Gaza - La violence de force

Les politiciens réussissent, à divers degrés, à faire dire à l'électorat ce qu'ils veulent entendre. Les opinions publiques ont le dos large.

Gaza: l'horreur de l'agression israélienne

L'opinion publique israélienne s'est emballée à l'été 2006 quand Tsahal est parti en guerre au Liban contre le Hezbollah, avant de déchanter devant l'enlisement du conflit. Elle s'emballerait à nouveau devant la brutale offensive militaire, électoralement téléguidée, dans la bande de Gaza. Pour combien de temps?
Éclairant, le propos d'Anthony Cordesman, expert au fameux Center for Strategic and International Studies de Washington. Le ministre de la Défense, le travailliste Éhoud Barak, qui voit tout à coup sa cote de popularité prendre du mieux à six semaines des législatives israéliennes, a beau dire que l'opération est destinée à pacifier durablement le sud du pays, Israël est conscient, écrivait récemment le spécialiste, que l'offensive militaire «n'aura aucun effet décisif» sur l'organisation du Hamas. Non moins désespérant est le fait, disait-il, que «chaque fois que ce type de violence surgit, il devient plus difficile d'avancer sur le terrain politique».
Attendons-nous, dans ce contexte, à voir les Israéliens déchanter bientôt devant les efforts de leurs politiciens et de leurs militaires pour rétablir, après le fiasco du Liban, leur pouvoir d'intimidation régionale. Aussi, l'État hébreu juge-t-il tactiquement nécessaire de faire le plus vite possible. Rien d'étonnant à entendre, hier, le premier ministre en sursis, Éhoud Olmert, déclarer qu'Israël n'a aucun intérêt à voir l'offensive se prolonger dans la bande de Gaza. En effet. «Nous sommes gâtés et impatients: nous aimons que nos guerres soient courtes», commentait froidement, il y a quelques jours, l'historien israélien Tom Segev.
Il reste que, dans l'immédiat, l'aisance avec laquelle l'ensemble des décideurs, toutes principales tendances partisanes confondues, ont rassemblé autour d'eux l'opinion israélienne en faveur de l'opération militaire est déconcertante, d'autant qu'il est hautement contestable que le Hamas soit responsable, ainsi que le prétend Israël, de la rupture de la trêve qui tenait depuis quatre mois.
Cette aisance vient donner la mesure, inquiétante, du ralliement des Israéliens à la voix des armes et du découragement dans lequel ils semblent de plus en plus plonger devant les chances de voir la paix prendre racine par le dialogue. Tels sont le glissement à droite de la société israélienne et le durcissement de ses relations avec le monde arabe que des hommes comme Amos Oz, écrivain et intellectuel réputé, fondateur de La Paix maintenant en 1978, ont donné leur appui à l'offensive à Gaza... Ce découragement est-il si étranger à celui des Palestiniens qui ont élu le Hamas en 2006 et qui se résignent à commettre des attentats suicide?
Facteur aggravant: la violence se déploie au mépris du droit de la guerre et du droit humain, conséquence de la montée en puissance du terrorisme et de la «guerre contre le terrorisme» qui lui a été déclarée. Toute cible devient militairement légitime, tant la définition du «combattant» est devenue élastique pour Tsahal. Aucune riposte n'est «disproportionnée». Hier encore, l'attaque d'une école à Jabaliya, dans le nord de la bande de Gaza, a fait une quarantaine de morts. Avec le résultat gênant pour la démocratie israélienne que sa course électorale se déroule sur le dos des civils gazaouïtes pendant que les militants du Hamas, par ailleurs, se considèrent en droit de lancer des roquettes sur des villes sous le prétexte que les Israéliens ont pour la plupart été militaires.
Une certaine analyse veut que, comme en Israël, les Indiens attendent de leur gouvernement qu'il durcisse le ton contre le Pakistan dans la foulée des attentats terroristes survenus à Mumbai, fin novembre. Les tensions entre l'Inde et le Pakistan seraient telles que certains redoutent qu'une nouvelle guerre éclate entre les deux pays.
Or, croyant marquer des points, les nationalistes hindous du BJP, le principal parti d'opposition, ont diffusé des publicités électorales aux accents antimusulmans dans quatre États où se tenaient des élections immédiatement après les attentats. La stratégie a fait long feu: le BJP a été réélu dans deux États du nord du pays, mais plus significativement, il a perdu le Rajasthan aux mains du Parti du Congrès, qui a d'autre part conservé Delhi pour un troisième mandat consécutif.
De quoi cela présage-t-il? Les Indiens de tout le pays vont aux urnes en mai prochain. Le terrorisme constitue souvent un enjeu des élections en Inde, mais rarement l'un des plus importants. On peut compter sur le BJP pour jeter de l'huile sur le feu dans les prochains mois.
L'Inde n'est pas Israël, et vice versa. Le parallèle n'en demeure pas moins intéressant. Les politiciens réussissent, à divers degrés, à faire dire à l'électorat ce qu'ils veulent entendre. Les opinions publiques ont le dos large.


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