Les Britanniques se prononcent aujourd’hui, jeudi, par référendum sur le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne (UE). S’il coule de source que l’UE souffre de graves dysfonctions et d’un important déficit démocratique, cela ne revient pas pour autant à dire que les Britanniques auraient intérêt à entériner le Brexit.
Vrai que leur insularité fait en sorte que les Britanniques sont par nature et depuis toujours des eurosceptiques. Il ne faudrait cependant pas perdre de vue qu’en l’occurrence, le psychodrame dans lequel ils se sont plongés est avant tout le résultat d’un calcul électoral et partisan fait par le premier ministre David Cameron.
En 2013, assiégé par l’aile antieuropéenne de son Parti conservateur à l’approche des élections générales de 2015, M. Cameron avait réussi à mettre le couvercle sur les divisions en promettant la tenue d’un éventuel référendum sur l’appartenance à l’UE. Sur le plan électoral, il a gagné son pari l’année dernière en remportant aux Communes une petite majorité de sièges, pendant que, signe des stress malsains à venir, les réactionnaires de l’UKIP, parti antieuropéen et anti-immigrants, triplaient leur part des voix (à 12 %) par rapport aux législatives de 2010.
Pas sûr maintenant que M. Cameron remportera son pari référendaire : que le camp du Leave sorte gagnant et les pressions seront fortes pour qu’il démissionne, auquel cas la Grande-Bretagne se trouverait immédiatement confronté à un grand tumulte politique en même temps qu’à la peur collective du vide induite par la décision de rompre. Que le Remain l’emporte, ce qui est possible sinon attendu au vu des sondages par ailleurs très serrés, et sa tête pourrait rouler de toute façon.
C’est que les calculs politiques de M. Cameron en auront fait, du dégât. Rarement a-t-on vu dans l’histoire moderne de la Grande-Bretagne une campagne politique aussi violente et démagogique, écrivait le collègue Christian Rioux. En Grande-Bretagne, comme du reste ailleurs en Europe, se manifestent parmi les gens des courants d’angoisses identitaires et nationales qui sont loin d’être illégitimes relativement aux changements qu’ils vivent et subissent socialement. Le drame, c’est que ces calculs politiciens auront permis au final à un camp du Leave sans véritable projet économique de détourner et d’empoisonner salement le débat en jouant sur les sentiments anti-immigrants.
Il ne fait pourtant pas de doute, tout compte fait, qu’il est dans l’intérêt des 64 millions de Britanniques de conserver les liens — au demeurant déjà ténus — qu’ils ont avec les institutions de l’UE. Non pas que le projet européen tel que porté à l’heure actuelle par Bruxelles soit très exaltant. Mais il est manifeste qu’en sortant de l’Union, la Grande-Bretagne affaiblirait sa position dans les affaires du monde — par rapport à l’UE, bien entendu, mais aussi par rapport à ce grand allié que sont les États-Unis, ainsi que soulignait mercredi le spécialiste Olivier Schmitt dans les pages du Devoir.
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