Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Chaque semaine, il décrypte l’actualité pour FigaroVox. Son dernier ouvrage, Névroses médiatiques. Le monde est devenu une foule déchaînée, est paru chez Plon.
Cette chronique se donne pour rôle ingrat de doucher, ou au moins de refroidir les espoirs de ceux qui pensent que le fameux jour d’après ne ressemblera pas au jour d’avant. Les espirs portés par ceux qui croient de bonne foi que les leçons des fautes commises pendant la crise auront été savamment méditées dans les laboratoires d’idées étanches aux virus des passions de ce temps.
Notre précieux journal, lui aussi, suggérait le jeudi 16 avril que«le monde sans frontières s’imposait depuis que la globalisation néolibérale a vécu. Le grand rêve d’une Europe débarrassée de ses confins semble appartenir au passé».
Nous ne devons pas sous-estimer la puissance infernale de l’idéologie.
Le terrorisme islamiste, la crise des migrants et pour finir, le virus auraient eu définitivement raison de la fiction multiculturelle. Puissent-ils avoir raison contre mon pessimisme. Jamais peut-être que dans ce présent article, je n’ai souhaité autant me tromper, mais sans vouloir prendre la pose de Cassandre, je voudrais écrire à mes amis qu’ils pourraient avoir grandement sous-estimé la puissance infernale de l’idéologie.
J’aurais passé une grande partie de ma vie intellectuelle à décrire sa capacité à subjuguer la réalité. Son habileté à faire rêver en rose quand ce n’est pas en rouge. Sa maîtrise pour éliminer par magie noire les mauvais esprits. Le fait qu’enfin et surtout par la position impérieuse qu’elle aura exercée pendant six décennies elle aura réussi à véritablement décérébrer les consciences.
Empruntons d’abord les exemples au passé. La réalité, après le Bataclan, a-t-elle triomphé du virus islamiste ou islamo-gauchiste? L’esprit Charlie du fameux 11 janvier a-t-il déconsidéré définitivement ceux qui ont organisé en plein Paris avec des islamistes estampillés une manifestation contre «l’islamophobie» quelques jours seulement après que la préfecture de Paris a été durement touchée?
À ceux qui pensent néanmoins que cette idéologie a du plomb dans l’aile, je leur conseille d’aller visiter les universités françaises où l’indigénisme et le racialisme règnent en maîtres vénérés ou craints.
Après les massacres de juifs, l’antisémitisme islamique aurait-il d’une quelconque manière modéré son expression antisioniste pourtant identifiée? Les juifs ont-ils regagné avec confiance la Seine-Saint-Denis islamisée?
L’idéologie multiculturelle et xénophile sidère encore tout réflexe de protection.
La justice aurait-elle vraiment pris conscience du fléau? À la voir condamner à sept années de prison un djihadiste criminel, à dépénaliser l’assassin d’une vieille dame juive pour cause de fumette excessive ou comme elle le fait actuellement à élargir de dangereux condamnés islamistes, je n’en jurerais pas.
Quant à la crise des migrants et son immigration massive, imposée et illégale, aurait-elle en rien été jugulée par des expulsions massives des déboutés du droit d’asile dévoyé?
L’idéologie multiculturelle et xénophile sidère encore tout réflexe de protection sécuritaire, sanitaire et, pardon pour le gros mot, identitaire.
Quant au présent, le contraste entre la critique médiatique acérée réservée au président des États-Unis et l’indulgence pour l’indigence des autorités françaises ne présage rien de bon.
Certes le président honni avait raillé la maladie au début de l’épidémie. C’est devenu d’ailleurs dans les médias français une sorte de disque rayé. On ne sache pas que le pouvoir élyséen fut d’une plus grande prévoyance. Certes encore, les conférences interminables de Donald l’imprévisible prêtent vraiment à rire. Est-ce suffisant pour réserver au premier la potion critique à l’arsenic et au second la tiède tisane à la camomille? Rien en tout cas ne saurait expliquer qu’on prenne des libertés avec la réalité.
Rien ne saurait expliquer qu’on prenne des libertés avec la réalité.
Comme cet éditorialiste du Monde dans son article de jeudi dernier qui écrivait, pour stigmatiser l’attitude du président détesté idéologiquement: «la progression d’un virus qui tue aux USA plus encore qu’ailleurs». Faux relativement: l’Espagne, l’Italie et la France étant encore plus championnes en matière de mortalité par habitant.
Au passage, le quotidien vespéral était courroucé de voir les États-Unis interrompre le financement de l’OMS. À l’en croire il s’agissait «de la pire idée qu’un dirigeant politique puisse avoir… Trump met le monde entier en danger.» Rien de moins. S’agissant d’un aréopage manipulé par la Chine, ayant déconseillé le port des masques et stigmatisé la fermeture des frontières américaines aux chinois, il est permis de ne pas trembler.
Concernant, précisément, la décision de fermeture des frontières, un esprit moins gouverné par l’idéologie envers et contre tout en majesté pourrait même considérer que le président aux cheveux orange aura fait montre de plus de sagesse que le mieux coiffé qui chez nous considérait doctement «qu’un virus n’a pas de passeport». Mais qui en parle encore?
Enfin, toujours s’agissant du présent, la manière dont sa réalité est médiatiquement occultée par gêne ou par frilosité dans certains quartiers ne nous annonce pas des lendemains qui changent.
L’occultation par les médias de la réalité dans certains quartiers n’annonce pas des lendemains qui chantent.
Je pense à Villiers-le-Bel. Je pense à Grigny et à Mantes-la-Jolie. Je pense à Villeneuve-la-Garenne. Partout, les policiers sont menacés à bas bruit.
Le lendemain du jour, si nous n’engageons pas avec détermination, sans crainte ni concessions le combat culturel que je réclame depuis avant-hier, je suis prêt à faire le pari que le parti xénophile (qui n’est que l’autre face du xénophobe) réoccupera le terrain médiatique et même le haut du pavé, à en croire ces rapports policiers qui nous prédisent le retour de l’extrême gauche fascisante ménagée par une idéologie médiatique préférant fantasmer sur l’extrême droite bien moins nombreuse et organisée.
Le lendemain du jour, les écolo-gauchistes nous expliquerons, au besoin par la pédagogie d’une enfant déscolarisée, que le virus était une juste punition naturelle.
Le lendemain du jour, les anticapitalistes nous chanteront la grand-messe du service public héroïque et tant pis si la réalité qui explique cruellement les différences de résultats entre Allemagne et France montre les lourdeurs françaises liées au statut de la fonction publique.
Citons sur ce point l’article de Marie-Cécile Renault paru dans Le Figaro du 17 avril: «en Allemagne, ils travaillent avec des contractuels. Les rémunérations sont supérieures, ils travaillent 40 heures par semaine et partent à la retraite à 65 ans, tout en dépensant pour les hospitaliers plus de 10 milliards de moins par an que nous».
Le combat culturel commence avant le jour d’après.
Demain sera comme hier, peut-être pire, au regard de la détresse économique, toujours belle proie des démagogues.
À moins. À moins d’avoir le courage de ne pas céder d’un maître mot aux idéologues.
Le combat culturel commence avant le jour d’après.