Il est temps de réduire les seuils d’immigration

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«L’ouverture à l’autre lorsque l’autre refuse de s’ouvrir à nous relève du masochisme identitaire»





Le Devoir nous confirme ce matin une chose dont nous nous doutions: la francisation des immigrés est un échec. Les immigrants boudent les cours de français. Nos efforts pour les intégrer n’aboutissent pas à des résultats convaincants. Et plus encore, ces efforts, aussi admirables soient-ils, sont mal coordonnés et mal orientés. En un mot, du point de vue de l’intégration linguistique et culturelle, l’immigration est un échec, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas des milliers et des milliers de belles histoires réussies.


Résumons les chiffres rapportés par Le Devoir: 60% des immigrés d’âge adulte qui arrivent au Québec et qui ne parlent pas le français en y arrivent refusent de prendre des cours de français. La tendance est à la hausse depuis quelques années. En un mot, nous ne les intéressons pas. Ils arrivent chez nous et peuvent aisément se passer d’une interaction avec la majorité francophone et ceux qui la composent pour vivre et travailler, comme le note d’ailleurs Robert Dutrisac dans son article. Dans la société du Bonjour/Hi, ils choisissent le Hi.


Ce n’est pas qu’ils sont méchants. C’est que nous ne comptons tout simplement pas. Ils arrivent en Amérique du Nord. Ils arrivent au Canada. Ils arrivent à Montréal. Ils arrivent dans un environnement qui fonctionne en anglais et où la langue française a de moins en moins de pouvoir et n’est plus prestigieuse du tout. À la rigueur, nous sommes considérés comme un résidu historique plutôt sympathique. Mais nous n’incarnons plus l’avenir. On peut se passer de nous. Il y a un prix à payer à ne pas être un pays.


On devine déjà la réponse des nationalistes médiatiquement respectables: il faudrait augmenter les budgets en francisation. Les plus courageux voudront même rendre obligatoires les cours de français. Évidemment. Cela va de soi. Mais il faut aller plus loin et poser la question qui demeure fondamentalement interdite dans notre système médiatique: est-ce que l’immigration massive telle que nous la connaissons aujourd’hui est favorable aux intérêts du Québec et à la survie de sa culture? La réponse est non.


On veut nous faire croire depuis des années qu’une immigration massive est indispensable à la prospérité économique et au rajeunissement de la population. Ce mythe a été démonté depuis un bon moment déjà par plusieurs chercheurs, qui ont bien montré en quoi l’immigration n’était pas une solution miracle pour sauver le Québec. Cela n’empêche pas certaines figures du patronat atteintes d’illettrisme économique ou militant férocement pour la fin des frontières de plaider pour une augmentation des seuils d’immigration.


Pour ces capitalistes sans frontières, les peuples sont toujours de trop et leur culture est un fardeau dont ils devraient se délivrer pour jouir pleinement des avantages d’une mondialisation qui valorise le nomadisme, le déracinement et la circulation maximale des individus. Ils adhèrent de manière presque religieuse au mythe d’une humanité réunifiée au-delà des peuples, des cultures, des religions et des civilisations. Ils ne voient plus devant eux des hommes mais des ressources humaines. Il n’y aurait qu’une seule chose à faire devant la «diversité»: s’y ouvrir.


On a aussi voulu nous faire croire que l’immigration massive représentait une source inestimable d’enrichissement culturel. L’heure est venue de nuancer. Évidemment, un peuple qui se refermerait sur lui-même se condamnerait à l’asphyxie identitaire. Et bien évidemment, une métropole est destinée à assumer sa vocation cosmopolite. Nous nous réjouissons tous que ce soit le cas de Montréal. Mais c’est une chose de s’ouvrir raisonnablement au monde, c’en est une autre de s’y dissoudre et de consentir à devenir chez soi une minorité culturelle parmi d’autres.


C’est ce qui est en train d’arriver aux francophones à Montréal. La diversité n’est pas toujours une richesse. Quand l’immigration massive pousse à la marginalisation du français à Montréal, ce n’est pas une richesse. Quand, plus largement, et conséquemment, elle réduit le poids des francophones au Québec et pousse pratiquement à sa conversion en province bilingue, elle n’est pas une richesse non plus. Un jour, les francophones ne seront plus assez nombreux pour faire de leur culture une culture de convergence. C’est peut-être déjà le cas.


Nous vivons une mutation démographique majeure. On pourrait dire aussi que nous la subissons. C’est une chose d’ouvrir nos portes à un certain nombre d’immigrants, sur une base annuelle, pour les accueillir au Québec. On ne connait personne qui souhaite fermer les frontières. C’en est une autre de pratiquer une politique d’immigration qui relève, nous le savons maintenant, du suicide culturel et qui ne sert que les intérêts électoraux du Parti libéral qui se sert de la démographie à la manière d’un cadenas sur l’avenir politique du Québec.


À Montréal, la majorité historique francophone n’a plus la force démographique et sociale pour intégrer les immigrés. Par ailleurs, l’ouverture à l’autre lorsque l’autre refuse de s’ouvrir à nous relève du masochisme identitaire. Nous devons changer nos critères de sélection des immigrants et faire du français un critère obligatoire. Nous devons associer à cela une maîtrise déjà réelle de la culture québécoise. Nous devons mener une politique d’affirmation identitaire décomplexée. Mais surtout, il est temps de réduire les seuils d’immigration.




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