Hydro-Québec peut-elle jouer au bon samaritain envers la dette du Nouveau-Brunswick

Tribune libre

1. Rappelons-nous le geste du bon samaritain: il est descendu de sa monture pour y installer un inconnu en mauvaise condition et l’amener au prochain dispensaire pour qu’il soit soigné à ses frais. Oups: soigné à ses frais ! Le Québec sortira-t-il gagnant de cette transaction encore à l’étape d’une lettre d’intention?
Pour le gouvernement de Shawn Graham, il pensait jouer la carte de l’annulation d’une partie de la dette du Nouveau-Brunswick et le gel des tarifs durant 5 ans pour faire passer la pilule. Et pour Jean Charest, il a répété et répété que par cette transaction, la 2e en date du 20 janvier 2010, Hydro-Québec (HQ) acquérait des “actifs de qualité”. Dans le cas des “actifs de qualité” d’Énergie NB, ce qui surprend le plus en regardant les états financiers et la ligne des bénéfices(pertes) depuis une décennie, les bénéfices sont minces, 70 millions en 2008, et pires avant. Il serait surprenant de trouver derrière ces chiffres des “actifs de qualité” pour une entreprise en situation de monopole affichant aussi peu de bénéfices par année.

2. Regardons de plus près quelques “actifs de qualité”
faisant partie de la 2e entente au prix de 3,2 milliards de $.
a) la centrale nucléaire de Point Lepreau: combien $ ?
b) parmi les 9 autres centrales concernées par l’entente, parlons des 7 centrales hydrauliques sur le fleuve St-Jean: combien ça vaut ?
a) la centrale nucléaire de Point Lepreau, soeur jumelle de Gentilly-2. HQ s’apprête à payer 1,4 milliard de $ pour une centrale nucléaire à la fin de la rénovation et si elle est opérationnelle. Point Lepreau vaut-elle ce prix ? Selon une source bien informée,
Point Lepreau est en rénovation et affiche beaucoup de retard pour la mise en route et des dépassements de coûts. Chaque jour de retard génère un coût de un million et la facture est rendue à 500 millions de $. Et la mise en route est prévue pour novembre 2011. Un coût annoncé et conservateur de sa soeur jumelle Gentilly-2 est de 2 milliards de $. Les vendeurs de centrales Candu parlent d’un prolongement de vie de ces centrales de 25 ans. Selon ma source, la centrale Point Lepreau a bien fonctionné sans problème durant 10 ans ce qui équivaut à un facteur de -60% par rapport aux promesses. Revenons aux chiffres accumulés pour Point Lepreau: 1,4 milliard de rénovation plus 500 millions de coûts de remplacement pour les jours de retard et ont approche les 2 milliards.
Appliquons maintenant l’ajustement de -60% pour le 10 ans au lieu du 25 ans, et on arrive avec une valeur de 800 millions de $ pour une centrale qui soit en état de marche au lieu du 1,4 milliard annoncé. Mais, oui, il y a un “mais” quant on touche à du nucléaire Candu: ce n’est pas la cadillac du nucléaire dans le monde et il y a le gros problème de la disposition des déchets irradiés produits par une centrale. Les vrais coûts du nuclèaire candu ne sont pas connus. Et, c’est pour des raisons sociales, pour sauver des emplois, qu’autant le gouvernement du Nouveau-Brunswick que celui du Québec décident de rénover leur centrale nucléaire respective. Mais, n’essayer pas de connaître le vrai coût total d’une centrale et par conséquent vous ne pouvez pas savoir le coût unitaire du kWh produit par le nucléaire. On avance dans la brume. Malgré tout, HQ doit-il inclure la centrale Lepreau et quel juste prix doit-il payer ?
Juste pour vous refroidir envers le nucléaire, faites une recherche sur internet aux deux mots suivants: “tchernobyl”: un réacteur brise, les 4 sont sarcophagés, et Three Mile Island en Pennsylvanie: un réacteur brise et la centrale est fermée. Sur ce dernier site, quatorze (14) ans ont été nécessaire pour terminer la décontamination occasionnée par l’accident. La question la plus importante à se poser est: pourquoi ces centrales ont brisée ? Des heures de plaisir.

b) parmi les 9 autres centrales concernées par l’entente, parlons des 7 centrales hydrauliques sur le fleuve St-Jean: combien ça vaut ? Sur le 3,2 milliards de $ annoncé, après avoir disposé du 1,4 milliard de $ pour Point Lepreau, il reste 1,8 milliard pour quoi ?

b.1: parlons du droit “prioritaire” de transporter de l’électricité sur les “grosses” lignes disons existantes. Une petite remarque en passant: les lignes existantes sont-elle utilisées à pleine capacité actuellement ? Si oui, il faut un certain temps pour en construire de nouvelles, cf ma source.
Combien ça vaut? Par comparaison, ayons à l’esprit une compagnie de transport du Québec qui veut faire circuler ses camions sur les routes du Nouveau-Brunswick. Combien cela coûte-t-il pour circuler au Nouveau-Brunswick? En coûts directs, c’est zéro s’il n’y a pas de péage mais il faut payer les permis par camion. Les coûts indirects sont plus importants pour satisfaire la réglementation de la route au Nouveau-Brunswick. Pour l’électricité, ça se ressemble. Si vous empruntez les lignes de transport, vous payez des frais de passage à la quantité et à la durée. Faisons un petit calcul pour l’année 2008: on dit qu’HQ a fourni le tiers des besoins en électricité du Nouveau-Brunswick: 14 TWh (milliards de kilowattheure) X 1/3 = 4,6 TWh. Si le coût de transport est de 1c / kWh, cela aurait coûté en 2008 à Hydro-Québec 46 millions de $. Mais, en 2008, nous faisons l’hypothèse qu’HQ livrait son électricité FOB à la frontière du Québec avec le Nouveau-Brunswick et il n’a pas eu à payer ces frais de passage. Sauf, qu’avec la 2e entente du 20 janvier 2010, HQ s’engage à livré 14 TWh au prix livré au compteur (sauf erreur comme disait René Lévesque) de 7,35 c/kWh. Alors, HQ devrait payer un droit de passage. Doit-il payer en sus pour obtenir une priorité? Avec les marchés nord-américains déréglementés depuis 1998 alors qu’il ne doit pas exister de priorité pour un producteur externe au propriétaire des lignes afin de respecter une libre concurrence au niveau du prix, je crois qu’HQ ne doit pas payer un sous avant de passer sur les lignes.

Donc il reste 1,8 milliard de $ pour 7 centrales hydrauliques sur le fleuve St-Jean: combien cela vaut-il? J’accorde une valeur proche du zéro (la valeur serait négative avec un coût de 100$ la tonne pour l’émission de CO2) pour les 2 centrales thermiques.
J’ai devant moi la liste de ces 7 centrales avec leur année originale de mise en service et leur puissance en MW. La puissance totale est 895 MW. Faisons quelques statistiques en plaçant en série croissante les 7 chiffres des puissances respectives. La puissance médiane est 20MW centrale Tobique, les 3 plus petites centrales style minis ont respectivement 4 , 9 et 11 MW. La plus puissante centrale est celle appelée Mactaquac mise en service originalement en 1968 et possède 672 MW de puissance avec 6 alternateurs. À elle seule, cette centrale représente 75% de la puissance des 7 centrales hydrauliques sur le fleuve St-Jean. Combien ça vaut ? Il nous manque des données techniques comme une inspection technique attentive de chacun des “actifs de qualité” annoncé par Jean Charest. Cependant, faisons un pas de plus pour étalbir sa juste valeur. J’ai lu que le barrage Mactaquac est atteint d’une maladie du béton appelé “réactif alcali agrégats” ou gonflement du béton. Ce n’est pas une explosion garantie, mais le béton se dégrade lentement. À la limite de cette maladie, il reste à démolir et à reconstruire. Allez sur internet et tapez les 3 lettres RAG en français. Plein de documents. Pour établir la valeur d’une telle oeuvre d’art de génie, selon un principe de précaution, on suggère de couper par 50% la vie utile restante de ce barrage. Sa vie entière est estimée à 80 et en 2010, il a 42 ans. Sa vie restante est donc de 38 ans X 50% = 19 ans. Combien ça vaut?
Je crois que ça ne vaut pas 1,8 milliard de $. Des experts d’HQ doivent rendre publique leurs chiffres.

Dernière considération: Jean Charest doit être honnête avec les québécois. Il a annoncé à chaque entente, celle du 29 octobre 2009 et celle du 20 janvier 2010 qu’on pouvait dormir sur nos 2 oreilles avec un tel projet parce qu’il nous garantit un rendement de 10% la première année. Monsieur Charest peut-il nous dire en dollars à quoi correspond ce 10%. Si Monsieur Charest sait où il s’en va et nous avec lui, qu’il donne le chiffre. Tout le monde qui a fini son secondaire est capable de comprendre l’équivalent de 10%. Tout dépend de la référence utilisée pour calculer le 10%.
Mais, malheureusement pour les québécois, Monsieur Charest a prouvé dans le passé récent que des milliards de perte, c’est impossible à prévoir. C’est sûr que 3,2 milliards de $, c’est beaucoup moins que quarante.
La lumière doit être faite sur ce projet de transaction avant la signature du contrat prévue en mai 2010. Il existe des alternatives pour HQ qui veut vendre ses surplus d’électricité, mais pas à n’importe lequel prix. L’entente qui nous est présentée n’est pas la seule solution et beaucoup d’autres questions que celles soulevées ci-dessus demeurent. À suivre.
28 février 2010. François A. Lachapelle


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2 commentaires

  • Philippe Giroul Répondre

    1 mars 2010

    Énergie Nouveau-Brunswick : Du sable dans l’engrenage
    Les Québécois, en dormance totale, sont en train de se faire passer un gros sapin en étant maintenus dans l’ignorance de toute cette affaire dite commerciale.
    Le pire dans ce dossier controversé d’achat d’Énergie Nouveau-Brunswick par Hydro-Québec, c’est le projet d’acquérir la vieille centrale nucléaire de Pointe Lepreau qui n’est qu’un vieux bazou qu’on est en train de revamper à coûts de plusieurs milliards avec des retards incontrôlables et cela sans être certain qu’elle fonctionnera le temps prévu (25 ans). En effet, 4 centrales nucléaires Candu en Ontario qui ont subi le même traitement n’ont fonctionné que 7 ans en moyenne. De plus, la réfection de cette centrale nucléaire à la technologie dépassée se fait selon les anciennes normes de sécurité d’avant juin 2008 et ne tient pas compte des 16 problèmes techniques non résolus à cette date, dévoilés par la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN). Pourquoi y aurait-il un miracle à Pointe Lepreau?
    Dans cette prétendue aubaine de 1,4 milliard patentée par les nucléocrates d’Hydro-Québec et avec l’aval du gouvernement libéral, il y a un aspect que personne ne semble prendre en considération dans la décision d’acquérir ou non la centrale nucléaire de Pointe Lepreau, c’est-à-dire les 5000 tonnes de déchets de combustibles irradiés qui s’ajouteront en bonus à cette transaction. Coût de gestion de ce cadeau empoisonné : 5 milliards de dettes que les générations futures devront assumer à perpétuité. Cette évaluation exclut d’ailleurs tous les autres déchets radioactifs résultant des activités d’opération de réfection et de déclassement du site nucléaire à la fin de sa vie utile. Magnifique legs intergénérationnel!
    Au Nouveau-Brunswick, les citoyens ont la chance de pouvoir être informés adéquatement sur cette affaire car on leur donne un délai pour un débat public. Ici au Québec, malgré un avis en ce sens du BAPE 2005, aucun débat public n’est en vue ; c’est le silence total devant ce manque de transparence du gouvernement. Même l’opposition officielle reste très timide dans ce dossier, démontrant même une certaine incohérence inquiétante quand on sait sa position du 11 décembre où elle s’est déclarée contre le projet de reconstruction de Gentilly-2.
    La semaine dernière, l’Ontario a décidé de mettre au rancart les 4 réacteurs Candu à son site nucléaire de Pickering B. Au Vermont, c’est le même scénario avec leur seul réacteur nucléaire. Au Québec, H-Q et notre gouvernement persistent à maintenir leur mauvaise orientation d’acquérir le réacteur nucléaire de Pointe Lepreau, les deux mains sur le volant et avec des grandes œillères en voulant gaspiller des milliards pour satisfaire le lobby nucléaire.
    Il est temps de se réveiller et demander des comptes au gouvernement avant qu’il ne nous précipite à nouveau dans un gouffre financier inadmissible comme cela s’est passé avec la caisse de dépôt. Notre dette en pourcentage du PIB étant la cinquième plus élevée au monde et la première au Canada, ce n’est vraiment pas le temps de s’endetter davantage en voulant acquérir Pointe Lepreau. On n’a pas besoin de ces investissements gaspillés dans le nucléaire. Il vaudrait mieux les rediriger dans des énergies plus rentables et socialement acceptables afin de dynamiser et moderniser les secteurs de la conservation énergétique, de l’efficacité énergétique et de la production d’énergies renouvelables et décentralisées. Cela vivifierait une économie plus saine et créatrice d’emplois sur l’ensemble du territoire Québécois.
    Philippe Giroul
    Trois-Rivières

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    28 février 2010

    «Hydro-Québec peut-elle jouer au bon samaritain envers la dette du Nouveau-Brunswick?»
    Une chose est certaine: ce n'est certes pas cela, le mandat d'Hydro-Québec!
    Je croyais que René Lévesque avait nationalisé la production d'électricité, au Québec, pour que notre électricité nous coûte moins cher, et que les entreprises québécoises, aussi, puissent payer l'un de leurs frais fixes, pas trop cher, ceci contribuant à les rendre compétitives...
    Sous le règne de Johnny Charest, Hydro-Québec sert à.... à quoi, au fond? À réaliser des profits sur le dos de notre population, pour vendre de l'électricité à rabais à d'autres provinces canadiennes?