Haïti: l’éternel recommencement

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Corruption systémique, hyper violence, manque de sens civique : une île qui aurait du rester dans le giron de la France, comme la Martinique ou la Guadeloupe

L’expression plus ça change, plus c’est pareil est probablement la meilleure pour illustrer la situation en Haïti. Nouveau gouvernement. Promesse de lutter contre la corruption. Et inévitablement c’est le contraire qui se produit. Sauf que là, la population en a assez et elle demande des comptes. Elle demande aussi la démission du président Jovenel Moïse.


Ces dernières semaines, des manifestations violentes ont éclaté en Haïti pour réclamer que la lumière soit faite sur des allégations de corruption à grande échelle impliquant des membres du gouvernement, passé et présent. On les soupçonne d’avoir détourné de l’argent du fonds PetroCaribe pour… faire tout sauf ce pour quoi cet argent est disponible.


«Les récentes manifestations sont venues se greffer en fait sur d’autres manifestations», explique Roromme Chantal, professeur adjoint de sciences politiques à l’Université de Moncton.


En campagne électorale, Jovenel Moïse avait promis de mettre de l’argent dans les poches des Haïtiens et de la nourriture dans leurs assiettes. Or, lorsque le gouvernement a proposé dans un budget en juillet dernier d’augmenter le prix des carburants, l’idée a été plutôt mal reçue du côté de la population. Des manifestations avaient éclaté pour demander à ce que le gouvernement démissionne et le premier ministre a effectivement quitté son poste.


Cette crise passée, une autre s’est pointée le bout du nez au moment où un Haïtien publie une photo de lui, les yeux bandés, tenant une affiche sur laquelle il est écrit en créole: «Où est passé l’argent de PetroCaribe?» Il s’agit du début du mouvement citoyen contre la corruption.


«Au lieu d’apporter des réponses concrètes aux problèmes auxquels est confronté le pays, on a découvert qu’il avait une comptabilité publique qui était discutable et que les mêmes choses qu’on reprochait à ses prédécesseurs, il s’y donnait allègrement, c’est-à-dire une confusion inacceptable entre les biens publics et ses ressources privées», poursuit M. Chantal.


Selon lui, qui est également ancien journaliste Haïtien, le pays a de la difficulté à se défaire de la corruption en raison de l’inexistence d’institutions légitimes. D’abord, l’absence de partis politiques «dignes de ce nom» ne permet pas de filtrage de candidats qui, une fois élus, s’adonnent à du trafic avec le gouvernement.


Il croit ensuite que la perte de confiance dans les institutions judiciaires a fait en sorte que la population ressent le besoin de se faire justice elle-même et d’exprimer sa colère dans les rues en incendiant des commerces. Ce sont des «moyens violents qui sont devenus des moyens légitimes quoiqu’il ne s’agisse pas de moyens souhaitables pour un pays qui attend désespérément de recevoir des touristes ou des investissements étrangers», ajoute le professeur Chantal.


Pour sortir de la crise, les pays amis d’Haïti devraient «exprimer une position favorable à la démocratie Haïtienne et donc aux revendications légitimes du peuple Haïtien et donc devraient pour commencer se désolidariser très clairement» de Jovenel Moïse. De plus, il y a «l’urgente nécessité» de provoquer un dialogue national.


Mais Roromme Chantal ne se fait pas d’idée. Il est du genre pessimiste…




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