Le défi est de garder la tête froide, si près de la colère et de l’effroi qu’inspirent les attentats commis à Paris vendredi soir. Et que fait François Hollande ? Il enveloppe la France, à la vitesse de l’éclair, dans une rhétorique guerrière et sécuritaire.
Que retenir des annonces faites lundi par le président François Hollande devant les deux chambres du Parlement réunies exceptionnellement en congrès ? Que face à ces attentats d’un impact inouï sur les consciences occidentales, le président français sort l’artillerie lourde : intensification des bombardements en Syrie, ce qui est loin, vu le passé récent, de constituer en soi une garantie de succès dans la lutte contre le groupe armé islamique (EI) ; prolongation de trois mois de l’état d’urgence sur le territoire national ; et, plus fondamentalement, ce qui n’est pas sans soulever des questions, modification de la Constitution — parce que les « moyens exceptionnels » dont dispose le président de la République face à une menace grave et immédiate « ne sont plus adaptés à la situation que nous rencontrons ».
Vague est également pour l’instant l’intention qu’il a manifestée de « moderniser » la loi de 1955 sur l’état d’urgence en l’adaptant à « l’état des technologies et des menaces ». Qu’il y ait lieu d’autre part d’augmenter les moyens et les effectifs policiers dans la lutte contre les monstrueux desseins du groupe armé EI en France et en Europe, soit. L’enquête sur les attentats du vendredi 13 semble être en train de constater des failles dans l’action et le renseignement antiterroristes qu’il faut absolument colmater.
Mais il se trouve qu’à sa façon de foncer depuis 72 heures, M. Hollande fait tout de suite penser à l’ex-président George W. Bush et à la vitesse à laquelle il avait fait adopter son bien nommé Patriot Act, en 2001, à peine plus d’un mois après le 11-Septembre. Les gestes de M. Hollande soulèveront à leur tour d’importantes et inévitables questions sur les enjeux de sécurité au regard du respect des libertés fondamentales. Le danger, c’est que la politique de M. Hollande fasse le jeu de la droite et prête le flanc à d’inavouables généralisations à l’égard du monde musulman. On conçoit facilement que les idéologues du groupe armé EI ne demandent pas mieux.
Contre ce danger, il devient peut-être plus nécessaire que jamais d’articuler un contre-discours au tout sécuritaire. Il en va, très concrètement, de l’accueil de dizaines de milliers de réfugiés. Mais plus difficile aussi que jamais, étant donné l’inextricable bourbier dans lequel s’enfonce le Moyen-Orient.
Cela dit, la proximité géographique et culturelle des attentats commis à Paris a semblé réveiller les pays occidentaux quant à la gravité de cette « guerre civile » qui prend des proportions mondiales.
La lutte contre le groupe armé EI a clairement souffert de problèmes de cohésion internationale, alors que des mois de bombardements n’ont pas significativement affaibli l’organisation terroriste. À Antalya, en Turquie, les pays du G20 ont promis d’améliorer leur coordination en divers domaines. Plus important, le sommet a donné des signes d’utile remue-méninges diplomatique, se soldant par des balbutiements d’entente entre Washington et Moscou autour d’un projet de solution politique en Syrie. Lundi, M. Hollande a même entrouvert la porte à une sortie de crise impliquant le président Bachar al-Assad, une idée à laquelle la France avait toujours refusé de se résigner.
Bien frêles sont les espoirs d’apaisement, en effet. Ils se butent à l’entrée en scène redoutablement efficace de Vladimir Poutine. Ils se butent au risque que la Syrie devienne une nouvelle Libye. Ils se butent à la capacité de nuisance de la Turquie face à la contribution essentielle qu’apporte, dans la guerre contre le groupe armé EI, le peuple kurde, porteur d’un projet démocratique que l’Occident est coupable de ne pas mieux soutenir.
ATTENTATS DE PARIS
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