Un gouvernement en crise

Hommage au Devoir

Hasta la victoria !

Chronique de Richard Le Hir

ENFIN ! Oui, enfin ! Je commençais sérieusement à me demander si ce n’était pas moi qui étais porté à réagir démesurément devant l’avalanche de faits troublants qui nous tombent sur la tête depuis que Jean Charest a pris les rênes au Québec. L’affaire Bellemare, bien sûr, mais aussi toutes les autres qui nous amènent à nous interroger au profit de qui ce gouvernement exerce le pouvoir.
De jour en jour depuis le 30 novembre 1998, il s’est produit un glissement, au tout début imperceptible, puis de façon de plus en plus marquée, dans les bénéficiaires de l’exercice du pouvoir, d’abord la population, puis ensuite une foultitude d’intérêts privés qui en sont venus à parasiter complètement le système.
Contributions politiques, allers-retours des cabinets politiques au secteur privé, noyautage par les « amis » de toutes les structures du pouvoir, détournement de la finalité des grandes institutions que sont la Caisse de dépôt et placement et Hydro-Québec, transactions douteuses au bénéfice d’intérêts privés (Gaz Metro), mainmise de la mafia sur le processus des appels d’offres publics dans la construction, liens suspects du pouvoir avec les dirigeants d’agences de sécurité qui obtiennent de lucratifs contrats du secteur public... Même les garderies n’ont pas échappé à la rafle systématique des profiteurs du système.

Aujourd’hui enfin, Le Devoir, dans un sursaut d’indignation, pose un geste rare et courageux en sur-titrant sa première page avec la mention « UN GOUVERNEMENT EN CRISE ». Il faut maintenant espérer qu’il répètera ce geste jusqu’au dénouement de cette crise qui ne peut venir qu’avec la démission du gouvernement Charest et la tenue d’élections générales.
Le fait que ce soit un journal qui ait à poser un geste à si haute valeur symbolique nous oblige à nous interroger sur la faiblesse de l’Opposition officielle dans toute cette affaire.
Elle n’est pas parvenue à mordiller plus haut que les jarrets. Agacer, picosser, oui. Terrasser, non. Il faut espérer qu’elle saura saisir cette perche tout à fait inattendue que vient lui tendre Le Devoir.
À ceux qui seraient tentés de croire que le départ de Jean Charest devrait suffire, il faut rappeler que Jean Charest n’est que la figure de proue d’un énorme système, une véritable pieuvre qui a étendu ses tentacules à tous les niveaux. Le départ de Jean Charest, devenu le symbole de toutes nos frustrations devant cette situation, permettra de changer l’air pendant une semaine ou deux, mais la pieuvre sera toujours là. Elle aura tout simplement pris un autre visage.
Il y a un an commençaient à s’élever des voix en faveur d’une enquête sur les liens entre le pouvoir et l’industrie de la construction. Cette enquête demeure plus que jamais nécessaire, mais ce ne peut pas être la seule. Non plus est-il possible de fondre cette enquête-là avec une enquête plus large sur les liens entre le pouvoir et les intérêts privés.
Dans le cas de l’industrie de la construction, c’est l’infiltration de la mafia qu’il faut faire ressortir, avec son cortège de corruption, de trafics illicites, de blanchiment d’argent et de méthodes fortes.
Dans le cas des intérêts privés, les méthodes employées sont beaucoup plus douces, et la corruption prend le visage du monde ordinaire, autant dire de nous tous. Le questionnement qui résulterait de cette deuxième enquête nous interpellerait bien davantage que le premier et nous obligerait à repenser nos valeurs en profondeur, un exercice qui serait particulièrement salutaire à cette étape de notre histoire.
Et l’indépendance dans tout ça ? L’indépendance est un autre chantier, et le déroulement des événements est en train de nous apporter une autre preuve de la nécessité absolue pour ceux qui croient en sa nécessité de se mettre à l’oeuvre pour la faire eux-mêmes. Dans les années qui viennent, le gouvernement aura d’autres chats à fouetter. Le seul espoir qui reste, c’est de lui présenter l’indépendance sur un plateau d’argent, toute prête à être mise en oeuvre. Il s’en attribuera le mérite. Et puis après...


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8 commentaires

  • Frédéric Picard Répondre

    4 septembre 2010

    Un état est le monopole de la violence légitime sur un territoire donné.
    Légitime, ici, n'est pas un terme utilisé pour désigner les sondages, la nouvelle du jour ou l'opinion de ses adversaires.
    Dans le cadre de la ”démocratie” québécoise, légitime veut dire élu. Or le mandat d'un député est de 5 ans. Pour ce qui est de John James Charest, il sera légitime jusqu'au 8 décembre 2013.
    Le bon peuple a décidé d'élire cette ordure et de dire non 2 fois a la liberté ? Ça serait déresponsabiliser les gens des impacts de leurs gestes, de leurs choix, que de révoquer John James Charest. Ils l'ont choisit, qu'ils vivent avec. Avec les deux référendums négatifs aussi. Qu'ils vivent avec tout ça...
    En particulier avec notre autocratie-élective-indirecte.

  • Jacques A. Nadeau Répondre

    3 septembre 2010

    @ M. Le Hir,
    Si vous le voulez !
    Jacques A Nadeau
    Montréal

  • Archives de Vigile Répondre

    3 septembre 2010

    Voici un commentaire, frustrant, oui, mais après réflexion, avec pas mal de vérités:
    "Pôvres Québecois
    Vous me faites penser à une tribu africaine dans le temps de la colonisation qui se fait exploiter et qui ne va à nul part avec vos chefs de bandes.
    Depuis 7 ans John-James vous ment avec un cynisme insupportable. Il y avait l'intermezzo du petit despote Mario. Mais votre intelligentsia a fait un bon boulot pour le radier le la carte. Et votre Pauline est aussi immaculée comme les couches d'un bébé après une semaine.
    Sans la protection du Canada vous serez au niveau du San Salvador - dans les meilleurs cas.
    Je ne vous envie pas. Chaque peuple mérite le régime qu'il a. Et dans 3 semaines M Fournier sera élu avec 79% d'appui au lieu de 85%.
    A chaque année une armée de "politologues" quitte vos universités sans que vous vous êtes rendu compte que le système démocratique britannique est du poisson pour un peuple qui a appris de suivre aveuglement comme un lemming son curé, son seigneur ou son chef de bande.
    Continuez joyeusement à chialer, la démocratie peut attendre.
    Hans
    Shediac, NB"
    Suite à l'article " *
    Un gouvernement en crise - Les schistes, une filière libérale?" dans le Devoir http://www.ledevoir.com/politique/quebec/295522/un-gouvernement-en-crise-les-schistes-une-filiere-liberale
    Sommes-nous vraiment rendu là? Aussi bas?

  • Archives de Vigile Répondre

    3 septembre 2010

    J'ai passé une partie de l'été au Québec, mais je n'ai pas trop suivi la politique. Je suis revenu chez-moi hier et je suis allé chercher mon chat chez la gardienne. Premièrement, mon chat, de toute évidence, ne se souvenait pas de moi, et de retour à la maison, il a tourné en rond et puis en rond et puis encore en rond sans trop comprendre ce qui se passait. Après quelques heures, il s'est couché sur le divan, indifférent.
    Et je me suis dit: "Pas trop dépaysant du Québec, où la plupart des habitants oublient très rapidement et tourne en rond depuis des années."
    Du reste, oui, jel'espère bien que le Devoir va répéter "ce geste" jusqu'au dénouement de la crise, mais il faut aussi se demander: combien de fois et pendant combien de temps faut-il répéter pour que ça rentre dans la caboche? Mon chat, qui a trois ans, j'ai bien beau lui répéter des millons fois de ne pas monter sur le divan, il monte toujours.
    "Le citoyen moyen est un peu con, c'est vrai." Pierre Foglia dans "Les valises"
    http://www.cyberpresse.ca/chroniqueurs/pierre-foglia/201009/01/01-4311832-les-valises.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B40_chroniqueurs_373561_accueil_POS2
    Et dans cet article,il écrit aussi:
    "Le gouvernement prend le citoyen pour une valise. Au-delà de sa trivialité, l'expression suggère très justement un contenant vide - le citoyen - qu'on va remplir d'informations ni fausses, ni vraies, mais utiles à la bonne gouvernance. Utiles à l'élite éclairée qui mène les affaires de l'État."
    Mais une franche de ces citoyens l'ont élu 3 fois ce gouvernement. Les valises sont "lourde" et s'en est insoutenable pour les êtres plus intelligents qui refusent de se faire remplir.
    Non, Mr. Le Hir, ce n'est pas juste vous. Quand je vivais encore au Québec, j'avais justement l'impression d'être une valise dans une soute à bagage d'un avion souillé sur un tarmac plein de mauvaises herbes.
    J'ai une question: Si une franche de la population s'imagine en fait faire partie de cette élite éclairée, que tout le monde s'imagine être dans l'avion, en première classe, vous voyez? Et pourtant, Dieu sait que dans le cockpit il y a les grands capitalistes et banquiers, puis en première classe le gouvernement, puis en classe affaires les "asphalteux" et "martocheux", puis en classe économique les fonctionnaires avec les syndicats qui trinquent. Ah oui, y'a les Elvis Gratton qui, pour ne pas être dans la soute, font les hôtesses de l'air. Finalement, y'a nous, il popolo, dans la soute, avec les chats et les chiens.
    Je me pose cette question, car je ne veux pas me dire que, vraiment, le Québécois est né pour un petit pain, qu'il est un colon masochiste à la vie à la mort. Non, je ne veux pas.
    Et puis maintenant que j'ai nourri mon chat de viande en sauce, de lait à la température de la pièce et que j'ai joué avec lui quelques minutes, il se frotte sur moi et me lèche la main tendrement. Puis je me dis, c'est ça, il se souvient de moi maintenant.

  • @ Richard Le Hir Répondre

    3 septembre 2010

    Réponse @ Jacques A Nadeau
    Monsieur Nadeau,
    C'est une chose pour nous d'en placoter à la pause-café, autour d'une table de cuisine ou dans un salon, c'en est une toute autre pour une institution qui se veut responsable et objective de se commettre par écrit d'une façon aussi spectaculaire. Cette manchette vaut 25 éditoriaux dans autant de médias différents.
    Ne mégotons pas notre satisfaction de la voir enfin apparaître, même si nous jugeons que le geste aurait pu être posé plus tôt. Ce message nous signifie qu'il est devenu évident pour tout le monde que la coupe est pleine. Vous n'êtes pas d'accord avec ça ?
    Richard Le Hir

  • Jacques A. Nadeau Répondre

    3 septembre 2010

    «Aujourd’hui enfin, Le Devoir, dans un sursaut d’indignation, pose un geste rare et courageux en sur-titrant sa première page avec la mention « UN GOUVERNEMENT EN CRISE » - Richard Le Hir
    Eh bien, oui ! Si on est rendu au point où c'est Le Devoir qui pose un tel geste, je crois, sans aucune possibilité de faire erreur, qu'on ne risque vraiment plus rien à conclure que toute la population du Québec a déjà, depuis des mois, constaté que le gouvernement est en crise. Quel courage ! Bravo !
    Jacques A Nadeau
    Montréal

  • Archives de Vigile Répondre

    3 septembre 2010

    Nathalie «Baby Drill» Normandeau nie que le gouvernement et l'industrie du gaz de schiste entretiennent des liens incestueux.
    J'ai la conviction que le gouvernement libéral Charest est le maquereau de service de l'Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ).
    On dirait que le Parti Libéral du Québec prend les québécois pour des cons.Nous aurons la mémoire en 2013 de lui faire cadeau du statut d’Opposition au gouvernement de l’Honorable Première Ministre Mme Pauline Marois,chef de l’UNIQ .

  • Archives de Vigile Répondre

    3 septembre 2010

    En complément de lecture,je vous invite à lire le texte de Marius Morin SUR VIGILE et les commentaires associés.
    « La frénésie autour des gaz de schiste »
    http://www.vigile.net/La-frenesie-autour-des-gaz-de