Mercredi, un an se sera écoulé depuis la victoire électorale décisive de Justin Trudeau. Treize pleines lunes de miel, aimerait-on dire, tellement les libéraux caracolent en tête dans les sondages. Pourtant, sous ce vernis d’un gouvernement suscitant l’approbation généralisée, sourdent quelques égratignures. L’usage du pouvoir commence à laisser des marques.
Le conflit le plus important qui se profile à l’horizon est sans conteste celui avec les provinces en matière de santé. À compter de 2017, les transferts que verse Ottawa croîtront de 3 % par année, alors qu’ils augmentaient plutôt de 6 % depuis 2004. Le manque à gagner s’élève à un milliard de dollars par an (écart qui ira grandissant à la longue). Les provinces ont déjà, dans une lettre, laissé planer la menace de ne pas collaborer avec Ottawa sur le front des changements climatiques si le dossier de la santé ne se règle pas en leur faveur.
L’écart monétaire entre les positions des deux clans est moins grand qu’il n’y paraît. Car Justin Trudeau mettra par ailleurs sur la table une somme de trois milliards (sur trois ou quatre ans, il subsiste une ambiguïté à ce sujet) destinée aux soins à domicile. Ce montant compense presque entièrement les transferts moins généreux pendant le mandat libéral… Le problème réside plutôt dans le fait que les provinces seront obligées de diriger l’argent vers une activité particulière. « On doit d’abord financer les services déjà offerts avant de se lancer dans de nouveaux programmes », a résumé le ministre québécois Gaétan Barrette.
Cette adoption par les libéraux du taux de croissance de 3 % décrété par les conservateurs amène le NPD à reprocher au nouveau gouvernement de n’être qu’une version plus sympathique du régime de Stephen Harper. Il en a pour autre preuve le dossier des changements climatiques. Justin Trudeau a certes entériné l’Accord de Paris, mais il n’a pas changé la cible fixée par M. Harper — et jugée ridiculement timide à l’époque — de réduire de 30 %, d’ici 2030, les émissions de gaz à effet de serre (GES) du Canada par rapport à leur niveau de 2005.
En la matière, il faut dire que les actions comme les inactions d’Ottawa suscitent de vives critiques. Ainsi, l’engagement d’imposer une taxe de 50 $ la tonne de carbone, d’ici 2022, dans les provinces qui ne se seront pas dotées d’un mécanisme de tarification des GES en irrite certaines. En Saskatchewan, Brad Wall menace de s’adresser aux tribunaux pour stopper Ottawa.
L’insatisfaction commence aussi à se manifester chez les écologistes. La refonte du processus d’évaluation des projets d’oléoduc n’a pas été faite et c’est en vertu des anciennes règles qu’Énergie Est sera évalué. En outre, le premier projet d’oléoduc à avoir été présenté au gouvernement Trudeau a été approuvé en septembre. S’il est réalisé, la conduite de gaz liquéfié Pacific Northwest, en Colombie-Britannique, deviendra à elle seule un des plus grands émetteurs de GES au Canada et fera augmenter ses émissions annuelles de 0,75 %. « Ce projet nous fait reculer alors qu’on ne peut plus se le permettre », se désole Patrick Bonin, porte-parole chez Greenpeace.
Relations de travail tendues
Les fonctionnaires ont aussi leurs raisons de déchanter. Oui, les libéraux ont renoncé au pouvoir, que s’étaient octroyé les conservateurs, de désigner unilatéralement ce qui constitue un service essentiel dans la fonction publique et, du coup, les employés ont perdu l’exercice du droit de grève. Mais les conventions collectives échues depuis 2014 ne sont toujours pas renouvelées. « On a encore sur la table l’offre du gouvernement Harper, soit une augmentation salariale de 0,5 % par année pendant quatre ans », déplore Debi Daviau, présidente de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada.
L’affrontement sur les congés maladie se poursuit aussi. Les conservateurs voulaient mettre un terme à leur accumulation pour la remplacer par une couverture en cas de maladie prolongée. Les libéraux n’ont pas abandonné cette idée, au grand dam de l’Alliance de la fonction publique du Canada.
Arabie saoudite
Le gouvernement Trudeau s’attire aussi les foudres d’Amnistie internationale ou encore du groupe anti-armement Ploughshares. Tous deux ne digèrent pas la décision d’Ottawa d’aller de l’avant avec la vente de véhicules blindés à l’Arabie saoudite, surtout que c’est finalement le ministre actuel, Stéphane Dion, qui a signé les permis d’exportation. « Je m’attendais à ce qu’on ait une diplomatie basée sur les principes », soupire Cesar Jaramillo, de Ploughshares. Béatrice Vaugrante, d’Amnistie, ne manque pas de souligner « le manque de cohérence » d’un gouvernement qui poursuit cette transaction tout en promettant de ratifier le Traité sur le commerce des armes.
La grogne se fait aussi entendre du côté des autochtones, où on peine à faire respecter son opposition aux divers projets d’oléoducs. On déplore aussi le refus, signifié cet été, de transposer intégralement la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones en une loi canadienne. « Il y a un grand fossé entre ce qu’il a promis et ce qu’il fait », conclut Russell Diabo, de Defenders of the land.
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