Immigration: la grande déconnexion

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« La volonté d’accueillir un plus grand nombre d’immigrants a toujours été ultra-marginale dans la population, mais ultra-dominante dans les médias. »

À l’exception des chroniqueurs souverainistes, notre microcosme médiatique n’a longtemps parlé d’immigration que pour en chanter les louanges.


Toute autre position était suspecte, voire sulfureuse.


Le choc avec le réel a forcé plusieurs médias à ajuster le tir.


Réalité


Ils disent maintenant : Nous, faire taire la discussion ? Jamais ! Il faut en parler... mais de la bonne manière.


Du bout des lèvres, on concédera que la francisation ne va pas de soi ou que les nouveaux arrivants ne sont peut-être pas la solution automatique aux problèmes de main-d’œuvre.


Mais on termine toujours avec l’homélie traditionnelle sur la peur de « l’autre », la fermeture et le rapetissement.


Et le sentiment populaire, lui ?


Juste avant le déclenchement de la campagne électorale, Angus Reid a dévoilé des chiffres fascinants.


En 2018, au Canada, quel est le pourcentage de gens qui pensent qu’il faudrait accueillir plus d’immigrants ?


6 %.


Quel est le pourcentage qui pense qu’il en faudrait moins ? 49 %.


L’opposition à plus d’immigration est en hausse : 36 % des gens souhaitaient moins d’immigration en 2014.


Ce qui est aussi frappant est l’absolue marginalité, à travers le temps, du souhait d’accueillir plus de gens que l’objectif officiel : 10 % en 1975, 9 % en 1995, 6 % cette année.


En langage clair, la volonté d’accueillir un plus grand nombre d’immigrants a toujours été ultra-marginale dans la population, mais ultra-dominante dans les médias.


Et l’opposition à en recevoir plus est en hausse, mais dépeinte dans les médias avec suspicion, dénoncée, moralement condamnée.


Le discours médiatique dominant laisse aussi entendre que l’opposition au « toujours plus » serait une opinion conservatrice, de droite.


L’électeur « progressiste », celui qui voit la lumière, sait, lui, chanter les louanges du « toujours plus ».


Les électeurs qui se disent conservateurs sont certes plus nombreux à vouloir une réduction.


Mais quel est le pourcentage, parmi les électeurs qui se disent libéraux, qui trouve, comme Justin Trudeau, que le Canada n’accueille pas assez d’immigrants ?


À peine 10 %.


Pareils


On voudrait aussi nous faire croire que le Québec aurait une résistance particulière envers l’immigration.


Oh, que nous devrions prendre exemple sur la belle sérénité non frileuse du Canada !


Bouillie pour les chats. Le Québec n’est ni meilleur ni pire.


En 2018, 51 % des Québécois disent vouloir moins d’immigrants. C’est 50 % en Ontario, 52 % en Saskatchewan, 49 % en Alberta.


Je ne prétends pas que c’est le sentiment populaire qui a « raison » et le discours médiatique qui a « tort ».


Je dis qu’il est compréhensible que de plus en plus de gens fassent un doigt d’honneur aux médias traditionnels quand ils constatent que leur opinion est ignorée, ou relevée seulement pour être condamnée ou ridiculisée.