Simon Brault, président de Culture Montréal et vice-président du Conseil des arts du Canada, juge l'étude «incomplète». «On n'a jamais évalué les dépenses fédérales en culture au Québec en fonction du poids démographique, dit-il. C'est ainsi depuis 1945, à cause de la Loi sur les langues officielles et d'une logique d'équité. Le Québec dépense plus en culture, donc reçoit plus.» Photo: Ivanoh Demers, La Presse
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Paul Journet - Le rapatriement des pouvoirs en matière de culture risque de se traduire par une baisse de financement et par une concentration décisionnelle qui nuirait aux artistes.
C'est la conclusion d'une étude de François Colbert et André Courchesne de la Chaire de gestion des arts Carmelle et Rémi-Marcoux des HEC. L'étude a été commandée par l'Idée fédérale, un réseau «non partisan» de «réflexion sur le fédéralisme».
«En ce moment, Québec reçoit 33,7% des dépenses fédérales en culture, mais il ne représente que 23,2% de la population du pays. S'il y a rapatriement des pouvoirs, il y aura négociation. Québec en recevra-t-il autant? Ce n'est pas certain. Si on reçoit un pourcentage qui équivaut à notre poids démographique, cela impliquerait des pertes de 179 millions», avance le professeur Colbert.
Il rappelle que les provinces doivent assumer des dépenses croissantes en santé et en éducation. «Si les pouvoirs sont rapatriés au Québec, qui dit que les dépenses en culture ne seront pas éventuellement coupées? On a beaucoup contesté les petites coupes du fédéral, en disait que Québec n'aurait pas agit ainsi. Est-ce vrai? Je n'en suis pas certain.»
Autre argument de l'étude: le rapatriement des pouvoirs pourrait mener à un «quasi-monopole» du soutien aux arts. «Certains artistes qui sont refusés au Conseil des arts du Canada sont acceptés par le Conseil des arts et lettres du Québec, et vice-versa. Ça leur donne une deuxième chance, en quelque sorte», argue-t-il.
L'étude note que même si Québec détenait le même budget avec tous les pouvoirs en matière de culture, l'influence de ses actions serait limitée. Selon M. Colbert, l'offre culturelle est déjà saturée, et des investissements additionnels ne permettraient pas de stimuler davantage la consommation.
Réserves
Simon Brault, président de Culture Montréal et vice-président du Conseil des arts du Canada, juge l'étude «incomplète». «On n'a jamais évalué les dépenses fédérales en culture au Québec en fonction du poids démographique, dit-il. C'est ainsi depuis 1945, à cause de la Loi sur les langues officielles et d'une logique d'équité. Le Québec dépense plus en culture, donc reçoit plus.»
M. Brault insiste sur l'importance de développer la demande. Il estime que les gouvernements peuvent le faire avec des initiatives comme les Journées de la culture. «Peut être que d'autres pays n'ont pas réussi à influer sur la demande, mais tout n'a pas été essayé.» Il souligne l'importance de l'école primaire et secondaire pour développer les préférences en matière de culture.
Lors des dernières élections, le Parti québécois suggérait de rapatrier les pouvoirs en matière de culture et de communications. Son porte-parole, Maka Kotto, critique l'étude. «La baisse de financement du fédéral est hypothétique. Et même s'il y a une baisse, qui dit que nous n'augmenterions pas notre budget pour la compenser?» Il ajoute que les choix de dépenses en culture du fédéral sont «inadaptés à la réalité québécoise.»
La ministre de la Culture, Christine St-Pierre, a préféré ne pas commenter l'étude hier, disant ne pas avoir eu le temps de la consulter dûment.
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