Fausse route

Il est temps pour le Canada de faire sa part dans le conflit au Liban

Géopolitique — Proche-Orient


Depuis des semaines, les Canadiens voient périr d'innocentes victimes civiles tant au Liban qu'en Israël et dans les territoires palestiniens. Pour les Canadiens d'origine libanaise, dont les familles fuient la violence, et pour les juifs canadiens, dont les parents doivent chercher refuge dans des abris anti-missile, les sentiments sont à fleur de peau. Personne d'entre nous ne peut prétendre que ce conflit soit l'affaire des autres et que, vu la distance, cela nous concerne peu. En réalité, ce conflit touche les Canadiens.
Le Canada peut occuper un rôle important en tentant d'atténuer les souffrances, mais avant tout nous devons comprendre ce qui rend ce terrible conflit si dangereux.
La stratégie du Hezbollah est d'inciter Israël à intensifier la violence de ses répliques, ce qui aura pour effet de radicaliser le monde arabe. Le Hezbollah espère entraîner Israël dans un conflit à plus grande échelle qui mènera à sa destruction. À l'issue de ce conflit, Israël ne peut que sortir perdant, le Hezbollah ne peut pas perdre, et le Liban est voué à périr.
Israël ne doit pas jouer le jeu du Hezbollah. Il doit se défendre, mais s'il maintient sa campagne militaire, il ne peut que livrer au Hezbollah ce qu'il souhaite, c'est-à-dire la poursuite du carnage au Liban et l'affaiblissement de l'appui international en faveur d'Israël. Le Canada devrait faire comprendre à Israël qu'aucune option militaire au Liban ne lui permettra d'éviter la destruction du Liban et, en fin de compte, de mettre en péril sa propre sécurité.
Si Israël persiste, il risque de perdre le contrôle de la situation. Aucun moyen militaire ne permettra d'éliminer le Hezbollah, qui jouit de l'appui des chiites libanais, parce que le Hezbollah leur fournit une protection sociale. Ce groupe a également un certain pouvoir politique, étant donné qu'il a remporté des sièges lors d'élections libres. La poursuite des actions militaires par Israël ne peut que galvaniser le pouvoir politique du Hezbollah au Liban.
Bras de fer
On peut se demander qui est en mesure de mettre fin à cette partie de bras de fer avant qu'elle n'aille trop loin. Dans les années 90, le gouvernement de Bill Clinton a réussi à faire en sorte que toutes les parties se concentrent sur un processus de paix, qui a mené à une solution de consensus dans le conflit israélo-palestinien. Ce genre de solution, c'est le seul espoir de paix durable qui soit. Le gouvernement Bush n'a rien fait ou presque pour que les parties se concentrent sur un moyen de parvenir à un accord de paix. Pis encore, le gouvernement américain n'a pas encore réclamé un cessez-le-feu immédiat au Proche-Orient.
La réaction du gouvernement Harper est inadéquate. Le gouvernement Harper n'a pas encore réagi au tort que le conflit est en train de causer aux relations entre les communautés au Canada; il n'a pas encore saisi à quel point cette situation peut s'aggraver, et il n'a pas réussi à faire valoir le rôle positif que le Canada pourrait jouer dans le dénouement de cette crise.
Il est temps pour le Canada de faire sa part et de tenter de mettre fin au conflit avant qu'il ne soit trop tard. Il devrait réclamer un cessez-le-feu immédiat, avec l'autorisation du Conseil de sécurité de l'ONU. Il devrait se ranger du côté des pays européens et des pays arabes modérés qui réclament la même chose.
Une fois le cessez-le-feu mis en place, le Canada devrait proposer le déploiement d'une force navale, aérienne et terrestre internationale ayant pour mission de prévenir le transfert de missiles et d'autres formes de technologie militaire de l'Iran et la Syrie vers le Hezbollah au Liban. Cette force internationale serait chargée de surveiller tous les ports et toutes les frontières terrestres du Liban. Une autre force navale serait chargée de patrouiller les eaux libanaises. Cette force serait autorisée par le Conseil de sécurité de l'ONU à saisir toute arme destinée au Hezbollah ou à toute force régionale non étatique.
Cette force ne s'engagerait dans aucune confrontation directe avec le Hezbollah ou avec les forces israéliennes, mais serait plutôt occupée à patrouiller une zone tampon entre ces deux groupes.
Les engagements que le Canada a pris envers l'Afghanistan l'empêchent d'envoyer des troupes au sol pour cette mission, mais il pourrait participer à l'opération maritime dans la Méditerranée. La marine canadienne a déjà joué ce rôle dans le Golfe persique et dispose de l'équipement nécessaire pour assumer à nouveau ce rôle.
Le but de cette opération est limité, mais néanmoins vital: créer des zones démilitarisées entre les combattants et empêcher l'introduction d'armement de pointe qui risquerait de transformer ce conflit local en conflagration régionale.
Une fois le cessez-le-feu mis en place, et à partir du moment où la force d'interdiction est déployée, le Canada pourrait être le leader d'un groupe d'États qui travailleraient de concert avec le gouvernement libanais à la reconstruction de l'infrastructure lourdement compromise de ce pays. L'Allemagne a joué un tel rôle après la guerre en Afghanistan en 2001.
Notre pays a une réputation pacifique. Bon nombre de nos concitoyens ont cherché refuge au Canada après avoir fui les horreurs de la guerre. En tant que nation formée d'immigrants qui ont fui la guerre, nous avons une vocation toute particulière pour la paix. Lorsque le Canada parle, les autres pays écoutent. Faisons donc entendre notre voix.
L'auteur est député de la circonscription fédérale de Etobicoke-Lakeshore et candidat à la direction du Parti libéral du Canada.


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