Immigration - Potentiel élevé

Anglicisation du Québec

Au Québec, l'intégration des immigrants au marché du travail est médiocre, et deux fois plutôt qu'une. Notre bilan négatif, souligné dans une étude du CIRANO, est d'autant plus regrettable que le Québec se fait l'apôtre de la sélection active d'immigrants qualifiés, mais il se montre tout à fait incapable de valoriser leur «potentiel élevé».
Au Québec, les nouveaux arrivants sont de plus en plus scolarisés, maîtrisent davantage le français et se retrouvent dans la tranche d'âge la plus active sur le marché de l'emploi. Dans l'absolu, sur fond de démographie chancelante et de pénurie de main-d'oeuvre, ils ont tout pour plaire, et on les choisit précisément pour consolider une activité économique menacée. En pratique, ils peinent hélas! à exploiter leur expérience. Et le «potentiel élevé» ne suffit pas à soutenir une famille.
Le Québec multiplie les opérations de charme auprès d'une population immigrante dont il a cruellement besoin, mais il se désiste au moment crucial de l'insertion professionnelle. C'est pourtant là un moment-clé: l'immigrant qui subit le rejet économique risque le repli identitaire. On peut toujours nier le lien qui existe entre cette barrière et la crise d'identité qui tourmente le Québec.
Il est pourtant inéluctable: incapables de mettre à profit leurs compétences et d'en tirer un gain salarial appréciable, les immigrants — et les femmes immigrantes, encore davantage — retournent, bredouilles, à leur réseau social, là où ils ne se sentent pas disqualifiés. Ils s'éloignent de la culture publique commune. Ils soignent leurs allégeances traditionalistes. Cette société les a appelés, mais en font-ils vraiment partie?
Avant le CIRANO, la commission Bouchard-Taylor avait adroitement pointé ce problème, l'associant sans gêne à la discrimination. Le constat des chercheurs est toujours pertinent: au Québec, un fossé se creuse entre capacité d'accueil et volonté d'accueil.
Les facteurs qui expliquent cet écart sont multiples, mais reposent tous sur une intégration défaillante. Les conditions d'accès sévères aux professions expliquent en partie le taux élevé d'inactivité des immigrants. L'expliquent aussi le corporatisme abusif de certains ordres professionnels; le dédain des employeurs pour le diplôme étranger; la francisation défaillante; les pratiques d'embauche discriminatoires causées par l'opacité des barrières culturelles; la faiblesse des modes de recrutement.
Sous un discours officiel prônant l'ouverture à la diversité ethnoculturelle, les employeurs sont-ils prêts à oser les gestes qui se marient aux paroles? Combien sont flexibles à l'attribution de congés religieux? Combien ont recours à des interprètes (le rapport note que 20,9 % des immigrants admis au Québec en 2008 ne connaissaient ni le français ni l'anglais)? Combien offrent des cours de français en entreprise? Combien sont prêts à financer la formation d'appoint qui manque pour atteindre les équivalences requises?
Le gouvernement, à cet égard, ne prêche pas par l'exemple, force est de l'admettre. Les membres des minorités ethniques sont encore sous-représentés dans l'administration publique. Signe des temps, le dernier budget du Québec, qui a guillotiné quelques organismes publics, a fait disparaître le Conseil des relations interculturelles du Québec...
La santé économique du Québec dépend pourtant directement de l'expérience de ces immigrants triés sur le volet, il faut s'en convaincre. On ne peut pas les inviter au banquet pour leur laisser ensuite les miettes.
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machouinard@ledevoir.com


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