Le président turc, Recep Tayyip Erdogan a repris les rênes de la Turquie après une tentative de coup d’Etat. Pour le chercheur en géostratégie Gérard Chaliand, Erdogan semble être le principal bénéficiaire des récents événements.
Il y a un peu de confusion concernant ce coup d’Etat. Certains avancent même un coup monté d’Erdogan. Qui est à l’origine du putsch ?
Gérard Chaliand Dans l’état actuel de nos connaissances, il est difficile d’affirmer qui est à l’origine du coup d’Etat. En revanche, ce qui est certain, c’est que le putsch a été mal organisé. Dans le contexte actuel de la Turquie, pour que le coup d'Etat réussisse il aurait fallu prendre le dirigeant pour cible : tuer le président était la seule façon d'assurer le succès de l'opération.
Par ailleurs, même si les putschistes sont des militaires, il ne faut pas oublier qu’une grande partie de l’armée soutient le régime pour des raisons nationalistes. Mais, on ne peut ni exclure une manipulation d’Erdogan ni à un coup de l’Occident. Quelques soient les personnes à son origine, celui qui en sort gagnant, c’est Erdogan.
Pourquoi ce putsch avorté va-t-il renforcer le Président turc ?
Gérard Chaliand Ce coup raté, va lui permettre d’arriver au pouvoir absolu. Il va mettre en œuvre le changement de la constitution qu’il désire tant. Comme il a voulu le faire en juin 2015 avec les élections. Erdogan veut renforcer les pouvoirs présidentiels. Il le fera désormais avec l’appui populaire. C’est une occasion unique pour lui, il va pouvoir lancer une répression implacable envers ces opposants dans l’armée et la justice. Après avoir renvoyé des milliers de juges, il réclame l’extradition depuis les Etats-Unis d’un opposant politique, Fethullah Gülen. C’est une demande autoritaire et Washington n’acceptera jamais, surtout sans preuves valables de son implication dans la tentative de putsch.
Cette demande d’extradition ne risque-t-elle pas d’envenimer les relations entre Washington et Ankara ?
Gérard Chaliand Même si Barack Obama a publiquement soutenu Erdogan, après la tentative de putsch, les rapports entre les Etats-Unis et la Turquie sont loin d’être bons. Le président turc a été fort mal reçu aux funérailles de Mohamed Ali, il n’a pas été autorisé à prendre la parole, il est parti vexé. Les deux pays ont beau tout deux faire partie de l’OTAN, leurs intérêts n’en sont pas moins antagonistes.
Avec ces événements, est-il possible d’envisager une amélioration pour les Kurdes ?
Gérard Chaliand En ce qui concerne les Kurdes, rien ne va réellement changer. Erdogan continue de déclarer qu’il combat des "terroristes, tueurs de soldats et de policiers". La population kurde fait face à une terrible répression d’Etat.
Est-ce qu’il y aura des répercussions à l’échelle régionale ?
Gérard Chaliand Si le coup d’État avait eu lieu trois semaines avant, on aurait pu penser que les putchistes voulaient la Turquie de son isolement et renouer avec ses voisins. Mais cette raison ne tient pas puisqu'Ankara s’estait déjà rapproché d’Israël, et a relancé ses relations avec la Syrie et la Russie.
Cela ne changera rien au conflit syrien. Les russes et les américains savent très bien que la Turquie, l’Arabie Saoudite et le Qatar soutiennent les mouvements djihadistes. Qui, à par eux, veut voir les islamistes au pouvoir ? Il s’agit d’une situation ambigüe, avec des alliés ambigus, résultat d’une politique ambigüe.
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