment ça marche, la SOPFEU? La description que j'en ai trouvée sur Internet permet de comprendre pourquoi on a laissé brûler la Minganie.
«La Société de protection des forêts contre le feu est un organisme privé à but non lucratif chargé de la prévention, de la détection et de l'extinction des incendies de forêt. Elle fonctionne en partenariat public-privé (PPP) en collaboration avec le gouvernement du Québec. Ses affaires sont menées par un conseil d'administration ayant des représentants de l'industrie forestière, des propriétaires de boisés privés et du gouvernement québécois.»
Visiblement, le gouvernement n'était pas assis à cette table au cours des dernières semaines... mais l'industrie y était!


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