Un rapport sur la francophonie, et un rapport sur l’anglais à l’université

Favoriser l’anglophonie pour « défendre » la francophonie ?

Cent-seize pages qu’on peut résumer en trois mots : « Pas de vagues » !

Le français — la dynamique du déclin


Dans un récent rapport du Conseil économique, social et environnemental sur la francophonie, présenté l’été dernier par la psychanalyste Julia Kristeva, professeur à Paris 7, parmi 133 propositions et recommandations pour défendre et soutenir la francophonie, on en trouve une stupéfiante : développer les cursus anglophones dans les universités françaises !
C’est formulé d’une façon alambiquée, en recommandant une diminution du niveau en français exigé à l’inscription, le pré-requis, mais le sens est clair (presque !) par cette phrase :
« une partie de celles-ci pouvant se faire dans la langue code (l’anglais) qui assure l’apprentissage des contenus globaux ».
Étant dans la totale incapacité de comprendre en quoi cela peut aider la francophonie, je laisse la parole aux brillants membres du groupe de réflexion qui ont rédigé ce rapport, intitulé « Le message culturel de la France et la vocation interculturelle de la francophonie ».
Le rapport complet est téléchargeable.
"Revoir la question des pré-requis en français
Il serait opportun d’examiner la possibilité d’assouplir les conditions actuellement imposées à l’inscription dans l’enseignement supérieur français quant à la maîtrise de la langue française, et de développer davantage les dispositifs existants de préformation en français, avant le début du cursus ; mais surtout, pour les sciences exactes en particulier, il serait judicieux de prévoir une formation en français au cours des études, une partie de celles-ci pouvant se faire dans la langue code (l’anglais) qui assure l’apprentissage des contenus globaux, avant l’affinement de la capacité de penser en langue française. L’initiative de nombreux établissements d’offrir leurs formations en langue anglaise, soit en cours d’été, soit en cours spécifiques, et de plus en plus en master est un moyen provisoire indispensable à l’intégration de ces futures élites dans nos institutions académiques et dans la culture française en général. Le catalogue de ces formations en anglais, présenté par CampusFrance, est un instrument utile pour faciliter la mobilité des étudiants. " (souligné en gras par nous)
Le "moyen provisoire" a toutes les chances de devenir une intégration européenne anglophone définitive !
Beaucoup de ces cursus sont nés pour recevoir des subsides du programme Erasmus mundus, destiné aux étudiants étrangers hors-UE. Ceux-ci ne feront qu’une partie du programme en France. Or, un étudiant chinois ou vietnamien qui suit des cours en anglais pendant neuf mois, sachant qu’il va ensuite poursuivre en Allemagne puis en Pologne, par exemple, n’aura aucune motivation pour apprendre le français, du moins pour aller au-delà de la traduction de « Where are the girls ? », et, pour les plus motivés : « Combien ces six saucisses ici ? ».
D’accord sur les recommandations d’améliorer l’accueil de la future élite étrangère, l’aide au logement, le tutorat et autres suggestions, mais pour des étudiants qui comptent faire plusieurs années de formation en France, et surtout, en français.
Tout développement de cours en anglais ne fait qu’accélérer l’anglicisation de l’UE, pompeusement appelée intégration universitaire européenne.
Mais il faut reconnaître que ce rapport est très riche, presque trop, car on y trouve tout et son contraire : on peut y lire les critiques sur la tendance de l’UE à n’utiliser que l’anglais à l’étranger, en même temps que la recommandation de développer son usage en France !
A l’aide d’extraits du rapport, on pourrait fabriquer deux articles totalement contradictoires sur la francophonie, l’un sur l’air de « tout va bien », la francophonie a certes décliné à certains endroits, mais le nombre de locuteurs augmente, notamment en Afrique, et les perspectives sont bonnes, l’autre sur l’air de « tout va mal », on est foutus, les élites de l’ancien pré-carré français passent à l’anglais, l’UE n’utilise plus que l’anglais, sauvons les meubles car c’est tout ce qui nous reste !
Pour le « tout va bien » :
« Contrairement à l’anglais qui régresse au sein de certaines régions des États-Unis au profit de l’espagnol, le français n’a jamais été autant parlé, et le nombre de ses locuteurs augmente pour des raisons démographiques, aussi bien en France qu’en Afrique. 115 millions de personnes font un usage quotidien du français, soit 7,7 % de plus qu’en 1990, et 61 millions en ont un usage « partiel ». »
Pour le « tout va mal » :
« Face à l’anglais dominant dans les échanges internationaux, dès 1975, la France s’est dotée d’une loi qui impose le français, en France même, dans les activités d’un certain nombre de secteurs afin d’assurer la protection des consommateurs (notices et modes d’emploi) ou celle des salariés (offre d’emploi). Cette loi est, dans l’ensemble, bien appliquée dans ces domaines où la nécessité de la présence du français est reconnue par tous. En revanche, cette même loi, dont la refonte en 1994 a fait l’objet d’une polémique, impose aussi une présence minimale du français (dans les documents présentant les programmes) pour les colloques internationaux qui se déroulent très souvent en anglais. Cette prescription, qui n’est assortie d’aucune sanction en cas de manquement, est très mal respectée par nos concitoyens qui n’en voient pas l’intérêt et la jugent rétrograde. »
« La France a la chance que sa langue soit une des langues officielles de presque toutes les organisations internationales, et beaucoup de pays considèrent que cette situation est un héritage qui ne se justifie plus. »

Naturellement, on peut voir dans cette contradiction le signe d’un rapport complet et mesuré, qui prend en compte la complexité de la vie, les fluctuations des rapports de force.
Mais on peut aussi y voir la peur de recommander une francophonie offensive, parfois une certaine naïveté, des clichés ou un étonnant aveuglement sur certains points, notamment sur l’école et le plurilinguisme européen.
A notre avis, plusieurs tabous limitent la pertinence de ce rapport :
— Ne jamais s’opposer à des réalisations de l’UE.
De petites critiques ici ou là, oui, et le grand recul du français et de l’allemand comme langues de travail de l’UE est clairement noté :
« De fait, à partir de l’entrée du Royaume-Uni dans l’UE, il cesse d’être la seule langue de communication à Bruxelles pour être progressivement devancé par l’anglais. Ce recul s’est accéléré brutalement après la chute du mur de Berlin. »
Mais pas question de proposer l’annulation des programmes Erasmus mundus (anglophones) dans nos universités, ni rappeler que ces cours en anglais sont anticonstitutionnels, la langue du pays, et donc de l’enseignement, étant le français.
De même, l’intégration universitaire européenne n’est jamais remise en cause, alors même que ce processus de Bologne est une cause majeure de l’anglicisation des établissements supérieurs et, en cascade, des lycées et du primaire.
De même, le plan « Réussite en licence », lancé en 2008, n’est nullement critiqué :
« (...) prévoit l’enseignement obligatoire de l’anglais, à raison de deux heures par semaine, dès la première année de licence et l’introduction à terme d’une deuxième langue. »
Idem pour l’usage quasi-exclusif de l’anglais dans les relations extérieures de l’UE, notamment en Asie, qui fait de l’Union le meilleur missionnaire de l’anglais mondial, tabou parmi les tabous s’il en est...
De même, aucune mention que l’embryon d’armée européenne est totalement anglophone, comme toutes les structures de coopération issues de l’UE... car ce serait critiquer la construction européenne elle-même, ou du moins souligner un de ses plus gros bobards, le plurilinguisme institutionnel.
Il convient, pour les auteurs du rapport, de se montrer de fervents pro-européens :
« Faire de la notion même de culture européenne un axe essentiel des politiques culturelles de l’UE et des États membres ».

— Ne jamais remettre en cause la position de l’anglais comme lingua franca mondiale
Celui-ci est même qualifié d’un nouvel et étrange sobriquet : la « langue code ».
Il convient de ne pas apparaître trop combatif sur les terrains où l’anglais est déjà maître des lieux : le rapport ne reviendra pas sur le protocole de Londres (la traduction des brevets) gagné haut la main par l’anglais.
Rien ne sera proposé dans le domaine des sciences, alors que les possibilités d’une promotion énergique du français existeraient là aussi, pas seulement dans le domaine culturel, comme par exemple la création par les pays francophones de revues scientifiques d’expression française, voire l’obligation de publier d’abord en français, ou la création d’un index des chercheurs francophones - toutes ces pistes seront ignorées.
Un autre récent rapport, réalisé par le Pr Marc Chesney, de l’Université de Zurich, intitulé « Enjeux et conséquences de l’utilisation de l’anglais pour les études d’économie et de gestion à l’université » confirme justement l’avancée des « masters » anglophones, ainsi que les biais du classement de Shangaï des universités. Il analyse également en détail les avantages procurés au monde ango-saxon par l’hégémonie de leur langue dans la plupart des grandes revues scientifiques.
« En ce qui concerne l’enseignement dans le domaine de l’économie et de la gestion, les informations suivantes sont obtenues pour un échantillon représentatif d’universités réputées d’Europe continentale. De nombreux programmes ont complètement basculé vers l’anglais. D’autres, sont susceptibles de le faire, ou sont bilingues.
Sur un total de 153 Masters recensés, 44 utilisent exclusivement l’anglais et 31 sont bilingues (anglais ainsi que la langue nationale). Au sein de cet échantillon de Masters, l’anglais est ainsi devenu la première langue d’enseignement, très loin devant le français ou l’allemand par exemple qui dans ce groupe ne seraient la langue exclusive que de respectivement 10 et 11 Masters. La même tendance est observable dans une moindre mesure, dans les autres domaines d’enseignement. Les accords de Bologne ont accentué ce phénomène. »
Parmi les raisons invoquées par les professeurs qui sont favorables à cette évolution, on trouve sans surprise la question financière :
« Des programmes développés conjointement par plusieurs Universités en Europe, seraient susceptibles de recevoir une aide financière de Bruxelles. Conjointement signifie bien sur en anglais. »
« Un tel basculement génère des situations cocasses, pour ne pas dire ridicules. Un professeur de langue maternelle française peut ainsi être amené à enseigner en anglais face à un public constitué uniquement d’étudiants francophones. »
Les étudiants étrangers peuvent même parfois être recrutés dans les pays francophones sur la base de leurs capacités en anglais, voire être encouragés à parfaire d’abord leur anglais par un séjour en GB, afin d’être mieux à même de suivre les cours en France !
L’homogénéisation des enseignements à laquelle cette évolution conduit est également évoquée, alors que la recherche a besoin de diversité de pensée, d’approches multiples.
« Il est donc aujourd’hui quasiment impossible de s’appuyer sur des articles dans une autre langue que l’anglais pour effectuer une carrière universitaire. Les articles publiés dans d’autres langues sont même parfois mal perçus. Ce qui est écrit en anglais, à qualité égale, a aujourd’hui plus de poids que ce qui est rédigé par exemple en français. C’est un phénomène qui est connu dans le domaine cinématographique par exemple. »
Le fait que la langue des congrès soit presque systématiquement l’anglais n’est pas neutre non plus, pas plus que les éditeurs ne peuvent éviter de favoriser des collègues avec lesquels ils ont davantage de relations.
Toutes choses qui sont passées sous silence dans le rapport Kristeva sur la francophonie... (hormis la question des congrès) mais analysées en détail par le Pr Chesney.
— Ne jamais débattre de l’ambigüité des situations post-coloniales
Notamment au sujet du bilinguisme français langue étrangère-langue maternelle. Comment critiquer chez nous l’enseignement de l’histoire en anglais (programme Emile et sections européennes) si on soutient ailleurs la même chose en notre faveur ?
Ce problème délicat est contourné par une formule, du genre : lorsque le français donne accès à la modernité.
Le droit à recevoir un enseignement dans sa langue maternelle - un débat très actuel, qui recoupe d’ailleurs les revendications des langues régionales - est néanmoins évoqué :
« La question de la langue d’enseignement, centrale dans les processus cognitifs, fait l’objet de peu d’avancées. Plusieurs pays francophones ont engagé des expériences sans les généraliser : l’apprentissage du code écrit se fait à partir de la langue parlée, tandis que le français est enseigné d’abord à l’oral, puis à l’écrit, pour devenir la langue d’enseignement à partir du primaire. La multiplicité des langues locales rend ce sujet extrêmement difficile : il pose le problème de la formation des enseignants et celui de l’édition des manuels scolaires. Le CESE souhaite que l’AFD poursuive les études sur cette question déterminante pour la qualité de l’éducation et de la présence du français en Afrique subsaharienne, et qu’elle encourage le développement de l’enseignement en langue locale chaque fois que la situation linguistique le permet. »
On se dédouane à peu de frais d’une certaine gêne post-coloniale par quelques mots :
« Le CESE souhaite que l’AFD poursuive les études sur cette question déterminante pour la qualité de l’éducation et de la présence du français en Afrique subsaharienne, et qu’elle encourage le développement de l’enseignement en langue locale chaque fois que la situation linguistique le permet. »
Mais il est plus simple et intellectuellement plus confortable d’entonner le grand air des Lumières :
« Et j’aimerais, pour terminer, citer Léopold Sédar Senghor pour lequel « La francophonie, c’est cet humanisme intégral, qui se tisse autour de la terre, cette symbiose des énergies dormantes de tous les continents, de toutes les races, qui se réveillent à leur chaleur complémentaire ». »
— Ne jamais proposer la liberté de choisir sa ou ses langues étrangères à l’école
Toujours raisonner selon une planification : « faire apprendre une langue », voire une coercition puisqu’il s’agit d’imposer.
Pour le coup, la liberté des langues est un concept trop révolutionnaire pour la France des Lumières !
— Ne pas critiquer trop ouvertement les politiques.
Et un peu de flatterie ne nuit pas : on mentionnera donc au passage l’Union pour la Méditerranée, soulignant son rôle (potentiel...) dans les échanges culturels, et on félicitera le gouvernement pour son action en faveur de la francophonie :
« La France, qui joue un rôle particulièrement actif pour promouvoir la diversité linguistique en Europe, a inscrit le plurilinguisme parmi les priorités de sa Présidence (...) »
Pourtant, dans ce rapport les critiques feutrées ne manquent pas :
« Il juge regrettable que les prescriptions de la loi sur l’emploi de la langue française ne soient pas toujours appliquées et insiste pour qu’elles soient suivies avec rigueur et pragmatisme lorsqu’elles concernent la protection de consommateurs et des salariés. »
« Il pense cependant que les instructions données aux agents de l’État devraient être mieux adaptées afin qu’elles soient effectivement suivies. »
« La France et l’Allemagne ont une responsabilité majeure à l’égard de leurs propres langues en Europe : c’est à elles, conjointement, qu’il appartient de faire respecter la diversité dans les langues de travail des institutions. »
« Le déni de l’héritage national et la ruée de certaines élites vers l’anglais, au détriment du français qui recule dans le monde, font le terreau des revendications souverainistes du populisme. »
France 24, la télé en anglais payée par les Français sans avoir le droit de la regarder, est à peine égratignée... « Mieux » : son développement est recommandé, en chicanant simplement sur les détails :
« Il est, par ailleurs, indispensable qu’AEF dispose de financements nécessaires et élevés, pour aider la montée en puissance de France 24. »
« La diffusion de France 24 en anglais dans la péninsule Ibérique n’est pas forcément pertinente, elle est discutable en Afrique du Nord. »
Pas question de remettre en cause l’existence même de French 24, alors que son essence est de diffuser en anglais, une volonté politique maquillée en plurilingue à l’aide de quatre heures d’arabe. La diffusion au monde de la pensée française est sacrée ! On a la grosse tête ou pas...
Le chapitre sur la culture en Europe (Arte, etc.) aurait pu proposer une télévision publique européenne, une mise en commun de quelques programmes, doublés ou sous-titrés.
Ah oui, on peut quand même y trouver des passages involontairement humoristiques :
« Demander à l’UE d’être un acteur essentiel pour la promotion de la diversité culturelle et du multilinguisme. » Poliment ?
« La diversité linguistique européenne est en train de créer des individus
kaléidoscopiques capables de défier et le bilinguisme du globish (global English) imposé par la mondialisation, et cette bonne vieille francophonie qui peine à sortir de son rêve versaillais, pour en faire l’onde porteuse de la tradition et de l’innovation dans le métissage. Un sujet polyphonique émerge, citoyen polyglotte d’une Europe plurinationale. Le futur Européen sera un sujet singulier au psychisme intrinsèquement pluriel, parce que trilingue, quadrilingue, multilingue. »
On croirait lire les délires soviétiques sur l’Homo sovieticus, l’Homme nouveau !
L’Homo europeanus ne sera pas seulement polyglotte mais kaléidoscopique et polyphonique ! Symphonique même, oserais-je affirmer. Pour l’heure, il n’est qu’anglophonique, mais l’avenir nous dira de quoi le futur sera fait !
Au total, les bonnes remarques sont un peu noyées dans ce rapport touffu, édulcorées par le ton volontairement modéré, et le refus de toute proposition musclée qui donnerait l’image d’une francophonie offensive, alors que nous sommes déjà le seul pays de l’UE qui lutte pour préserver la position de sa langue...
Pour l’école, il est proposé d’apprendre une deuxième langue étrangère. Pour l’UE, la traduction et l’usage de trois langues de travail.
On voit l’originalité du propos... énième variation en son genre. Un rapport très riche, précis, pertinent, mais pauvre en suggestions.
Les auteurs ne voient d’autre solution qu’entériner un médiocre anglais « code », en compensant cet aveu inexprimé (ou alambiqué) par un mythique multilinguisme. Comme toujours, la seule alternative crédible (càd. réaliste, faisable), l’espéranto comme langue seconde ou troisième commune des Européens, n’est même pas cité.
Au fond, ce que ce rapport recommande sans oser l’écrire clairement, c’est de se faire discrets, d’être satisfaits de notre deuxième place dans l’UE, de ne pas remettre en cause l’hégémonie linguistique de l’anglais, de ne pas contrarier les intérêts anglosaxons.
Cent-seize pages qu’on peut résumer en trois mots : « Pas de vagues » !
Réintégration dans l’OTAN, stages de formation des pilotes de chasse, services de renseignement, les liens historiques entre la France et le monde anglosaxon sont anciens et très étroits, c’est une affaire entendue (quoique avec les néocons et autres fanatiques, ou les mensonges de Gordon Brown à qui on doit aujourd’hui d’être en guerre, il y aurait beaucoup à redire), mais notre amitié avec le monde anglo-saxon me rappelle toujours cette vielle blague de l’ex-URSS :
Un officiel soviétique discute de la nouvelle récolte avec un représentant d’un pays frère :
- Alors, comme d’habitude, on partage en frères ?
- Ah non ! Cette fois, on fait 50-50 !
Bien que le vocable de guerre des langues n’ait pas été utilisé dans un rapport si policé, la réalité de la lutte d’influence entre les langues, les liens entre culture et influence linguistique y sont explicites :
« La situation internationale place l’ambition d’une « diplomatie d’influence » devant la nécessité de trouver un nouveau souffle. Précurseur par l’importance qu’elle accorde à l’action culturelle de sa politique étrangère, et en ce qu’elle maintienne cette perspective aujourd’hui, en pratique et de plus en plus la France se laisse rejoindre, rattraper, voire dépasser par les initiatives culturelles internationales de ses voisins européens (Angleterre, Allemagne, Espagne), mais aussi par celles des « pays émergents », comme la Chine, qui ne lésinent ni sur les moyens ni sur les efforts d’imagination pour implanter hors de leurs frontières leur message culturel. »
Les Chinois ont d’ailleurs fait preuve d’un humour très « british », pince-sans-rire : à l’accusation feutrée de ce que la multiplication récente des Instituts Confucius pourrait avoir d’impérialiste, ils ont répondu qu’ils se sont inspirés du British Council, des Goethe-Institut et des Alliances françaises !
Article du Point, signalé par l’APLV - Association des professeurs de langues vivantes :
« Afin d’accroître son influence et de rassurer le reste du monde sur ses ambitions de développement pacifique, la Chine a multiplié ces dernières années l’installation d’instituts Confucius sur les cinq continents. Ils sont débordés par leur propre succès ! »
« Jamais, nous n’aurions imaginé, voilà cinq ans, qu’il y aurait un tel engouement pour l’apprentissage du chinois. Aujourd’hui, plus de 40 millions d’étrangers apprennent notre langue (dont 36 millions d’origine chinoise). »
Seule alternative à ce comportement impérialiste, où chacun cherche à augmenter l’influence de sa langue, tout en soutenant mordicus qu’on ne soutient que notre culture et notre économie (peut-être en toute sincérité tant les trois sont intimement liés) : favoriser une langue neutre internationale, une langue-pont entre les cultures, ce qui n’empêcherait nullement tous les amoureux de notre culture d’apprendre le français – si tant est que notre "particularisme français" ne devienne pas une culture européenne intégrée...
Ça tombe bien, cette langue-pont existe depuis un siècle : l’espéranto. Et, à ce titre, les nations l’ont soit combattue, soit méprisée, tant cette possibilité contrevient à une lutte d’influence si ancienne qu’elle nous semble à tous naturelle.

L’espéranto comme langue-pont, quoique centenaire, est un concept encore révolutionnaire - en tout cas trop pour que ce rapport précautionneux le mentionne, fût-ce d’un seul mot, pas plus qu’il n’a osé accuser trop ouvertement certains aspects de l’UE, ou proposer de soutenir la francophonie par des mesures qui nuiraient aux intérêts du monde anglosaxon, comme financer des publications scientifiques francophones ou un mode de classement des chercheurs qui tiendrait compte des autres langues, stopper Erasmus mundus, fermer France 24, et autres mesures musclées.
A ménager la chèvre et le chou, la francophonie se retrouve aphone dans l’UE !


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