Il y a cinquante ans, Saint-Léonard

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C’est l'immigration massive qui explique la surpopulation dans les écoles francophones


Il y a cinquante ans, Saint-Léonard était le théâtre d’une véritable crise provoquée par le refus des parents francophones de laisser les écoles anglaises continuer à angliciser systématiquement les enfants des immigrants italiens. Le gouvernement unioniste de Jean-Jacques Bertrand avait manqué le bateau en consacrant le principe du libre choix de la langue d’enseignement par l’adoption du tristement célèbre « bill 63 ».


La crise de Saint-Léonard avait néanmoins marqué le début d’une reconquête linguistique qui, malgré l’adoption de la Charte de la langue française, demeure inachevée et provoque toujours des tensions entre francophones et anglophones.


Coïncidence, une des trois écoles dont le transfert de l’English Montreal School Board (EMSB) à la Commission scolaire de la Pointe-de-l’Île (CSPI) soulève la colère des parents anglophones est située à Saint-Léonard.


Cela ne dégénérera pas en émeute, comme cela avait été le cas il y a cinquante ans, mais il est difficile de ne pas voir là un de ces retournements dont l’histoire a le secret.


C’est d’ailleurs l’explosion de la clientèle immigrante, à laquelle la loi 101 a interdit l’accès à l’école anglaise, qui explique la surpopulation dans les établissements francophones de l’est de Montréal, alors que la diminution constante des anglophones de souche a eu pour effet de vider les écoles anglaises. Il était inévitable que cela finisse par poser un problème.


La présidente de l’EMSB, Angela Mancini, a été froissée par l’attitude « cavalière » du ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, qui a fait l’annonce du transfert sur les ondes du 98,5, mais elle peut difficilement plaider la surprise. Depuis sa nomination, il a démontré qu’il ne craignait pas de prendre des décisions, peu importe qu’elles suscitent de la controverse.


Il avait clairement averti les deux parties qu’elles avaient jusqu’au 10 juin pour trouver une solution, à défaut de quoi il allait agir. Un gouvernement libéral n’aurait peut-être pas osé, mais la CAQ n’a aucune raison de ménager la communauté anglophone. On a d’ailleurs bien noté que le territoire de la CSPI recoupe les deux seules circonscriptions de l’île de Montréal où la CAQ a réussi à faire élire des députés.


 

 

On peut comprendre la frustration et l’inquiétude des parents dont les enfants devront déménager dans des écoles situées plus loin de chez eux, où ils pourraient être séparés de leurs amis, voire de leurs frères et soeurs.


Au total, 743 élèves anglophones fréquentent présentement les trois écoles visées. Leur transfert causera sans doute bien des tracas, mais cela sera tout de même moins compliqué que de trouver des locaux adéquats pour les 3000 élèves que les écoles de la CSPI ne seront pas en mesure d’accueillir à la rentrée de l’automne.


L’EMSB a proposé que les élèves des deux langues cohabitent dans les mêmes écoles, dont elle conserverait la gestion, mais la CSPI s’y refuse. Pour M. Roberge, cela pourrait constituer une solution temporaire, dans la mesure où le transfert des écoles pourrait prendre un certain temps, mais il n’est pas question que cette cohabitation devienne permanente.


La preuve n’est plus à faire que, dans un environnement bilingue, l’anglais finit toujours par l’emporter. Il est évident que la cohabitation ne serait pas très propice à la francisation des enfants d’immigrants, qui constituent une proportion importante des 3000 nouveaux élèves que les écoles de la CSPI devront accueillir.


De toutes les mesures mises en avant par la loi 101, l’obligation pour les enfants d’immigrants de s’inscrire à l’école française a certainement été la plus déterminante et la plus efficace. Ouvrir la porte à la cohabitation serait tout simplement suicidaire.


 

 

Le député caquiste de Sainte-Rose, Christopher Skeete, qui est l’adjoint parlementaire du premier ministre Legault pour les relations avec la communauté anglophone, espère que le transfert des écoles ne sera pas interprété comme un conflit plus large entre anglophones et francophones.


S’il est vrai que cette décision n’est pas motivée par une quelconque hostilité envers les anglophones, elle ne s’inscrit pas moins dans la partie de bras de fer linguistique qui oppose les deux communautés depuis un demi-siècle, sinon depuis la Conquête.


D’ailleurs, ni l’EMSB ni la CSPI ne donnent l’impression d’avoir fait de bien gros efforts pour arriver à une entente à l’amiable. Comme d’habitude, l’affaire risque maintenant de se retrouver devant les tribunaux.


Tout cela ne peut que renforcer la détermination des anglophones dans leur opposition à l’abolition des commissions scolaires. M. Roberge a confirmé qu’un projet de loi à cet effet sera présenté à l’Assemblée nationale l’automne prochain.









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