Harper place un ex-lobbyiste des pipelines à l’ONE

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La garantie des résultats souhaités






Un peu moins de deux jours avant le déclenchement de la campagne électorale, le gouvernement Harper a nommé sans tambour ni trompette un consultant de la société pipelinière Kinder Morgan, Steven Kelly, à l’Office national de l’Énergie (ONE).


 

M. Kelly sera membre à temps plein de l’ONE pour un mandat de sept ans à compter du 13 octobre 2015, a annoncé le ministre fédéral des Ressources naturelles, Greg Rickford, le vendredi 31 juillet dernier.


 

L’ingénieur occupait encore tout récemment le poste de vice-président d’IHS Global Canada ltée. Cette firme basée à Calgary a été appelée en renfort il y a deux ans par Kinder Morgan afin de faire l’ébauche d’une analyse économique justifiant l’accroissement de la capacité du pipeline Trans Mountain sillonnant l’Alberta et la Colombie-Britannique (de 300 000 à 890 000 barils par jour). À l’automne 2013, M. Kelly a lui-même soumis le document de plus de 200 pages à l’ONE vantant les mérites du projet de 5,4 milliards de dollars, qui entraînerait un afflux de 400 pétroliers dans le port de Vancouver par année, plutôt que 60 pétroliers à l’heure actuelle.


 

Deux ans plus tard, l’ex-lobbyiste pourrait être appelé à autoriser ou à rejeter les projets de construction de pipelines au Canada, après avoir démêlé leurs impacts économiques et environnementaux.


 

M. Kelly demeurera à l’écart des travaux de la commission chargée d’étudier le projet de pipeline Trans Mountain de Kinder Morgan, soutient l’ONE. « Il n’aura pas d’influence sur ce panel-là. Celui-ci est d’ailleurs déjà établi », a fait valoir le coordonnateur du bureau de Montréal de l’ONE, Steven Rowe, dans un entretien téléphonique avec Le Devoir.


 

L’ancien v.-p. d’IHS Global Canada ltée ne se mêlera pas non plus de l’examen du projet Énergie Est de TransCanada, qui vise à acheminer quotidiennement quelque 1,1 million de barils de pétrole issu des sables bitumineux albertains à travers un oléoduc d’environ 4600 kilomètres vers le Québec et le Nouveau-Brunswick, ajoute M. Rowe.


 

« Tricky Kelly »


 

Le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, a déploré la nomination de M. Kelly à l’ONE « juste à la veille » du coup d’envoi de la campagne électorale. « Cette nomination partisane n’a aucun bon sens », affirme-t-il au Devoir.


 

Après « Tricky Dicky », surnom péjoratif donné à l’ex-président états-unien Richard Nixon, le gouvernement Harper présente à la population canadienne « Tricky Kelly », lance-t-il.


 

D’ailleurs, le premier ministre sortant, Stephen Harper, a organisé une véritable « mascarade » de nominations controversées au fil des neuf dernières années. « Le cas le plus célèbre ayant été [Arthur] Porter, hein, le gars qui surveille le Service canadien du renseignement de sécurité qui est en même temps ambassadeur plénipotentiaire de la Sierra Leone, pays bien reconnu pour son respect de la démocratie », poursuit-il au téléphone.


 

Selon lui, M. Harper — un pro-pétrole « peu importe les conséquences » « pose les conditions pour avoir les résultats qu’il veut », c’est-à-dire un feu vert à tout projet de développement du pétrole de l’Ouest canadien.


 

« On ne peut accepter que ce soit Calgary ou Ottawa qui décide ce qui va se passer sur le territoire québécois », martèle M. Duceppe. Selon lui, la décision d’autoriser le pipeline Énergie Est doit incomber non pas à l’ONE ou à Ottawa, mais au gouvernement du Québec et à l’Assemblée nationale, après un examen du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE).


 

« Le jupon dépasse »


 

Pour le Nouveau Parti démocratique, M. Kelly n’a « évidemment » pas sa place à l’ONE. « Comment peut-on avoir confiance en l’Office national de l’énergie, s’il est obligé de [faire avec] des gens qui ont un parti pris aussi évident [en faveur de l’industrie pétrolière] ? », s’interroge le député sortant de Longueuil–Pierre-Boucher, Pierre Nantel. À ses yeux, « le jupon [de l’ONE] dépasse ».


 

M. Nantel accuse le gouvernement conservateur d’avoir nommé des individus « qui n’ont pas la crédibilité et la neutralité nécessaires » dans différents organismes fédéraux pour des considérations « bassement partisanes ».


 

Son chef, Thomas Mulcair s’est engagé à modifier le processus d’examen environnemental des projets d’oléoducs et de gazoducs si le NPD prend les rênes du pouvoir le 19 octobre prochain. Le chef libéral, Justin Trudeau, a aussi promis de revoir les façons de faire à l’ONE.


 

L’entourage du ministre sortant Greg Rickford a rejeté net les allégations du Bloc québécois et du NPD, plaidant que M. Kelley a été désigné à l’ONE au terme d’un « concours fondé sur les compétences ». « Le savoir-faire de M. Kelly, dans la pratique, en ce qui a trait aux ressources énergétiques traditionnelles ou non traditionnelles, ainsi que ses connaissances techniques et commerciales des marchés nord-américains et mondiaux en font un ajout précieux au sein de l’Office », souligne-t-il dans un courriel.


 

À Québec, le Parti québécois a déploré une « nouvelle nomination partisane et pro-pétrole » à l’ONE. « Ça ne fait que renforcer nos doutes sur l’impartialité de l’organisme [qui est notamment chargé de l’examen du projet Énergie Est de TransCanada] », a affirmé l’attachée de presse de l’opposition officielle à l’Assemblée nationale, Antonine Yaccarini. Le PQ presse le gouvernement libéral de ne pas « s’en remettre au gouvernement fédéral et aux organismes fédéraux pour décider de l’avenir énergétique du Québec ».







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