L’IMPASSE POLITIQUE BELGE

Fédération sous tension

Le Parlement belge vit des jours tourmentés. La mise sur pied d’un gouvernement stagne et un compromis peine à voir le jour

Belgique - des leçons à tirer...




Auger*Samuel
- Bruxelles - Près de deux mois après les élections, la tension monte entre les Flamands et les Wallons en Belgique. La mise sur pied d’un gouvernement stagne et un compromis peine à voir le jour. Les francophones craignent le dépeçage en règle de l’État belge alors que les Flamands nationalistes songent de plus en plus à faire cavalier seul.



La scène avait quelque chose de surréaliste. Le 21 juillet, jour de la fête nationale belge, la télévision publique prépare un reportage sur l’ignorance chez les politiciens des références symboliques de la nation belge. L’occasion était trop belle : le journaliste croise le probable futur premier ministre, Yves Leterme, et lui demande de chanter un extrait de la Brabançonne, l’hymne national. Le voilà qui s’exécute devant les caméras : « Allons enfants de la patrie » Oups. Les paroles de la Marseillaise. L’hymne national français !
Une bonne blague typiquement belge ? Non. Crispé, tendu, réalisant sa bourde, l’homme de 46 ans s’est enfui. La polémique a pris d’assaut le royaume belge pendant des jours. C’est qu’on accuse depuis longtemps Yves Leterme de ne pas aimer la Belgique, un État fédéral qui regroupe trois régions autonomes, la Flandre au nord (néerlandophone), la Wallonie au sud (francophone) et Bruxelles capitale entre les deux (francophone à près de 90 %). L’ex-ministre-président de la Flandre est perçu par certains comme un séparatiste flamand et ennemi de la minorité francophone (40 % de la population). L’an dernier, il avait déclaré au quotidien français Libération que « apparemment les francophones ne sont pas en état intellectuel d’apprendre le néerlandais » et que la Belgique « n’était pas une valeur en soi ». Bonjour les suspicions.
Après trois jours de harcèlement médiatique sur sa gaffe patriotique, Yves Leterme s’est excusé. En flamand. Prié par la presse de répéter ses excuses dans la langue de Molière, ce parfait bilingue a déclaré sur un ton incisif « qu’il venait de le faire en néerlandais, et que c’était déjà bien assez. »
Un mur à l’horizon
L’épisode n’a rien d’anodin. « Il y a en ce moment un danger bien réel qui menace l’État belge », confirme le politologue de l’Université catholique de Mons, Pierre Vercauteren. La formation politique d’Yves Leterme, le CD & V-NVA (centre-droite) a remporté les élections fédérales du 10 juin, mais pour gouverner avec une majorité, elle doit impérativement s’allier à des partis francophones. « Le problème, c’est que jamais, dans l’histoire du pays, les approches sur l’avenir de l’État n’ont été aussi radicalement différentes entre francophones et néerlandophones », précise Pierre Vercauteren.
À l’inverse de la situation canadienne, les francophones belges sont demandeurs de rien. Ils aiment bien la fédération et désirent pour la plupart le statu quo. C’est plutôt en Flandre que le nationalisme connaît son heure de gloire. Plus d’un électeur flamand sur deux a voté pour un parti autonomiste ou nationaliste, dont un sur cinq qui a accordé sa confiance au Vlaams Belang, la terreur politique des Wallons. Parti d’extrême droite séparatiste, il affiche sans la moindre pointe d’humour son leitmotiv : « Que la Belgique crève ».
La Flandre a de quoi sourire. Son taux de chômage fait des jaloux et son économie tourne à plein régime. Cette prospérité galvanise ses chefs politiques qui souhaitent diminuer les transferts de richesse et rapatrier bon nombre de compétences fédérales dans la région. Il en résulte un couple inégalitaire, avec un partenaire jugé insatiable et un autre plutôt satisfait de la routine. « Comme tous les couples, nous risquons de nous briser dans l’ignorance. Chaque désaccord va nourrir la frustration, et nous allons peut-être découvrir que finalement, on ne se connaît pas tellement », résume le politologue wallon.
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Samuel Auger
Collaboration spéciale


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