Hôpitaux universitaires: la facture gonfle, le projet rétrécit

Réunis hier soir en assemblée extraordinaire, les médecins spécialistes ont décidé de monter au front et de relancer le débat sur le CHUM.

CHUM


Le budget de modernisation des trois centres hospitaliers universitaires de Montréal - CHUM, McGill et Sainte-Justine - a été fixé à 3,6 milliards, mais les coûts atteindront les 4 milliards en raison de l'augmentation des prix de la construction non résidentielle, selon les dernières données fournies par Statistique Canada. Ce dépassement de 400 millions n'a pas été prévu dans les budgets, établis il y deux ans et maintenus tels quels depuis.

Le ministère de la Santé trompe la population lorsqu'il présente de faux coûts d'inflation, affirme un comptable agréé à qui La Presse a soumis les documents de planification. «La réalité est là, et les responsables du Ministère la nient, a dit ce gestionnaire d'un important hôpital, qui a demandé de taire son nom. Ou bien les budgets seront défoncés ou, plus vraisemblablement, les services seront réduits.»
Dans un document envoyé aux députés le printemps dernier, le bureau de modernisation des trois CHU, qui relève du ministère de la Santé, continue d'affirmer que les trois projets coûteront 3,6 milliards de dollars, soit 1,51 milliard pour le Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM), 1,58 milliard pour le Centre de santé McGill (CUSM) et 503 millions pour l'hôpital Sainte-Justine. Les chiffres sont exprimés en dollars de 2004.
«Compte tenu de la tendance à la baisse de la courbe inflationniste en 2006, un taux d'inflation annuel moyen de 2,5% a été utilisé pour calculer la provision (pour inflation)» entre 2004 et 2008, écrit Clermont Gignac, directeur exécutif du bureau de modernisation, dans ce document adressé aux députés membres de la Commission permanente de l'administration publique, à la fin du mois de mai.
En vérité, au premier trimestre 2008, les prix ont grimpé de 6,2% (et non de 2,5%) dans la construction non résidentielle à Montréal. Selon les calculs faits par une économiste de Statistique Canada, à la demande de La Presse, la provision budgétaire pour l'augmentation des coûts des trois CHU depuis 2004 devrait être de 700 millions, et non de 308 millions.
C'est le député Bernard Drainville, critique du Parti québécois en matière de santé, qui a posé le plus de questions à M. Gignac concernant les calculs de l'inflation lors de la commission de l'administration publique, en avril. «Est-ce qu'on peut parler d'un projet de 4 milliards?» avait-il demandé.
«Vous voulez me faire dire que le projet va coûter plus que 3,6 (milliards), puis je ne vous le dirai pas», a répondu M. Gignac, qui reconnaissait pourtant que «on a des taux d'indexation ici qui sont autour de 4% dans la construction» et non de 2,5% comme il l'affirme dans ses propres documents budgétaires.
«On se demande pourquoi le gouvernement Charest continue à soutenir que les trois hôpitaux ne coûteront pas plus cher, alors qu'ils dépasseront largement les 4 milliards», a dit M. Drainville, au cours d'un entretien hier, en rappelant que l'inflation va continuer à courir d'ici à la première pelletée de terre.
«Je ne sais pas pourquoi le gouvernement nous trompe de cette façon-là. Craint-il que l'opinion publique lâche le projet de modernisation, de crainte que ça devienne un énorme éléphant blanc? De deux choses l'une: ou Yves Bolduc (ministre de la Santé) nous explique où il va trouver l'argent, ou encore qu'il nous dise quels services il va enlever. S'il a l'intention de confier au secteur privé une partie des soins qui devait être au CHUM, qu'il ait donc l'honnêteté de nous le dire.»
La preuve est en train de se faire que le gouvernement ne profite d'aucune économie en réalisant ces énormes projets selon le mode du partenariat public privé (PPP), dit-il. «Le ministère de la Santé du Royaume-Uni a indiqué aux dirigeants du CHUM et du CUSM qu'il ne faut pas aller en PPP pour des projets d'hôpitaux qui dépassent le milliard de dollars, parce que c'est beaucoup trop complexe. Pourtant, c'est la voie qu'a choisie le gouvernement québécois. Il joue gros avec les deniers publics.»
Le bureau de modernisation des trois CHU continue-t-il de prévoir des dépenses de 3,6 milliards malgré une inflation beaucoup plus importante que prévu? «Ce sont toujours nos cibles budgétaires, a répondu la porte-parole, Julie Masse. Bien sûr, l'inflation est un élément qu'on ne contrôle pas... Au moment où l'inflation a été calculée, c'était en prévision qu'on fasse les projets en mode conventionnel (en régie publique). Maintenant qu'on va en PPP, la donne est un peu différente.»
Est-ce que les budgets vont être augmentés ou y aura-t-il une diminution des constructions? «Ça peut être un peu de tout», a-t-elle répondu
Marie-Ève Bédard, porte-parole du ministre Yves Bolduc, a dit qu'il faudra attendre le lancement des appels de propositions en PPP pour connaître le coût final. «Aussi longtemps que le partenaire privé n'a pas ouvert l'enveloppe, on ne peut pas arrêter le montant total d'un projet... Le coût total n'est pas déterminé de façon absolue. On parle d'estimations.»
L'inflation a été sous-estimée
Les prévisions budgétaires du ministère de la Santé pour la modernisation des trois centres hospitaliers universitaires de Montréal, établies à 3,6 milliards, sont fixées en dollars de 2004. Les planificateurs ont inclus une provision pour inflation de 308 millions en calculant un taux d'inflation annuel moyen de 2,5% de 2004 à 2008. En vérité, il aurait fallu calculer une provision de 700 millions.
Voici l'évolution des prix de la construction de bâtiments non résidentiels à Montréal à chaque premier trimestre depuis la fin de 2004 :
5,5% en 2005

4,6% en 2006

2,6% en 2007

6,2% en 2008
Source : Statistique Canada
L'équipe de Cyberpresse vous suggère :

Le CHUM rapetisse à vue d'oeil

Une naissance houleuse

Les médecins montent au front

Featured 0ced421a00fe15db0b0c67ec79524073

André Noël30 articles

  • 20 107

André Noël a étudié en géographie à l'Université de Montréal et en journalisme à Strasbourg. Après avoir été rédacteur à la Presse canadienne, il est entré à La Presse en 1984. Il a toujours travaillé dans la section des informations générales, où il a mené des enquêtes très variées.





Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé