Français langue seconde - McGill français!

Les cours de langue seconde sont victimes de leur succès

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Signe des temps ?

Mardi matin, 11 h, dans une classe du pavillon de langues de l’Université McGill. La classe de français de la professeure Suzanne Pellerin est pleine. Il n’y a plus aucune chaise de libre, plus beaucoup d’espace pour se mouvoir et encore moins d’air qui circule. L’enseignante doit enjamber des sacs et des jambes pour arriver à rejoindre les 38 étudiants entassés dans une classe qui devrait en contenir 25.

Cela fait des années que les cours de français langue seconde à McGill attirent les étudiants. L’engouement ne se dément pas. Les étudiants internationaux ou ceux qui viennent de l’extérieur du Québec aiment la formule. « On se sent obligé de parler français ici », explique Katherine Nicanorova, étudiante en classe de français débutant à McGill, originaire de Moldavie. « Ça m’aurait semblé impoli de ne pas le faire, de toute façon », ajoute son collègue de classe, Mark Anscombe, quant à lui natif d’Angleterre. Même s’ils ne veulent pas rester travailler au Québec après leur baccalauréat, ces étudiants voient l’occasion idéale de jumeler les cours de français à leurs études.

Gérer les débordements

Mais cet enthousiasme a un prix. À ses débuts à McGill, en 1992, Suzanne Pellerin se rappelle que chaque fois qu’une classe débordait, on ouvrait une section. Depuis 2008, de manière inexplicable, le vent a tourné, déplore la coordonnatrice des cours de français débutant au Centre d’enseignement du français (CEF). Malgré la demande, on n’a plus ouvert de nouveaux cours, laissant sur le pavé des étudiants internationaux ou hors Québec qui auraient aimé apprendre le français. Malgré les plaintes et les requêtes étudiantes, mentionne Suzanne Pellerin, McGill n’a pas bougé d’un iota.

André Costopoulos, doyen à la vie étudiante à l’Université McGill, ne contredit pas la professeure de langue, mais nuance ses propos. « On est très conscients qu’il y a une grande demande. On essaie fort. Mais avec la situation financière des universités que vous connaissez, ça nous donne des défis pour répondre à la demande étudiante », dit-il en admettant « qu’avoir plus de ressources à mettre dans le Centre d’enseignement du français, ce serait merveilleux ».

Pour pallier ce manque, le CEF change sa tactique cet automne, en annulant certains cours de niveau intermédiaire, au plus grand bonheur des étudiants débutants qui faisaient la queue, autrefois, pour avoir la chance d’étudier le français dans le cadre de leurs études.

Les professeurs ont fait le pari que des étudiants allaient se désister après l’inscription. Malheureusement, le CEF est victime de son succès et les classes sont remplies à craquer, une situation qui, selon Mme Pellerin, menace la qualité d’enseignement. « On se retrouve avec des classes d’enfer, la gestion est impossible et, sur le plan pédagogique, je ne sais pas ce que je vais faire. Je me suis tiré dans le pied », soupire Mme Pellerin.

Visions contraires

En attendant de voir ce qui se passe dans les classes de français de McGill, la professeure évoque un problème latent au sein de l’administration, se disant victime d’« ignorance crasse », lorsqu’on parle enseignement des langues et soulignant par la même occasion l’état de fatigue du corps professoral. « C’est démotivant, on est désabusés. Il y en a qui veulent prendre leur retraite plus tôt. On a l’impression qu’on se fout de nous », s’insurge-t-elle.

Pour répondre à la demande croissante en cette session d’automne 2013, l’université ouvre des places à l’École d’éducation permanente, le centre de perfectionnement professionnel de McGill.Mais Suzanne Pellerin estime qu’il ne s’agit pas de la bonne réponse au problème, car les cours ne répondent pas aux mêmes critères de rigueur et ne sont pas intégrés dans le cursus universitaire. « On se bat contre des moulins à vent parce qu’il semble que ce genre d’argument importe peu, dit Suzanne Pellerin. Si le patron s’en fout, on ne peut pas aller à contre-courant ».

À Concordia, une autre philosophie

À Concordia autant qu’à McGill, « on déborde d’étudiants » qui veulent apprendre le français. Mais si McGill répond difficilement à la demande, l’Université Concordia, elle, se fait un devoir de placer tous les étudiants qui le souhaitent en classe de français langue seconde, semble-t-il.

Depuis deux ans, le projet Oui Can Help permet aux étudiants étudiants internationaux et hors province de postuler des bourses d’apprentissage payées conjointement par l’université et le gouvernement provincial. Cette année, on compte 60 bourses de 500 $ pour les étudiants anglophones hors Québec et 300 bourses de 250 $ chacune pour les étudiants internationaux.

Comment Concordia répond-elle à la demande croissante ? Simple, répond Chanel Bourdon, coordonnatrice de la francisation et chargée du projet Oui Can Help. En offrant plus de cours. « On ouvre beaucoup plus de sections dans le département d’études françaises pour répondre aux besoins », dit-elle. « C’est très régulier pour nous d’ajouter des cours à court terme. Il suffit de s’organiser avec le département. […] On le fait très rapidement et très aisément », renchérit la vice-rectrice aux études, Catherine Bolton.

À Concordia, 64 % des étudiants internationaux étaient inscrits au cours d’introduction au français en 2012-2013. McGill estime à 10 % le nombre de nouveaux étudiants qui prennent un cours de français langue seconde.


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