Condamnation de Génération identitaire, drames de Villeurbanne et de Marseille: l’accueil illimité et mal maîtrisé de migrants en question.
Intuitivement, instinctivement, difficile de ne pas faire un lien entre l’agression au couteau par un réfugié afghan à Villeurbanne, le 31 août, et la condamnation particulièrement sévère, le 29, de trois militants de Génération Identitaire qui avaient tenté de stopper des migrants illégaux dans les Hautes-Alpes. Difficile, aussi, de ne pas voir la débauche de mauvaise foi où l’idéologie en arrive à étouffer tout raisonnement rationnel.
La foire aux déséquilibrés
Mauvaise foi dans l’obstination à traiter comme des faits divers isolés des crimes étonnamment semblables. Est-ce à dire que l’agression de Villeurbanne, qui a fait plusieurs blessés et malheureusement un mort, serait directement liée à l’agression de deux employées à l’école élémentaire La Pauline à Marseille ? Deux attaques au couteau, deux auteurs qui associent l’islam à leur acte : le premier aurait obéi à des « voix » parlant d’injures à Allah, le second aurait crié « Allah akbar » pendant l’agression, d’après l’une de ses victimes. Deux fois, aussi, le même empressement des pouvoirs publics à ne parler que d’un « déséquilibré » sans chercher plus loin.
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Ce qualificatif de « déséquilibrés » est probablement justifié. Mais ce n’est pas par hasard que l’un comme l’autre ont choisi cette méthode pour traduire en actes leurs « déséquilibres », comme le soulignait Yves Michaud il y a déjà un an. On pense aussi aux travaux de CG Jung sur l’inconscient collectif, les phénomènes de foule, et ce qu’il faut bien considérer comme de véritables épidémies psychiques. Nul complot organisé, nul réseau structuré en l’occurrence, mais quelque chose de bien plus dangereux encore : un archétype malfaisant à l’œuvre, dont l’emprise sur notre société ne cesse de croître. « Ils sont tous possédés par un dieu barbare » disait Jung de l’Allemagne en avril 19391, et cette phrase décrit très bien ce que le littéralisme coranique théocratique inflige à ses adeptes et à ceux dont il contamine la relation au divin.
Conflit de devoirs
Mauvaise foi dans la prise en compte d’un fait simple et objectif : le meurtrier de Villeurbanne est un migrant. Que l’on me permette de rappeler des évidences. Tous les migrants n’agressent pas des gens au couteau. De même, tous les migrants ne sauvent pas des enfants accrochés à un balcon. J’insiste : de même. Et, de même, tous les migrants ne fuient pas la guerre, ou les persécutions, ni même une misère qui mettrait leurs vies ou celles de leurs proches en danger.
Instrumentaliser l’agression de Villeurbanne contre tous les migrants est très exactement aussi absurde et malhonnête que l’était le fait d’instrumentaliser le courage de Mamoudou Gassama ou la mort tragique d’Aylan Kurdi en faveur de tous les migrants. Ni plus, ni moins. Qu’il faille le rappeler est un indicateur de l’état catastrophique de nos débats politiques.
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Notons tout de même que les généralisations abusives sont plus du côté des défenseurs des migrations incontrôlées que des défenseurs des frontières. A part quelques extrémistes heureusement rares, je n’entends pas ceux qui plaident pour un contrôle des flux migratoires dire que les migrants seraient tous des monstres, mais bien plutôt affirmer que « nous ne pouvons pas héberger toute la misère du monde », pour reprendre la formule de bon sens de Michel Rocard. Ou demander avec Douglas Murray « pourquoi l’Europe serait le seul endroit au monde qui appartienne à tout le monde ? » 2
En revanche, les thuriféraires de l’accueil à tout va jouent systématiquement sur la fibre compassionnelle, sur la pure émotion, refusant de voir les migrants pour n’évoquer que le Migrant, figure christique, doloriste, idéalisée pour ne pas dire divinisée. Figure que l’on ne saurait simplement abriter chez soi le temps que la tourmente s’apaise, mais à laquelle on aurait l’obligation de faire don de sa maison. Tous les migrants ne seraient que des incarnations du Migrant, de l’Autre, forcément victime, forcément innocent, forcément rédempteur. Mais un seul contre-exemple et l’illusion se brise. Le déni est donc leur priorité. Comme si eux-mêmes sentaient confusément que leur position si belle, si idéale, n’est justement tenable que dans un monde idéal de principes désincarnés, et ne saurait survivre au constat de ses conséquences concrètes. Comme si ces bonnes âmes cherchaient surtout à s’enivrer du rôle qu’elles jouent sans jamais affronter la complexité du réel.
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Complexité qui fait que secourir les malheureux en détresse est un devoir, tout comme la protection de notre civilisation est un devoir. Et c’est ce conflit de devoirs, la nécessité de tenir l’un et l’autre, la difficulté de les concilier, qui est le domaine de la politique.
Mais lorsque les militants NoBorders, complices de passeurs mafieux, sont célébrés comme des héros tandis que ceux qui voudraient préserver leur nation sont vilipendés comme des monstres, la nécessaire dualité est remplacée par une caricature simpliste et absurde.
Sévérité démesurée
Je n’ai pas de sympathie particulière pour Génération Identitaire. Nous partageons dans une certaine mesure la dénonciation de l’islam théocratique et du post-modernisme communautariste, mais leurs dérives ethnicistes m’insupportent. J’y vois même une trahison de notre identité, et un manque de respect manifeste envers nos ancêtres. Car enfin ! Ceux qui nous ont précédés n’étaient pas des animaux d’élevage, et faire du patrimoine génétique l’essentiel de leur héritage est une bouffonnerie, un mépris effarant de toutes les réalisations auxquelles ils ont consacré leurs vies, du pays qu’ils ont construit, de la culture qu’ils nous ont léguée, de la civilisation qu’ils nous ont transmise en ajoutant, à chaque génération, leur pierre à l’édifice. Nous le savons depuis Euripide et Isocrate, depuis l’empire d’Alexandre, depuis que Claude permit à des Gaulois de siéger au Sénat, pourvu qu’ils aient prouvé leur fidélité à Rome, à ses lois et à ses mœurs : notre identité est culturelle, et non ethnique.
Je ne peux pourtant que constater la sévérité démesurée des condamnations infligées à Génération Identitaire et à trois de ses militants pour une action qui, autant que l’on sache, était non violente et ne visait qu’à faire respecter la loi. Que la justice, en ces circonstances, ne se préoccupe plus de respect des lois mais de militantisme est une usurpation. Car, rappelons-le, conformément à notre constitution seul le Peuple est souverain. Les magistrats ne sont donc pas les détenteurs du pouvoir judiciaire, ne leur en déplaise, ils n’en sont que les délégataires.
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Bien sûr, on me rétorquera que « les identitaires » incarnent l’égoïsme, le repli sur soi, l’odeur nauséabonde des heures les plus sombres, et j’en passe. Les passeurs de migrants sont la générosité, l’ouverture à l’Autre, le Progrès, l’Avenir, le Salut, n’est-ce pas ?
Et bien non ! La beauté du geste au mépris des conséquences est, aussi, mépris de ceux qui devront payer le prix de ces conséquences. L’ouverture absolue des frontières, la disparition progressive de la distinction entre les véritables réfugiés et les autres migrants, entre immigration légale et illégale, revient inéluctablement à faire disparaître l’idée même de citoyens pour la remplacer par celle de résidents. Ce qui revient à supprimer la démocratie pour lui substituer une vague assemblée des colocataires d’un terrain correspondant au territoire de ce qui fut, jadis, la France. A abolir la République et son idéal d’intérêt général pour instaurer un « hub » sans âme dont les gestionnaires ne feraient que tenter d’arbitrer entre les intérêts concurrents des groupes de passage. A dissoudre notre civilisation dans un chaos qui ne sera pas enrichissement par des apports extérieurs constructifs, mais disparition dans une fragmentation de communautés rivales, ou engloutissement dans un magma indifférencié et insipide.
Quels que soient leurs bons sentiments, je refuse de considérer les fossoyeurs de la démocratie, de la République et de notre civilisation comme des héros.
Accueillir dignement va devenir impossible
En outre, la condamnation de Génération Identitaire alors même que des passeurs sont célébrés n’est pas un fait isolé, mais le symptôme d’un message de permissivité extrême que notre société envoie aux migrants, et dont la situation ubuesque du meurtrier de Villeurbanne (connu sous 2 identités différentes, 3 dates de naissance, ayant des tendances violentes avérées, et pourtant titulaire d’un titre de séjour temporaire) est une autre illustration extrême. Dès leur entrée sur notre sol, du fait même de leur entrée sur notre sol, nous leur disons qu’ils ont le droit de s’affranchir des règles auxquelles les autochtones s’astreignent.
Or beaucoup d’entre eux, et sans remettre aucunement en cause leur valeur en tant qu’individus, viennent de cultures pour lesquelles la permissivité d’une société, et ses réticences à faire respecter ses lois par les nouveaux venus, ne sont pas comprises comme de l’indulgence et de la générosité, mais comme de la faiblesse et pire encore, de la lâcheté. Ce qui à leurs yeux est foncièrement méprisable. J’avoue d’ailleurs que sur ce point, je me sens plus proche de beaucoup de migrants que d’un certain nombre de mes compatriotes ! Le problème étant que si certains se prennent d’affection pour le pays qui les accueille, s’ils le défendent et le poussent à se défendre, d’autres ne voient là qu’une fragilité à exploiter au maximum pour leur seul bénéfice. Ce n’est pas pour rien que j’ai pris soin de préciser plus haut : « pourvu qu’ils aient prouvé leur fidélité à Rome, à ses lois et à ses mœurs. »
Tendre la main aux migrants est une chose. Leur faire croire que cette main tendue est un dû qu’ils seraient en droit d’exiger – puisque l’on juge criminel d’y mettre le moindre bémol – et qui n’entraînerait pour eux ni obligation de respect ni devoir de gratitude, en est une autre, totalement irresponsable.
Plus notre civilisation se laissera fragiliser par les coups de boutoir répétés des communautaristes en tout genre, des post-modernistes, des islamistes, et désarmer par la mauvaise conscience des uns et le laxisme des autres, plus elle sentira instinctivement le moindre apport exogène comme une menace.
Si nous renonçons à l’intégration (que certains suprémacistes « racisés » se permettent maintenant de qualifier de nouvelle forme de colonisation), si nous renonçons à partager notre culture, nos principes républicains et notre art de vivre avec ceux qui demandent à venir nous rejoindre, alors très vite nous serons dans l’obligation de renoncer à accueillir même ceux qui en auraient le plus besoin, et dont l’attachement à nos valeurs est sincère. Au lieu de pouvoir partager ce que nous avons la chance de vivre, nous n’aurons plus d’autre choix que de nous préoccuper uniquement de survivre.
Mais si la France assume ce qu’elle est, sans arrogance mais avec fierté, si elle accepte qu’il est de son devoir de se défendre lorsque c’est nécessaire, de faire respecter ses lois, de protéger la souveraineté de ses citoyens et la sécurité de tous, alors et alors seulement elle pourra accueillir, accueillir avec discernement, accueillir dignement ceux qu’elle choisit d’accueillir, et accueillir sans sacrifier ceux qui sont déjà là.